Cette soirée interminable touchait enfin à sa fin. Quelle drôle d’idée d’avoir organisé une soirée pour enterrer sa vie de vieux garçon.il n’avait pu s’y soustraire.
Chris, lui de nature si discrète, avait été au dernier moment, traîné de force, dans une de ces soirées machistes organisées pour fêter dignement la mort d’un Don Juan. Il était le dernier de ses copains de fac, à se pendre, selon l’expression de ses chers amis, et pas le moindre. A en juger par leur comportement, ils avaient là trouvé un moyen subversif de se soustraire à la lassitude d’une vie conjugale. Certains instants avaient flirté avec le pathétique, alcool et vulgarité, attitude presque caricaturale d’un groupe de mâles, les avaient un moment déroutés de leur petite vie étriquée.
Accolades et étreintes parfois sournoises en vérité, avaient clos cette soirée mémorable dont il aurait souhaité ne jamais être le héros.
Ciao, ciao, les copains et merci pour tout
Il avait quitté, en compagnie de son plus fidèle ami, la boite qui les avait accueillis, soulagé que toute cette parodie soit enfin achevée.
Une fois installé dans le taxi qui les raccompagnait, il avait poussé un grand ouf.
Mon dieu Thomas, comment as-tu pu laisser faire cela, si tu n’étais pas mon meilleur ami, sincèrement je t’en voudrais.
-Mais ce n’est pas moi, c’est Pierre, tu le connais c’est un adepte de ce genre de soirée, il ferait n’importe quoi pour s’échapper de chez lui et fricoter avec la première venue.
-Oui, je sais, enfin, oublions. Et cette pauvre fille affublée d’un costume de commandant de bord...Je ne sais qui je dois plaindre le plus, elle, si pathétique, ou le commandant si ridiculisé.
-Tu exagères, c’est un jeu....
-Oui, mais quand ses seins frôlaient ma bouche et qu’elle ondulait devant moi comme une poule esseulée, je te jure j’avais envie de crier.....Et tous ces cons qui exultaient en frappant dans leurs mains comme de vulgaires gamins, une lubricité malsaine dans le regard
-Ah oui à ce point, mais tu es pourtant, de nous tous, celui qui a eu le plus d’aventures
-Oui et alors ?
-Et bien ils ont pensé, que peut être tu allais regretter ton passé de séducteur invétéré.
-Rien à voir, oui j’ai eu beaucoup d’aventures, mais je n’avais cherché à mériter quelque trophée que ce soit.
-Bon, bon oublions la soirée, mais, à moi tu peux bien l’avouer, de toutes tes aventures, y en t-il eu une plus remarquable que les autres, voir même inoubliable
-Tu deviens soudain bien indiscret, mais à toi je peux bien l’avouer, comme tu dis si bien !
-Raconte !
-Il est une femme que je n’oublierai jamais, pas besoin de creuser ma mémoire, je m’en rappelle comme si c’était hier
-Vraiment, une bombe j’imagine et ....
-Si tu veux des détails croustillants, tu n’en auras pas, je les trouve ici inappropriés
-Je n’ai rien demandé de tel, mais raconte ça m’intéresse.
-C’était en septembre, j’avais été, au dernier moment, pressenti en remplacement d’un collègue malade, pour assister à la signature d’un contrat ;
Donc tu vois le bordel de dernière minute, billet d’avion et tout le reste. J’avais un vol pour New York, et, par chance, enfin je dis cela aujourd’hui, mais sur le moment, crois moi j’étais furieux, grève des aiguilleurs, tous les vols retardés.
Je te laisse imaginer la joyeuse pagaille qui pouvait régner dans l’aérogare
-Abrège, et la fille...
-Non mais dis donc, sois patient....bon donc, je te passe les détails, je m’installe patiemment dans l’attente d’un vol, et en prédateur que j’étais alors, je cherche dans la foule, une troublante féminité susceptible de m’interpeller. Et là dans une file d’attente, j’aperçois une jeune femme, pas vraiment belle, mais très racée. Elle était Argentine, tu connais mon faible pour les latines. Dès le premier regard, j’ai su qui elle était...A la vérité, elle avait un corps de rêve, enfin à mon goût...Petite, enfin pas trop mais un petit cul moulé dans un jeans, et une aisance corporelle incroyable...Son regard, son regard traduisait la gourmandise, une gourmandise charnelle ! Tu sais, il y a deux types de femmes : celles qui aiment ça, et celles qui n’aiment pas ça, et cela mon vieux c’est visible au premier coup d’œil. D’ailleurs je ne me suis pas trompé...
-Comment l’as –tu abordée ?
-Le plus simplement du monde, je me suis faufilé au plus près d’elle, et exaspérés par l’attente, les voyageurs se sont éloignés peu à peu, jusqu’à ce que je me retrouve juste derrière elle...
