Aux abords du Prado, elle bifurque, presque téléguidée. La circulation déjà dense à cette heure de la journée n’a pas l’air de l’effrayer un seul instant. Son apparente gracilité n’a aucune incidence sur la conduite de son deux-roues qu’elle manie avec dextérité. Elle conduit sans hésitation, maitre d’elle-même et de son véhicule. Lorsqu’elle ressent une inquiétude chez son passager, à chacun des virages trop serrés qu’elle aborde avec aplomb, elle le rassure, avec douceur, d’une voix envoutante assortie d’une pression apaisante sur une de ses cuisses accolées à ses hanches. Cela a pour effet immédiat de resserrer les liens entre eux. Il en vient même à espérer l’enchainement des lacets, jusqu’à leur destination finale dont il n’a aucune idée. Elle ne lui a pas demandé son nom, pas même son prénom, n’a émis aucun signe de curiosité quelconque. L’étrangeté de la situation n’a pas l’air de la soucier, un seul instant. Quelles sont ses intimes intentions ?
Il ressent une détermination et une capacité hors du commun chez Camille, qui le font osciller entre intrigue et fascination. Il est par nature d’un tempérament plutôt confiant, parfois même à la limite de l’inconscience, mais cet état de fait ne l’a jamais trahi jusqu’ici. Alors pourquoi cela commencerait-il aujourd’hui et en si désirable compagnie ?
Il jouit à présent d’un panoramique incroyablement grandiose .Il ne connait pas foncièrement bien Marseille, mais à en juger par la situation géographique et les résidences jalonnant la route il reconnait aisément un quartier huppé de la ville, le huitième…
« Sommes-nous dans le huitième ?
-Oui, exactement, vous connaissez ? »
Le vent, le ronronnement du moteur et le port du casque ne lui laissent saisir que des bribes de phrases rendant toute discussion impossible, pourtant il poursuit…
« Vous ne connaissez même pas mon prénom ?
-Laissez-moi deviner…Arthur ?
-Comment savez-vous ?…incroyable !
-Je suis votre rendez-vous… ! »
Le silence s’impose de lui-même, comme celui qui succède à l’annonce d’un évènement de vie, une naissance ou un décès, le début ou la fin.
C’était donc elle mon rendez-vous, songe-t-il, entre ravissement et déception. Pourquoi tant de mystère, pourquoi se jouer ainsi de ma vulnérabilité masculine face au charme féminin. Ce serait le diable de soie vêtu, qu’il n’aurait agi autrement. Un imposteur en porte jarretelles…est-ce ainsi qu’on traite les affaires dans la cité phocéenne ? Comment dissimuler mon amertume de la belle intrigante en talons aiguilles. Une offense pourrait ressembler à une vengeance, et …
Elle l’interrompt dans ses méditations, coupant le contact du scooter, ôtant son casque, libérant sa chevelure, dans un scenario digne d’une pub excessive pour le shampoing ou autre soins capillaires. Un instant, un seul instant, il ne supporte plus l’indécence de son charme ravageur. Elle l’invite à descendre en souriant. Le léger désordre séduisant de ses dents auréole son sourire d’une séduction particulière.
« On y va ?
- Avouez, Camille, c’est une blague, rien de moins qu’une blague…Vous appartenez à une agence ou un truc comme ça …Une caméra cachée quelque part ?
-Non, pas vraiment !
-Si tu ne me plaisais pas autant, je te planterais là …Bon on y va ? Ah zut mon trench ! »
Avec calme, elle ouvre le coffre à bagage et récupère sont trench savamment plié.
« Un trench, pour visiter un appart ! Est-ce vraiment nécessaire ? Jusqu’où va votre rôle diabolique ?
Camille éclate de rire …
« Frileux, le garçon…j’adore et du tempérament ! Tu es libre de repartir …
-Je ne voudrais pas passer à côté d’une bonne affaire
-C’est de moi dont tu parles ?
-Je ne suis pas un goujat ! Non pas, l’appart’
-Ah oui l’appart, je l’avais oublié »
Arthur ne sait plus quoi penser. Elle lui saisit la main et l’entraine dans son sillage parfumé.
« C’est au septième… »
Le jeu est inégal pense-t-il. Apres une chevauchée urbaine insolite, voici à présent qu’elle l’entraine vers les étages d’une luxueuse résidence par-delà les plages sablonneuses et rocheuses méridionales bousculées par un mistral enivrant.
Il se met à espérer, avec force, la relative intimité d’une cabine d’ascenseur , ses désirs bien présents sous la toile de son pantalon, proportionnels à l’audace de sa compagne .
[…]
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