Acte IV
Les quais bondés du métro parisien, nous donnaient peu l’occasion, pourtant, de nous rapprocher plus ouvertement. Durant les différents changements seuls nos regards trahissaient nos envies …mes envies, mes envies plus que les siennes. Dans ces artères souterraines, exemptes de toute compassion humaniste, l’évidence ne porte pas à l’érotisme encore moins à l’effusion. L’anonymat semble le maitre mot .Par pudeur, ou plus simplement par précaution, Gaspard, dans cet univers underground, m’accordait plus de négligence que d’intérêt comme si sa culture parisienne lui interdisait tout débordement en public. Je songeais soudain qu'’il pouvait, malgré les apparences, être un homme marié craignant d’être aperçu et reconnu en galante compagnie. Mon penchant à la curiosité prévalait sur ma discrétion, je lui posais directement la question alors qu'une voix féminine off nous annonçait un retard de rame !
« Êtes vous marié Gaspard ?
-Est-ce important ?
-Non, aucunement, mais je vous sens si, comment dire, angoissé, soudain si distant, je me demandais si …
Il souriait !
« A vrai dire, je n’aime pas le métro, une espèce de névrose phobique stupide dont je n’arrive pas à me débarrasser !
-Mais alors pourquoi…
-L’avoir emprunté ! A cette heure ci, et en cette période, c’est le moyen le plus rapide pour…
-Pour m’embrasser, me découvrir, me caresser …
Il me regardait d’un air étonné que je ponctuais d’un « J’en ai très envie aussi ».
Je resserrais mon trench, m’enfonçais un chapeau sur le crâne, enfilais une paire de gants de cuir noir, et l’entrainais irrémédiablement vers la sortie en le tenant par la main.
« Alors marchons, où allons nous ?
-Quelque part dans le Haut Marais !
-Vous habitez BoboLand ?
-Nul n’est parfait !
-Nous ne sommes pas très loin, accordez moi un petit détour, passons par la place des Vosges, je voue une véritable adoration à ce lieu parisien.
- Accordé madame la Bourgeoise !
-Gardez votre apriori, c’est son calme qui me plait
-Et vous vos préjugés, c’est aussi très calme dans mon quartier »
Lorsque nous pointions le bout de notre nez dehors quelques flocons neigeux voltigeaient dans l’air du soir. Le froid glacial de la nuit tombante, loin d’atténuer mes penchants érotisés, décuplait mes désirs. J’enfouissais son visage sous le rebord de mon chapeau, mes mains gainées de cuir souples immobilisaient sa tête, mes lèvres et ma langue investissaient sa bouche avec autorité et véhémence. Surprise, mais pour autant pas réfractaire à mon intrusion, sa langue donnait réplique à mon baiser avec une fougue possessive ! La perfidie de nos corps abusés par tant de complaisance complice ne se faisait pas attendre. De l’érectile émotion de Gaspard à mes frissons épidermiques, tout n’était plus que conversation silencieuse érotique, codes avant coureur d’une ivresse à sentir avant que de la ressentir plus intimement. Nos haleines humides étouffées de désirs, nous faisaient oublier l’espace d’un instant que des regards imparfaits de passants inconnus portaient un jugement sur notre impertinence. Les mains de Gaspard, en toute nonchalance, s’étaient glissées, sagement dissimulées par mon trench-coat, chaudes et fébriles à la lisière de mes bas. Nous étions à Bastille et à guère plus de vingt minutes de notre destination, je prolongeais la douce fougue de cette étreinte sous le si typique réverbère du métro parisien, en espérant qu'’elle durât le plus longtemps possible.
Les bruits de la ville avaient déjà délaissé mon esprit pour laisser plus de place aux fantasmes qui en quelques minutes se dessinaient derrière mon regard clos.
Un « Sorry » nous libérait, pas un pardon anglo-saxon, mais plutôt un Sorry d’agacement émanant d’une so british vieille dame de parme vêtue. Son style vestimentaire n’avait rien à envier à celui de Queen Élisabeth. Sa cane arrogante nous signifiait qu'’il était grand temps que nous allions faire nos cochonneries ailleurs. Son attitude outrée nous offrait le délice d’un éclat de rire complice.Les flocons de neige s’étaient fait plus cotonneux, plus denses et commençaient à présent à recouvrir le sol d’une fine pellicule blanche et glissante.
Gaspard profitait de la situation pour me prendre la main, sous prétexte du danger potentiel des trottoirs parisiens enneigés.
Un baiser sous des flocons virevoltant, deux mains étreintes …Nous ressemblions à un couple d’amants amoureux alors que nous nous connaissions à peine. Une évidente attirance nous enchainait l’un à l’autre dans l’attraction de nos peaux, de nos désirs, j’espérais aussi de nos folies. Je n’étais plus sure de vouloir faire un détour par la Place des Vosges, tant l’envie de lui me tenaillait le ventre. Mais je suivais Gaspard, docile presque trop, dans ces rues parisiennes que j’affectionne tant. Nous quittions la rue saint Antoine, pour la rue de Birague et lorsque nous atteignions les arcades débouchant comme le bout d’un tunnel sur la Place des Vosges, Gaspard, aussi supplicié que moi par un désir troublant, me plaquait un instant contre la pierre glaciale d’une ante miséricordieuse de notre fol attrait ! Son corps contre le mien, sa main quittait ma paume pour se perdre dans la tiédeur moite de mon entrecuisse. Je ne manifestais aucune résistance, lorsque ses doigts atteignaient mes dentelles humides, découvraient les ourlets de mon sexe gourmand. La rue était déserte. A l’abri des regards, et ainsi rudoyée je me laissais aller à quelques gémissements, érectile complainte pour la verge fragile d’un Gaspard malmené par ma complicité.
A ce rythme là, nous n’étions pas près d’arriver à bon port, mais le regard voyeur d’un passant licencieux, cherchant à m’exciter plutôt qu'’à me soustraire à ces préliminaires, me condamnait au silence et à fermer les yeux pour taire ma pudeur sous des yeux audacieux. Gaspard s’en inquiétait …abandonnant caresses et désirs fantaisistes sous l’architecture d’une voute renaissance. Lorsque je les rouvrais, en état d’ivresse sensuelle, je recevais un léger baiser. L’intrus n’était plus là, mais je brulais au feu de son indiscrétion. En informer Gaspard ou garder le secret de cette fugace complicité, je choisissais de me taire. Je lui laissais le loisir de découvrir plus tard les codes de ma lubricité, dans l’ambiance insolite d’une bibliothèque privée.
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