Dans l’urgence de la situation tout à coup branlante, elle avait entamé une douloureuse radioscopie de son passé proche, essayant de trouver une explication plausible au dérapage clandestin de son mari.
Rien, rien, ne lui venait à l’esprit qui puisse argumenter cette déviance, si ce n’était une aussi banale qu’instinctive attirance sexuelle entre deux êtres majeurs et consentants.
Sur cette triste constatation, elle s’était servie un verre, et avait, perdue dans ses désillusions, jeté son regard le plus loin possible sur l’horizon.
Elle aimait particulièrement la vue panoramique qui s’offrait à elle depuis la terrasse de leur appartement, mais, empreinte de morosité en ce début de soirée, elle avait trouvé que la plage vide, étrangement, avait des couleurs mortes.
Elle était pourtant somptueuse dans une robe courte d’un brun mordoré, ses cuisses à demi découvertes.
De manière abusive, elle avait joué sur sa forte personnalité latine.
A l’image d’une belle andalouse, elle avait plaqué ses longs cheveux ébène, les retenant à la base de sa nuque, en un lourd chignon éperonné sauvagement d’une baguette d’ivoire incrustée de nacre. Deux larges créoles dorées avaient fini de peaufiner, de façon presque trop méticuleuse, sa silhouette ibérique, naturellement accentuée par une cambrure digne des plus nobles danseuses de Flamenco.
Cependant, rien de bien particulier dans sa tenue vestimentaire, car, sans tomber dans l’habitude, elle aimait bien jouer de ses origines méridionales.
Mais cette soirée particulièrement éprouvante, le reflet du miroir, lui avait renvoyé le reflet de l’image d’une femme bien trop belle pour être honnête.
Ses grands yeux verts, deux gemmes troublantes cernées de noir liner, miroitaient en éclats flamboyants dans la glace de la psyché en un mélange pertinent de colérique et de lubrique.
Dans l’attente du retour de son mari, les minutes avaient pris des allures d’éternité, et, elle, si peu encline au tabagisme, avait séché un demi paquet de Marlboro en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, agrémentant ses volutes de fumée d’un alcool capable de délier dans l’urgence ses envies vengeresses.
Depuis le balcon de sa chambre, aux alentours de 21 heures elle avait enfin perçu les faisceaux lumineux d’un véhicule pourfendre la nuit déjà établie.
« Bonsoir, ma chérie, avait-il lancé, comme à son habitude, sans soupçonner un tant soit peu la lubrique maîtresse qui l’accueillait. Je suis désolé, je suis en retard, j’ai été retenu au bureau avait-il poursuivi en jetant sa sacoche de cuir sur le fauteuil de l’entrée. Chérie, où es-tu ?
-Je suis là... »
Elle lui était apparue dans la semi-obscurité de la pièce, sublime, troublante, comme la première fois des années plus tôt.
Sur la table du salon, quelques en- cas savamment dressés, un seau à champagne et deux coupes, rien de plus, rien de moins, si ce n’était la musique s’échappant de la chaîne, un de ses morceaux préférés de Miles Davis et quelques bougies odorantes disséminées ici ou là dans la pièce.
« Chérie, tu ne dis rien, ne m’en veux pas, notre anniversaire de rencontre, j’ai complètement oublié, je suis débordé en ce moment »
Elle lui avait souri, agrémentant sa douceur féminine d’un « ce n’est pas grave, tu es pardonné »
A la vérité, les hommes sont capables de bien des stratagèmes lorsqu’ils se sentent piégés ou coupables, capables d’hypocrisie même les plus mesquines quitte à se fourvoyer. Mais les femmes sont bien pires quand elles se sentent bafouées, humiliées.
« As-tu fais le repas, veux-tu que nous sortions dîner ce soir
-Non, j’ai tout prévu, n’aies crainte, tu ne mourras pas de faim, si telle est ton angoisse !
-Que vas-tu imaginer ?
-Je n’imagine rien .Tu ne m’embrasses pas ?
-Tu es tellement sublime, je reste sans voix, je suis étonné qu’on ne t’ait pas encore enlevée à moi ?
-Je t’aime, un point c’est toi »
Cet aveu sans détour l’avait rassuré, quelque peu dubitatif quant au pourquoi de cette soirée particulière.
Les femmes sont si romantiques avait-il songé, juste avant qu’elle ne vienne lui enfoncer une langue vicieuse jusqu’au fond de la gorge et qu’elle ne se saisisse de ses attributs masculins à pleine main.
Puis elle s’était éclipsée rapidement. Sa silhouette soudain crapuleuse l’avait séduit .Cette manière très particulière de se déplacer faisant que le reflet de satin de sa robe ondoyait à chacun de ses pas, avait donné à sa croupe une lueur incendiaire qui l’avait irradié.
Sans compter ces fragrances si particulières qu’elle dégageait, comme un parfum de baise flottait dans la pièce ensommeillée.
Elle était revenue, une bouteille de champagne à la main, un couteau dans l’autre, et presque sauvagement avait, d’un coup sec et tranchant, sabrer le goulot du Dom Pérignon, éparpillant en éclaboussures gazeuses le liquide alcoolisé sur le tapis.
« Je ne te connaissais pas ce talent ma chérie
-Il y en tant que tu ignores
-Comme ?
