J’ai toujours eu une profonde affection, ou plutôt attirance, pour la Provence. Rien d’original à cela, si ce n’est que pour être née en terres catalanes, j’aurais dû me contenter de mes origines, me prélasser dans cette chance inouïe d’avoir grandi au milieu des vignobles, au pied des châteaux cathares. Mais finalement, à bien y songer, j’avais besoin de liberté d’évasion, de fuite vers un ailleurs. Sur ces pensées intérieures qu’involontairement j’éditai de vive voix, je quittai la Riviera, ma région d’adoption depuis 30 ans déjà, l’âme embaumée du parfum envoutant des champs de lavande. Instinctivement, une folle envie de me perdre dans la solitude éphémère d’une soirée, emprisonnée complaisamment entre les vagues ondulantes bleus et mauves et le ciel rosi à la tombée du jour par un mistral brulant me saisit. Le cœur en apnée, le corps en berne, mais l’esprit éthéré, je pris, mes intuitions en bandoulière, la direction de Valensole, en préférant un itinéraire touristique, et un passage par Sainte- Croix -du -Verdon et la plage de l’Amour. Le diable au corps de lui encore et encore, je me jetai, entièrement nue, dans les eaux encore fraiches du lac en ce début juillet. Apaiser ma fièvre, tuer mes désirs malgré son absence, malgré la distance et la déchirure néfaste d’un amour qui se lasse du manque de chair, du manque d’odeur et de toucher.
La nostalgie, quel mauvais trip. Plus envie d'imaginer. Ma peau tiédie à la seule pensée de ses doigts qui m’effleurent, je ne rêve plus que de baise et de me perdre entre ses bras. Juste envie qu’il me prenne qu’il m’étreigne, qu’il m’éreinte et me comble de lui.
Ainsi tatouée de ses empreintes psychédéliques, isolée dans mon monde érotique, je ne pris pas attention à l’ombre furtive qui m’observait de loin, un peu plus loin sur la rive à présent plongée dans une demi obscurité.
Cette pénombre sensuelle et tiède m’enveloppait de sa douceur, laissant, l’espace d’un instant, ma conscience libre de toute pensée. Pour autant, mon esprit créateur n’est jamais très loin, ma plume alimentée à l’encre de mes désirs. A peine revêtue, encore humide et fraiche de ma baignade, je laissai mon imaginaire envahir la femme solitaire. Les douces sensations de mon immersion dans le lac noircissaient de ma plus belle écriture les pages blanches de mon carnet trop longtemps oublié. Il en est ainsi, l’écriture est ma thérapie et quoiqu’il advienne, elle s’inspire toujours de lui, si présent malgré son absence.
Je me relisais rapidement à la lueur de mon smartphone, avant de me rhabiller et de rejoindre mon véhicule.
"Entre douceur et luxure, entre deux eaux, elle flottait, comme une noyée avant l’immersion, cet instant merveilleux où votre corps vous quitte pour étouffer votre âme, la priver de raison avant que de succomber. Elle connaissait cette impression d’abandon, de vain combat contre nature, engouffrée qu’elle fut un jour vers le fond par une vague dévastatrice …Pour avoir failli perdre la vie, elle mettait depuis, toute sa passion et sa dévotion à la mordre à pleines dents, à en savourer les délices et les poisons avec la même véhémence et peu importe la morale et les conséquences.
Ainsi, empreinte d’une nouvelle sensualité dont elle ne connaissait pour l’instant pas les limites, elle se laissait glisser doucement dans cet étrange enrobement érotique, un mélange subtil de volupté et d’interdit.
Elle fermait les yeux, préférant à la douceur chromatique des bougies, le noir intense, ces ténèbres qui font que tous vos sens sont démultipliés. Le velouté des caresses qu’une bouche aimante sur ses seins imprimait, répondait à l’écho de lèvres plus animales lacérant son cou de morsures amoureuses. De ses seins affolés à sa nuque fébrile, un courant électrique, décharge érotique, lui transmettait les codes de sa féminité. Emportée par le fluide enivrant de cette vague aimante de cet hommes complice de son plaisir naissant, tout son corps grisé soudainement par tant de complaisance, se mettait à onduler d’une troublante mouvance. Son esprit endiablé, derrière ses paupières clauses, elle devinait le regard caressant que devait ordonner la concupiscence de son nouvel amant sur cette femme charnelle se prêtant sans complexe à son excitation. Une débauche exhibitionniste irraisonnablement suggérée par son moi profond, la transformait irrémédiablement en une sirène exotique dont les gémissements envoûtants auraient pu entraîner n’importe quelle Ulysse à des égarements."
Sur le parking, un homme m’attendait, adossé à la portière de mon véhicule et m’accueillit d’un « Bonsoir belle sylphide, vous êtes-vous égarée ? »
Par politesse, mais aussi prudence, je répondis d’un Bonsoir laconique et n’engageai pas la discussion. Je m’engouffrai dans la voiture, inquiète de l’insolite de cette présence masculine, et démarrai rapidement pour rejoindre la chambre d’hôte réservée en ligne.
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