ELLE se souvient, ELLE se souvient uniquement que de ce que son cerveau libertin a bien voulu retenir ….
C’était un mercredi, sous un ciel lourd et gris, l’achat d’un parapluie, rouge comme le sang bouillonnant qui coulait dans ses veines. Dans le pays d’où elle vient, il ne pleut presque jamais et même quand il pleut, elle se calfeutre chez elle, noircissant inexorablement des pages blanches de rimes et de proses en attendant que le soleil éclose à nouveau.
Rayonnante, le soleil qui manquait au décor des pavés de la capitale, sous le parapluie rouge, elle guettait l’interdit, cet amoureux de passage, l’amant d’une seule nuit, cet inconnu volage, qui bravant le Mystère de sa forte personnalité, en la place de l’Hôtel de Ville avait osé lui donner rendez-vous.
Nombres de regards masculins l’avaient prises pour cible, pour ses jambes plus particulièrement qu'’elle avait habillé, circonstance oblige, de forts délicieux bas, invites tendancieuses en sensuels partages. Juchée sur ses hauts escarpins rouges en harmonie peu sage avec le rouge carmin de son nouveau pépin, elle souriait au ciel en espérant de lui qu'’il lui envoie au plus vite son rendez- vous galant …Dix-sept heures venaient à peine de sonner …
« Tu me reconnaitras, lui avait-elle précisé, tu ne peux pas te tromper, mon allure femme –femme ne pourra te tromper »
Tu avais bien raison, Madame, avait-il songé en l’apercevant de loin
Sur la Grande Place, il n’avait eu qu'’à suivre les regards concupiscents des hommes environnants pour des jambes féminines au galbe envoutant. Verso, Elle était ELLE, identique à celle qu'’il avait longtemps imaginée avant que d’en découvrir une photo floue, et son esprit joueur lui imprimait la saugrenue idée de la surprendre en déposant un baiser à la base de sa nuque. La réaction fut de taille, mais pas celle qu'’il espérait…Madame surprise de ce méfait, tressaillait non pas de plaisir comme il l’eut espéré, frissons épidermiques assurés mais plutôt par la crainte exprimés, avant de lui bondir dessus, toutes griffes dehors, sous l’œillade amusée d’un couple d’étrangers.
« Hey, Tigresse, ce n’est que moi !
-Oh Mon Dieu, je suis désolée, mais tu m’as fait si peur …Si je n’avais pas eu ce foutu parapluie en main …Tu es passée à côté d’un gifle, ou pire un coup de poing …
-Cela commence bien ! Moi qui rêvait de ton regard coquin…Une mauvaise plaisanterie et le voilà endurci, effronté, si dur, si froid »
Ces quelques mots ramenaient la sérénité, elle l’embrassait sans plus de retenue, sa bouche, ses lèvres au bord des siennes. Il découvrait enfin ce regard assassin dont elle lui avait tant parlé .Il avait envie d’elle, là tout de suite ….Il n’y avait guère qu'’une petite demi heure qu'’il était arrivé Gare de Lyon de sa Provence natale, à peine une petite demi-heure qu'’il avait déposé ses bagages à l’Hôtel.
L’hôtel, là aussi il allait la surprendre…Il était presque sûr qu'’une femme comme elle, dont la grâce et l’élégance n’étaient plus à démontrer, il était sûr qu'’elle était habituée au luxe des palaces, au confort des hôtels quatre fois étoilés ou même cinq. Comment allait-il lui avouer, qu'’il n’avait trouvé qu'’une modeste chambre au cinquième étage dans un encore plus modeste hôtel sans ascenseur…
Mais après tout, ils ne s’étaient rien promis, sinon une rencontre, une soirée agréable et peut être plus si affinités, mais rien qui ne laisse présager un passage par la vétusté de son gite parisien …
Putain de Mondial de l’Auto …Il n’avait pas songé à cela …mais tout était allé si vite Il s’était laissé déborder par son empressement à la rencontrer. Cette rencontre était inespérée, la dernière chance. Il se souvenait du premier fiasco …de sa peur au ventre, et de sa lâcheté quand il lui avait annoncé par texto « Je ne viendrai pas ». Elle était déjà à Paris, elle l’avait injurié, puis elle avait disparu…mais il ne l’avait pas oubliée. Le temps avait passé et…
« Thierry, tu ne dis rien, je ne te plais pas, que se passet-il ? On fait quoi ? Nous sommes à deux pas du Marais, j’adore le Marais, allons –y ! A moins que tu veuilles faire l’amour avant !
- Avant de quoi ? Avant de boire un verre, avant de manger !
Thierry, quelque peu perturbé par le naturel audacieux de sa complice, bégayait en guise de réponse ….puis se reprenait
« Allons prendre un verre, laisse moi te regarder, je suis si heureux d’être là avec toi .Tu sais d’ici quelques jours j’embarque sur un Cargo pour L’Afrique, quinze jours de mer, pour rejoindre le continent Africain un vieux rêve …Quoiqu’il en soit je serai venu à Paris pour faire quelques achats …
-La galanterie ne t’étouffe pas, mais je savais à quoi m’en tenir en te rejoignant…Je vais où mes instincts me mènent .Je parie que tu as pris une chambre si ce n’est minable, pour le moins modeste, non loin d’ici avec une vue imprenable sur les toits de Paris, avec une adresse moins ordinaire, voire connue.
-Absolument, quelle perspicacité ! Je ne savais comment te le dire et puis je ne savais pas…C’est à deux pas d’ici !