-Pas con, comme tactique...
-La suite fut aisée, tu sais les latines sont en général très volubiles, je n’ai même pas eu à engager la discussion, cela s’est fait naturellement. En un tour de main, elle m’en a plus raconté sur sa vie, que je ne t’en raconterai jamais ...Et puis, la dessus, elle me lâche « mon vol est annulé, je ne pars que demain, je dois récupérer les papiers pour mon hébergement, vous m’attendez ? »
-Et alors, toi que lui as-tu dit, tu attendais ton vol, si je suis bien...
-Oui, en fait, je n’ai pas réfléchi, je lui ai répondu « le mien aussi », heureusement la fiction a rejoint la réalité. En fait avec elle, tout était évident depuis le début, du pur instinct.
La suite, cette femme, enfin fille, elle était relativement jeune, était suffisamment à l’aise avec elle-même et avec mon corps que nous ne soyons jamais tombés dans l’esclavage des stéréotypes sexuels. Tu comprends cette fille était insoumise et libérée, et en même temps généreuse de plaisir.
Avec un naturel déconcertant nous avons rejoint sa chambre d’hôtel et puis tout s’est enchaîné, nos corps ont décidé avant même qu’on ne pense. Sans même nous connaître, l’alchimie était là. Tu vois elle fait partie de celles qui vivent le ressenti. Dans ses manières de m’embrasser, de me caresser la nuque, de me serrer dans ses bras, j’avais l’impression qu’elle n’avait inventé ce jeu là que pour moi.
Avec elle, même une simple pipe prenait une forme d’adoration. Le seul fait d’y penser m’en fout des frissons. Pour elle, le jeu était fondamental, elle en usait, en abusait, je lui aurais donné le statut d’une danseuse étoile tant son érotisme ressemblait à un ballet. Cette nuit là, j’aurais pu croire qu’elle m’aimait, tant elle s’est ouverte à l’abandon total dans le même jeu que moi. Je crois en vérité que cette fille connaissait aussi bien le corps des hommes que le sien. Entre nous, les barrières sont tombées, parcequ’elle pensait autant à moi qu’à elle dans le plaisir. Elle n’était pas forcément plus douée qu’une autre, mais beaucoup plus naturelle et donc forcément plus sensuelle. Tu sais je crois que cette nuit là je l’ai aimé vraiment d’un amour fou incontrôlable.
-Mais avez- vous fait des trucs spéciaux ?
-Il n’y a donc que cela qui t’intéresse....tu sais même la plus parfaite des fellations est à mourir d’ennui si elle n’est faite que par compassion, au même titre que la sodomie, sujet tabou s’il en est...Le maître de cérémonie c’est le désir et vois tu cette fille là en était la prêtresse.
En fait je crois que cette fille faisait l’amour par péché de gourmandise, juste pour le plaisir et cela vois-tu peu de femmes en sont capables.
Nous avons fait l’amour toute la nuit, et nous n’avions pas eu nos vols respectifs le lendemain, je crois bien que nous aurions pu continuer sans nous lasser. On jouissait, on recommençait et aucun de ses orgasmes ne ressemblait au précédent...
-Tu en parles avec passion..
-Oui la passion d’une nuit .Et sais-tu pourquoi je ne l’ai jamais oublié ? Son regard !
-Son regard ?
-Oui quand une femme vous regarde aussi profondément dans les yeux, pendant que l’on est en elle, c’est tout simplement magique. Cet instant là relève de l’éternité...Non c’est sûr, je ne l’oublierai jamais...
-Comment s’appelait-elle ?
-Tu vois le pire c’est ça, je n’en sais rien du tout, et pourtant malgré toutes ces années ELLE est là et me fait encore bander...Si je t’assure, je ne te demande pas de vérifier, mais d’en parler m'a donné la trique »
Le taxi venait de s’arrêter...
« Bon mon vieux, me voilà rendu, Thomas je te souhaite une bonne fin de soirée, je rentre seul chez moi pour la dernière fois, ma future femme passe sa dernière nuit de jeune fille chez ses copines...On se voit au mariage.
-Bonne soirée Chris »
Le taxi s’était éloigné. Chris avait poussé la lourde porte cochère de son immeuble bourgeois, gravi les marches de l’escalier quatre à quatre, ouvert à la hâte son appartement, jeté les clés sur la console de l’entrée. Puis sans même un instant de réflexion il s’était allongé sur le lit, avait défait son ceinture, ôté son pantalon et s’était caressé, branler douloureusement jusqu’à la délivrance.
Il avait une dernière fois, pour elle, joui entre ses doigts, pour la belle Argentine qu’il n’avait aimé qu’une nuit.
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