-Tu les découvriras bien assez tôt.
-Tu m’intrigues.
-Mon but n’est pas de t’intriguer, mais de te séduire
-Tu n’as pas besoin de me séduire, je le suis tu le sais, je t’aime ma chérie. Regarde, tu m’as filé la trique
-C’est élégant
-Désolé »
Lui servant une coupe, son regard vert opalin planté dans le sien, elle avait recherché, en vain cette lubrique complicité qui les avait accompagnés pendant de si longues années. Mais pour autant, elle n’avait pas renoncé à baisser les yeux. Cette audacieuse acuité l’avait ému, presque troublé.
Elle était délicieusement belle, en salope distinguée, à tel point qu’il en avait oublié ses élucubrations extra- conjugales qui avaient accaparées une bonne partie de sa journée.
Ils avaient trinqué à leur non anniversaire, Sophie n’ayant aucune intention de lui avouer la supercherie dont il était l’objet.
Comme une logique implacable , elle avait bu sa première gorgée du bout des lèvres , avant de s’emparer du verre de son mari , et de lui faire couler insidieusement le liquide absorbé de sa bouche à sa gorge , sensuelle source chaude d’un désir annoncé.
Presque instinctivement, bestialement, il avait glissé une de ses mains sous la robe , à la recherche de cette féminine fièvre magnétique qui enflamme même les moins exaltés.
Bizarrement, adoptant le comportement d’une étrangère, elle avait adoré la brutalité avec laquelle il avait agi, endossant paradoxalement à la situation, le rôle d’une maîtresse désirée.
L’incarnation accidentelle de ce nouveau personnage, l’avait irrémédiablement et soudainement entraînée vers un comportement plus voluptueux presque irrévérencieux à l’égard de son mari auquel elle ne vouait jusqu’alors que respect et bienveillance, et cela même dans leurs moments les plus intimement charnels.
A bouche perdue, elle l’avait goulûment embrassé, l’entraînant presque à la renverse vers le canapé à proximité .Le souffle de leurs baisers mouillés avait ravivé en elle de bien étranges élans se sensualité, lui remémorant les étreintes torrides du passé.
Habitude et lassitude avaient eu raison de leurs passionnelles attirances du début et comme une revanche sur l’histoire déroutée, elle s’était sentie précipitamment et égoïstement investie d’un désir de luxure.
L’exigence de la situation avait guidé le moindre de ses gestes, quand elle s’était littéralement jetée sur son mari, lui arrachant polo, ceinturon et pantalon, sans même prendre le temps de les lui ôter intégralement.
Avec tout l’art que mérite une fellation digne de ce nom, elle s’était appliquée sous le regard égaré et vif à la fois de son mari à parcourir, la moindre parcelle de sa hampe. Glissant ses lèvres ici, sa langue là, engouffrant parfois le sexe jusqu’à la glotte, le lapant l’instant d’après en son extrémité, le mordillant de ses dents, le baisant de ses lèvres, elle avait accompagné son mari-amant jusqu’au bord de la jouissance.
Elle l’avait senti si faible lorsqu’elle l’avait enfin enlacé, si fragile entre ses bras qu’elle s’en était émue, au point de presque succomber à la tentation de se faire posséder.
Mais sauvage comme une amazone, féline dans sa bestialité, douce dans ses excès, juste conduite par une quête du plaisir au singulier, elle l’avait chevauché comme une vulgaire monture, impudique et rebelle aux souhaits de son mari.
Cheveux en bataille, cuisses ouvertes, les jambes repliées sous elle, la tête dodelinant en mouvements désordonnés, elle avait recherché son plaisir sur son sexe endiablé en caresses volées, glissant le membre raide entre ses lèvres trempées.
Plus rien ne lui importait à présent que de se sentir submergée par la déferlante jouissive de l’orgasme sous le regard abusé de son traitre de mari.
Ses reins cambrés à se rompre, son bassin en perpétuelle mouvance, elle s’était empalée, imposant ses désirs au mari adultère, coulissant de manière abusive su le pieu en érection, accompagnant ses gestes de délicieuse obscénités verbales, gémissant, soupirant, lâchant dans le silence de la nuit un grand cri, qui s’était achevé, faiblissant jusqu’à ne plus ressembler qu’à un souffle de vie. Son regard n’était plus qu’opacité dilué, perdu dans les mystérieux méandres du plaisir. Elle s’était effondrée sur son mari, comblée.
Epuisé, éreinté de plaisir, au bord de la rupture, il s’était endormi en lui murmurant des sobriquets osés de sucre enrobés
Sophie l’avait longtemps gratifié de caresses plus câlines, parcourant tout son corps de ses lèvres, de ses mains.
Avant que le jour ne se lève, elle avait pris une douche rapide, avait rassemblé quelques affaires dans un sac de voyage et appelé un taxi.
Jetant un dernier regard alangui vers son mari endormi, elle avait doucement tiré la porte, puis était sortie, sans même prendre le soin de laisser quelques indices de sa disparition, il comprendrait bien assez tôt.
Dans le taxi qui l’emportait vers un nouveau destin, un aller simple, elle ne regrettait rien, car en cette ultime nuit dans les bras de son futur ex-mari, elle n’avait jamais autant joui.
© 2008 Mystérieuse
Les commentaires récents