J’employais mes premiers instants en rangeant froufrous, dentelles et autres tenues vestimentaires féminines dans le même ordre mémorisé avant la fouille. Si elle n’était point regardante ou m’accordait le bénéfice du doute, il était évident qu'’elle ne devinerait pas mes illicites investigations. Et si tel n’était pas le cas, qu'’adviendrait-il ? Peut être était-elle une furie indomptable ! Cette seule pensée me glaçait le sang ! Mais je misais mes derniers jetons sur le tapis vert de mon destin, en jetant un dernier regard conquis sur le contenu reconstitué de la petite valise.
Puis satisfait, je prenais enfin le temps de profiter de la vue depuis ma suite .Il neigeait maintenant abondamment, à l’extérieur tout ne semblait que silence dans cette ambiance crépusculaire étrange. Un tapis blanc maculé de lumières scintillantes, au loin , entre les buildings , le lac encore visible , au bord de sa noirceur, juste avant que l’entre chien et loup ne laisse la place à la nuit .
Putain de temps pour le printemps, dire que j’avais laissé le soleil à Paris !
Toujours aussi confortablement enveloppé dans mon peignoir douillet, je me jetais littéralement sur le King size bed , puis m’installais aisément , la tête bien calée dans le moelleux des oreillers . Dans ce confort presque indécent, je me replongeais dare-dare dans les aventures de Mathilde que logiquement j’assimilais à Diane.
La belle violoncelliste, si stricte à ses débuts m’apparaissait à présent comme une femme divine, de ces femmes qu'’on s’invente pour maitresse sans jamais croire vraiment qu'’elles puissent exister. Femme audacieuse, dotée de surcroit d’un fort caractère, sa volupté m’envahissait à chaque page que je découvrais.
A la page 107, dans son voyage vers La Creuse, quelle idée, La Creuse , je l'accompagnais dans ses pensées à bord de son petit cabriolet.
-Ecoute Ben, arrête de jouer les gamins, je ne suis pas ta mère. Là j’ai envie qu’on me foute la paix tu comprends.
-Oui là j’ai compris »
Bien envoyé, mais il se prenait pour qui ce jeune con !
Il avait raccroché .Elle regrettait sa sévérité spontanée, mais elle savait que cette relation ne mènerait à rien d’autre qu’à une catastrophe et la condescendance n’était pas le meilleur moyen de mettre un terme aux illusions de son jeune amant.
C’est vrai qu’il était charmant, doux, affable, presque trop prévenant, c’est vrai qu’il avait un corps diaboliquement excitant, c’est vrai qu’elle aimait la saveur de sa peau, mais elle ne l’aimait pas, elle en aimait un autre, sinon un amour impossible, un amour improbable qui était en train de flinguer sa vie de femme libérée.
Lui, comme elle l’appelait dans ses pensées pouvait lui faire mouiller ses dentelles en un seul instant, juste avec des mots, juste avec des promesses dont elle savait depuis longtemps qu’il ne pourrait les honorer.
Il l’avait accompagnée virtuellement sur une longue partie du trajet. Elle avait inventé des dialogues, des jeux érotiques auxquels ils auraient pu se prêter pendant le voyage, ou encore des haltes inopinées sur une aire d’autoroute où des routiers auraient pu surprendre leurs ébats aussi fulgurants que fugaces derrière un massif ou le dos au mur des sanitaires crasseux.
Autant de fantasmes qu’avec lui seul elle voulait partager, avec cet homme qui avait eu l’audace de lui dévoiler cérébralement la femme qu’elle était avant de l’abandonner. Autant de fantasmes avaient multiplié son désir dans l’habitacle du véhicule juste habité de musique.
Après être passée aux abords d’Orléans, entre fatigue et lassitude, elle avait décidé se s’accorder un moment de détente dans la prochaine station service, histoire de ses dégourdir les jambes et d’avaler un café pour recouvrer ses esprits.
Mais lorsqu’elle avait coupé le moteur, reposant ses mains sur le volant, elle avait eu du mal à contenir ses émotions du moment et glissant une de ses mains entres ses cuisses entrouvertes, elle avait récolté le fruit de son désir sur ses dentelles inondées.
Contournant les interdits et la bienséance, dans l’urgence, se moquant de l’environnement et de ses occupants, elle avait fouillé son sac, à la recherche de son sextoy, un minuscule bâton de rouge à lèvres factice, afin de satisfaire ses incontrôlables envies.
Puis écartant un peu plus ses cuisses, écartant le voile de son string, elle avait glissé l’objet vibrant entre ses lèvres épanouies d’un désir grandissant.
