Drôle d’équipée pour une partouze improvisée songeait Julien en signifiant à Manon d’enfourcher le plus petit des deux vélos sommeillant sous le auvent devant la petite maison de plage. Une partouze quelle drôle d’idée, où donc était elle allée chercher la possibilité d’une situation aussi saugrenue que celle-ci sur une île comme Porquerolles…Soit elle faisait preuve d’un humour décalé, soit elle était femme traumatisée…Auquel cas, il était l’homme de la situation inespéré…
Avec Ulysse pour éclaireur sur les sentiers caillouteux de ce territoire d’exception, ils prenaient la direction Nord de l’île, dans la pénombre maitrisée par la pleine lune d’une voûte céleste scintillant de mille feux. A en juger par la vitalité avec laquelle Manon pédalait, Julien aurait pu parier sur ce qu'’il avait de plus cher, qu'en cette soirée estivale très ventée, il avait fait jusqu’ici une heureuse. A priori, en fuite, ou larguée, elle n’en avait pas parlé un seul instant, le refuge aussi insolite qu'’improvisé que Julien lui prêtait la comblait tout autant que cette escapade nocturne dont elle ne connaissait pas officiellement le but ni la portée. De temps à autre, il se laissait doubler par cette adorable Messaline, laissant courir au vent la corolle de sa robe que les courants d’air rendaient indisciplinée pour le plus grand bonheur de Julien. Il laissait s’égarer son regard, au risque de se rompre le cou, le long de ces cuisses galbées, que l’éclairage dynamo de la bicyclette prolongeait au-delà d’une ombre envoutante de volupté. Son petit cul perché sur une selle anonyme lui renvoyait le reflet, d’une croupe ondulante réclamant l’impudence de morsures baisers. Son esprit vagabond lui imposait des images aux effets très peu sages, et faisant fi soudain de cette patience particulière qualifiant sa personnalité, il lui criait des paroles impulsives que le vent emportait dans la cime des pins par le vent torturée.
« Tu me fais tant bander Manon, tu es une vraie fée doublée d’un ange et d’un démon… »
Elle ne percevait rien de la spontanéité de cet aveu, poursuivait son chemin sous l’escorte canine d’un Ulysse conquérant ! Les nombreuses bifurcations jalonnant leurs périples ajoutaient au mystère de leur destination.
Julien connaissait tant et tant ce chemin pour l’avoir parcouru des centaines de fois, et comptant sur son intuition et son sens inné de l’orientation, se laissait égarer par sa belle hôte. Au profit d’un sentier, un peu moins éclairé, elle quittait la destination finale, uniquement guidée par des reflets brillants sur les ondes bleu marine de bateaux constellées. A l’abri du mistral, dans une crique étroite, une dizaine de voiliers, adeptes de cabotage, ondulaient au rythme de la houle, vagues atténuées par le contrefort rocheux d’une anse protectrice. Elle reconnaissait parmi les bateaux ancrés, le leur qu'’elle avait quitté quelques heures plus tôt. Point de remord, point de regret, elle souriait sous le regard désorienté de Julien. Femme est changeante songeait-il soudain. Manon pouvait le planter là à tout instant pour rejoindre son marin.
Mais elle n’en fit rien. Elle laissait choir lamentablement son vélo au sol, se rapprochait de Julien, se collait à lui, l’invitait à destiner le même triste sort à sa bicyclette. Obéissant, se complaisant soudain dans une béatitude sans égal face à l’autorité facétieuse de Manon, il laissait couler la langue dévorante de la fugitive entre ses lèvres entrouvertes, et sa main sur la poitrine palpitante de cette gourmande sirène. Le cocktail explosif de ces caresses épicées alimentaient sa trique d’une raideur obscène que Manon se plaisait, insouciante séductrice à commenter de subtiles indiscrétions.
« Délicieuse appendice, comment y résister, j’ai le feu entre les cuisses, j’ai envie de baiser, là tout de suite, ici au milieu de nulle part »
Impudente, audacieuse, abusive presque fallacieuse, s’agrippant à l’écorce lisse d’un jeune pin d’Alep, au milieu du maquis, à l’abrupt d’une falaise rocheuse, elle lui offrait sa croupe pervertie de ses désirs de bouche, de ses envies de baise …
Irrésistible envie de glisser dans cet écrin vibrant, une langue, des doigts …mais l’appel de la luxure était ailleurs …dans les contreforts d’une batterie surplombant la grande bleue.
Il se laissait aller à quelques effleurements, s’inquiétant de ses doigts de la tiède moiteur du désir féminin, puis portant la saveur à sa bouche gourmande, la partageant enfin dans un baiser profond au gout de sa future amante
Dérogeant à la règle de toute bienséante intimité en de telles circonstances, Ulysse venait les bousculer, en s’inquiétant soudain de cette entorse itinérante …
Ils en riaient, enfourchaient à nouveau leurs vélos, le corps submergés de désirs, de fantasmes et d’harmonieux interdits …
Il eut été si simple de faire l’amour ici , mais l’art des mises en scène était ailleurs , dans des salles militaires où flottait l’odeur acre de l’humidité mêlée à celle des pins et des feuilles mouillées en décomposition.
A suivre…
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