-Tu ne savais pas … tu ne savais pas quoi, si je tomberais dans tes bras, entre tes draps .Comme tu vois j’ai mon baise en ville, comme son nom l’indique, je vais baiser en ville … et si c’est à deux pas d’ici, rien ne nous l’interdit
-As-tu envie de moi, la tout de suite ?
-Non, là, dans l’immédiat, j’ai envie d’une bonne pression en te découvrant ! Je me découvrirai plus tard, si tu le veux bien, je veux dire physiquement »
Son éclat de rire l’atteignait de plein fouet …Il était sous le charme de sa jovialité et de son cul …il faut bien l’avouer…il se l’avouait !
Cette cambrure accentuée par la hauteur de ses escarpins était une vraie pousse au crime…. Ses mains agrippaient déjà en rêve les rondeurs de son bassin, ses yeux dévoraient sa provocante croupe, l’esprit baladeur et baladé entre sa nuque si féminine et cette chute de rein diabolique, un avant gout de son écrin.
Il imaginait son réceptacle en effervescence sous les dentelles, en inventait les contours, rêvait d’une calligraphie tactile qu'’il imprimerait de ses doigts sur la douceur de sa corolle. Toutes ces images défilaient dans sa tête, alors que sa démarche chaloupée, elle l’entrainait comme une vraie parisienne vers une brasserie dont elle avait l’habitude lui avait-elle précisé, rue du temple, à deux pas de leur point de rencontre …
ELLE, elle l’aurait pensé plus entreprenant. Elle avait imaginé une rencontre fougueuse parce qu’éphémère, programmée, interdite. Thierry s’était contenté de la détailler sous toutes ses coutures, de la dévisager, respectant une distance anormale entre leur deux corps. Une drôle se sensations l’avaient effleurée…Et si elle ne lui plaisait pas …Peut être ne lui inspirait-elle aucun désir !
Malgré la pluie, la terrasse de la brasserie regorgeant de clients profitant de la douceur du thermomètre, leur laissait la toute petite possibilité d’une toute petite table … La promiscuité n’allait pas aider à leur rapprochement avait-elle songé en s’asseyant et bien étrangement Thierry avait pensé le contraire. La douceur climatique en dépit de la pluie autorisa Madame à se déshabiller, ou du moins à ôter sa courte veste officiée dévoilant à Thierry un chemisier diaphane imprimé panthère dans des tons beige rosé. Deux petits seins fripons à peine camouflés tentaient vainement de s’échapper du balcon où ils avaient été emprisonnés .Une apparition appelant un reflet dans le regard de Thierry, puis des réactions en chaine. Une prise de vue en accéléré, un baiser, un baiser volé en séduction, une main de Thierry posée sur le soyeux des bas taquins. Croisement de jambes, décroisement , crissements familiers du tissus satiné, familier mais pas assez , pas assez intime pour accueillir une main audacieuse capable de répondre aux attentes illicites d’une femme en mal d’amour.
Le voisinage l’excite ! Ces regards calomnieux tentant aveuglement d’accabler un couple illégitime, bien sûr c’est évident, par pure bigoterie ou pire jalousie ne font qu'’exacerber les désirs qui l’étreignent. Elle entrouvrait ses cuisses, libérant la tiédeur de son excitation que Thierry recueillait dans sa paume invitée à dessiner une course jusqu’aux frontières limites de décence exigée à la terrasse d’un café.
La sagesse féminine, la détermination de l’amante potentielle en totale intuition, commandant deux demis, calmait pourtant le jeu, atténuait le feu , mais pas suffisamment pour interdire à l’impatient amant de prononcer
« J’ai envie de toi »
Mais l’interdit excite, elle le sait plus que lui, les hommes sont pulsionnels, les femmes plus cérébrales, capables de tortures pour mieux se faire désirer.
Elle ne répondait pas, fouillait dans son grand sac, à la recherche de son téléphone, s’inquiétant d’un appel qu'’elle aurait occulté involontairement. Il ne lui tenait pas rigueur de cette diversion, glissait ses doigts fébriles sur ses rondeurs fessières, à cet endroit précis qui laisse deviner la générosité d’une amante gourmande de particularités érotiques …Elle chaussait ses lunettes, il retrouvait la diabolique intellectuelle qui l’avait subjugué, elle ôtait ses montures, loquace et légère, elle riait aux éclats, il revoyait la gamine qui l’avait amusé.
Plusieurs femmes en une, il ne s’était pas trompé, elle ne l’avait pas trompé.
De discussions en verres, de verres en discussions, le temps était passé, il en avait même oublié que ce n’était pas la femme qu'’il venait rencontrer, mais bien une maitresse, capable d’adultère dans la plus grande dérision…
Elle aurait pu être une amie, si elle ne l’avait pas autant attiré !
« Je t’invite à manger, lui avait-elle imposé-Il n’en est pas question ! Donne- moi la main, allons plus loin …
-Si tu veux, mais si tu refuses mon invitation, pas de baise !
-Pas de baise, tu veux me rendre dingue !
-Oui, surement, mais juste pour une nuit ! Je t’emmène rue des Mauvais garçons, tu ne mérites pas mieux »
Etait-elle voyante, l’avait-elle suivi à son insu ?
« C’est une plaisanterie !
-Ai-je l’air de plaisanter, il y un délicieux petit resto, une petite enseigne qui mérite le détour, mais pourquoi cette réflexion ?
-Tu le sauras bien assez tôt ! Je te suis !
-Non, je t’emmène, embrasse moi idiot, nous en crevons d’envie tous les deux. »
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