Dès les premières vibrations, elle avait ressenti une agréable fièvre l’envahir, tétaniser ses membres, et l’emporter vers un plaisir interdit. La jouissance était venue très rapidement, fulgurante, alors qu’elle ne songeait, en se caressant, qu’à son amant imaginaire, cet homme qu’elle désirait tant sans même une seule fois l’avoir croisé.
La tête en arrière, les yeux mi-clos, elle avait savouré son orgasme en lui dédicaçant, et en le détestant pour ce désir de lui qu’il avait inoculé en elle comme un lent poison sans antidote.
C’est à cet instant qu’elle croisa le regard d’un inconnu qui s’était délecté de ces instants volés.
Elle en sourit, puis elle en rit en se disant qu’elle avait au moins partagé son plaisir avec quelqu’un, fut-il un illustre inconnu.
Avec autant de désinvolture, elle réajustait ses dentelles, remettait de l’ordre dans ses cheveux, du rouge sur ses lèvres, sortait du véhicule avec la ferme intention d’inviter le pêcheur voyeuriste à prendre un café, mais il avait disparu.
Elle songea que Lui, complice de ses pulsions, aurait était fier de ses audacieuses caresses sous le regard d’un mystérieux clandestin.
Lorsqu’elle pénétra dans la halte d’autoroute, les regards masculins ne l’épargnèrent en rien, et fière de ces soudaines attentions étrangères, elle harmonisa sa silhouette d’un sourire énigmatique anonyme.
Elle songea un instant que les hommes étaient souvent plus sensibles à une femme qui venait de quitter les bras de son amant, et si virtuel soit-il. »
Cette adorable « garce » m’avait foutu la trique, je ne savais plus si je devais poursuivre ou bien assagir le feu de mon viril organe sous une douche glacée. Mais je voulais percer les codes de sa vie .On ne peut écrire ainsi sans l’avoir vécu ou même ressenti.
Je ne suis pas friand de lectures érotiques, foutre le feu à mes sens, pour finir solitaire dans une chambre d’hôtel, n’est pas ma panacée, j’y préfère la peau douce d’une maitresse aimante. Mais, bordel, plus que jamais, j’avais envie de la croiser, quitte à m’éprendre le temps d’une nuit, le temps d’un baiser volé enrobé de luxure, d’une étreinte spontanée avec héroïne de papier . Je gardais en mémoire l’image de ses chevilles fines. C’était un peu comme si elle tentait de me conquérir, de percer mon bouclier involontairement. Le séisme qu'’elle m’imposait, semblait bousculer mes habitudes, au travers de son prisme, exploser mes certitudes, par sa chaleur irradié. Je poursuivais la lecture, en tentant vainement de ne plus fantasmer .Je m’abreuvais de ses lignes jusqu’à l’ivresse des sens. Délictueuse maitresse elle m’offrait toute sa sensibilité avec effronterie au point que mon sens olfactif réclame une goutte des fragrances de sa peau parfumée de « Rousse ».
Voyageur clandestin, dans ses lignes sensuelles, j’étais sur son chemin, à chercher l’overdose de sa peau de satin !
Le dernier chapitre écrit m’atteignait de plein fouet. Elle était femme diabolique !
C’est bien cette fausse pudeur qui donnait tout son charme à Mathilde.
Derrière la femme racée et affable se profilait discrètement la silhouette d’une personnalité dont le goût pour le charnel ne laissait aucun doute aux hommes gourmands de sensualité. Benjamin s’était laissé séduire par sa féminité sans pour autant en traduire les codes. Son manque de maturité surement l’avait empêché d’en découvrir toutes les subtilités et bien que bon amant, Mathilde sans vouloir lui avouer, s’en était vite lassée.
Son goût pour la luxure avait repris ses droits, la poussant malgré elle à commettre un parjure, à préférer la baise à des sentiments amoureux plus loyaux et plus louables, à préférer le plaisir de l’instant à la douleur et l’ennui du longtemps.
Maxance ne s’y était pas trompé, Christopher n’avait pas oublié, et ce regard faussement naïf qu’elle venait de leur lancer était bien plus explicite qu’un aveu spontané.
Jouant à merveille de sa simplicité, arborant une attitude naturellement conviviale, virevoltant autour des convives comme une adolescente, elle avait servi un verre de son breuvage à chacun d’entre eux.
