On peut passer son temps à regarder derrière. Mais le temps c’est l’infini. La vie ne lui avait pas laissé le choix, il l’avait subie comme un sort inaliénable. Elle l’avait épargné de toutes les déviances, ne lui avait accordé que l’insipide d’une existence orchestrée au rythme d’un train de banlieue, une petite femme bien polie, bien rangée dans un pavillon aussi aseptisé que sa moitié, insipide et sans saveur. Il était las, si las de ce bordel organisé. Il fallait qu’il voit l’ailleurs, l’au-delà, son aventure en solitude, plus loin que demain…
Il resongeait à son ami lui décrivant la beauté insaisissable de cette femme qui l’avait accueilli, en une fin d’après midi dans l’intimité d’un boudoir presque clandestin et qui avait changé son destin !
Il fermait les yeux, en suivait les contours de ses doigts, dans le vide silencieux de l’antichambre. Sa chevelure si brune, ses boucles désordonnés en cascade sur son buste, une opulente poitrine débordante de vie, échappée d’un corset …Le pourpre de ses lèvres articulant des mots comme on pose des baisers et ce regard de braise violant jusqu’à vos rêves pour en saisir le jeu. Elle était écuyère ou encore trapéziste, il la voulait ainsi, enfant de la balle, sans attache, juste empreinte de mystère et d’une volupté généreuse. Sa tension artérielle atteignait des sommets à ces seules pensées, il en sentait l’étreinte du tempo de sa tempe jusqu’au feu de sa queue .Ce rendez-vous était à la fois son espoir et linceul de son passé, sa naissance ou sa faucheuse .Qui sait, après cet entretien, peut être ne reviendrait-il plus jamais chez lui.
Une irrésistible envie le renvoyait vers le tiroir. L’illicite de son geste doublé de sa curiosité donnait une dimension spéciale à cet acte censuré par son éducation. Il savourait l’instant où il redécouvrait les images. Une délicieuse créature, largement dénudée donnait la réplique érotique à un autre aussi fascinant succube. Chaque image successive, offrait une évolution magnétique de la situation. Des lèvres entrouvertes ou plus pincées, des seins tendues ou ballottés, donnaient les notes musicales du plaisir affolant des beautés lubriques sur papier glacé. Le temps n’était pas aux interrogations mais à la fascination .Sans plus aucune retenue, il étalait toutes les images, les détaillait, les auscultait, les dévorait.
Des femmes, uniquement des femmes, entre elle .La tension sous la toile de son pantalon était définitivement assujettie à son attention…Il regardait machinalement sa montre, une habitude, ou la peur d’être surpris en plein délit d’érection.
Il s’encanaillait une dernière fois de ces débauches féminines avant de les glisser à leur place. Elles buttaient, il glissait une main dans le fond du tiroir et retirait le ou les coupables. Des pinces crabes et une paire de menottes ….et derrière le paravent, des vestiges d’une nuit agitée surement …Avec le regard d’un expert en investigation, il analysait chacune des pièces abandonnées. De très hautes bottines lacées en cuir vernis noir, des liens et autres badines sophistiquées, guêpières et bas de latex glacé , trainaient ici et là , à même le sol ou jetés sur un tabouret de velours…
La situation lui imposait une longue inspiration tant il ne contrôlait plus l’influence de toutes ce découvertes. Puis il doutait, il doutait du pourquoi, du comment des recommandations de son ami. Après tout cela n’était-il qu’une mise en scène, une ambiance érotisée au service de la détente pour patienter. Vous parlez d’une détente, il ne débandait même plus.
Puis il culpabilisait .Ces tiroirs lui étaient interdits .Cet antichambre n’était ni plus ni moins qu’une salle d’attente au même titre que celle d’un médecin ou un dentiste …
La sagesse le reconduisait jusqu’au fauteuil où il s’asseyait tentant d’oublier les fantasmes qui l’avaient assailli durant un court instant.
L’instant d’après les doubles battants acoustiques menant au salon s’ouvraient. Dans l’embrasure de la porte, à contre jour, à contre temps, il devinait une silhouette féminine, imposante par sa taille et sa félinité .Il ne reconnaissait en rien la femme que son ami lui avait décrite. Mais il gagnait au change, elle était sublime de sensualité, d’assurance, d’autorité .Savamment vêtue d’un costume Borsalino largement échancré sur des seins pigeonnants, entièrement libérés d’un carcan de cuir lacé, elle s’avançait vers lui avec véhémence , dévoilant au fur et à mesure de son évolution son visage et les détails accentués de sa féminité .Un bouche outrageusement maquillée, des yeux fardés de noir , aussi dominateurs que circonspects .
Il reconnaissait la diablesse des photos, cette délicieuse croqueuse de féminité.
Dans un élan protecteur, il balbutiait :
« Bonjour, je viens de la part d’Henry, il vous a vivement recommandé à moi pour vos talents !
-Je ne connais pas d’Henry, mais je vais te faire découvrir mes talents. Allez, je te veux nu, à présent et enfile moi ça. »
Elle lui tendait une simple laisse et un collier …
Médusé, il prenait l’objet du litige. Elle le bousculait de ses aiguilles …
« Plus vite … !
Malmené, il s’exclamait enfin !
« J’ai rendez-vous avec Melody ! Êtes-vous Melody ?
-Ah non moi c’est Maitresse Andréa, Melody c’est au fond du couloir !
-Ah, je me disais aussi que les voyantes avaient bien changé …Elles m’ont toujours fait bander, mais j’avoue, pas autant que vous … »
Maitresse Andréa éclatait de rire et s’en retournait dans ses salons privés, sans autre forme de procès, le laissant à nouveau face à lui-même…
Mais un vent nouveau venait de souffler sur sa vie. Le destin sans même le consulter venait de lui ouvrir de nouvelles portes, celles de son goût pour les interdits …
Inutile d’honorer le rendez-vous de Melody, il venait de prendre connaissance de son avenir, une « érovision » en quelque sorte
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