Puis, le regard plongé dans celui de Maxance, un sourire dirigé à l’attention de Chrys, elle leur avait demandé impunément de se décaler pour qu’elle puisse prendre place entre eux, laissant ainsi tout le loisir à Prisca de bluffer Benjamin. Entre un amant parfait, Chrys, toujours amoureux mais volage, et une nouvelle toquade, Maxance, sans passion, ni destin, elle jouait sans vergogne, affrontant de surcroit l’hypothèse d’une épouvantable scène de jalousie de son jeune amoureux transis. Mais pour autant l’ambivalence de la situation doublée de mystère avaient exacerbé ses sens au point que sous le tissu de sa robe légère, une effervescence érotique orchestrait inconsciemment ses désirs. Ne serait-ce son passé de libertine régenté par l’amour qu’elle vouait à Chrys, elle aurait pu, de manière inhérente à sa personnalité se vautrer dans les bras des deux hommes en même temps, savourer la volupté d’être désirée par deux amants qui chacun à leur tour, ou coinjointement, en totale complicité, aurait pu la combler de plaisir.
Un instant, elle les avait imaginés la couvrir de baisers, propager sur son, corps des frissons en rafales, l’accompagner doucement, puis plus brutalement jusqu’à la jouissance si particulière, puissante et dévastatrice, que seul un trio infernal peut procurer.
Perdue dans ses visions pour le moins utopiques, elle n’avait repoussé les mains respectives des deux amants romanesques, qui s’étaient égarées sur le haut de ses cuisses, aux abords de son sexe, sans jamais l’effleurer.
La saison estivale n’en était encore qu’à ses balbutiements, et Mathilde sous le voile de sa robe, avait conservé ses bas de voiles noirs délicatement retenus par les portes jarretelles à l’origine du détournement du jeune Benjamin.
Mais étrangement, en ce début de soirée printanière, il ne semblait plus y accorder aucune importance, préférant lover ses œillades dans le décolleté apetissant de Prisca et promener ses mains sur le resplendissant de ses hanches féminines.
Mathilde, ne pouvait rien lui reprocher, si ce n’était sa présence, parcequ’ainsi malmenée par deux mains en quête de perversion, le temps n’était pas loin où elle ferait fi de sa pudeur.
Des frissons enjôleurs, une fièvre troublante, une arythmie flagrante, autant d’effets avant coureurs étaient en train de la surprendre en flagrant délit de concupiscence .Elle arrivait à en souhaiter que les mains respectives se rejoignent involontairement, mettant fin dans l’instant à son dévergondage.
Son vœu fut exaucé, et comme sous l’effet d’une brûlure vive, les doigts se rétractèrent et les caresses cessèrent, les regards s’échangèrent en un mélange de trouble, d’embarras et de lubricité.
Mathilde ne put réprimer un éclat de rire qui arracha soudain Benjamin aux griffes de Prisca.
« Que se passe- t-il Mathilde, pourquoi ris-tu ainsi ?
-Veux-tu vraiment le savoir ? Et bien…
-Je viens de raconter une histoire cochonne…
-Raconte Mathilde…
-Et bien, Benjamin, c’est l’histoire d’une femme assise entre deux hommes …L’un et l’autre la caresse, glisse leurs mains sur ses jambes, remontent, remontent…
-Et alors ?
-Puis, elles remontent encore, et plus les mains se promènent, plus la femme ouvre ses cuisses. Elle frémit, le désir l’envahit, mais les mains se rejoignent sur son fruit juteux, puis s’enfuient apeurées…
-C’est fini, mais cela n’a rien d’amusant
-Oh si, cette femme c’est moi et les deux hommes sont assis à mes côtés »
Prisca riait à son tour de l’hardiesse de Mathilde, alors qu’en guise de mot doux, Chrys murmurait à l’oreille de Math « tu es une vraie salope »
Quant à Maxance, pondéré et téméraire, reglissait sa main au chaud entre les cuisses de la volage musicienne en assortissant son geste d’un « J’adooore, tu es tout simplement diabolique »
« Ce n’est pas l’avis de Chrys, rétorquait-elle, il préfère le mot salope, enfin les mots exacts sont une vraie salope
-Alors, nous dirons une vraie diabolique et délicieuse salope, rajoutait Maxance
-Et toi Ben, qu’en penses-tu ? Questionnait Math
-Moi, je suis sidéré »
Tant d’innocence spontanée fit rire toute l’assistance, sauf Ben, bien entendu, qui en avalait cul sec un verre de cocktail brésilien.
J’osais à peine imaginer que j’allais bientôt ouvrir la porte à l’auteur de ce roman dont je supposais qu'’il était souvent inspiré de tranches de vie qui lui collaient à la peau.
Il était déjà plus de dix neuf heures .Qui de Mathilde ou de Diane, m’avait le plus troublé, je n’avais pas vu passer le temps. J’ouvrirais à Diane, entrapercevrai Mathilde…cette perverse dualité était aussi puissante que le meilleur des aphrodisiaques …
Je m’habillais à la hâte, omettant volontairement mon caleçon, passais ma main dans mes cheveux désormais uniformément gris, qui, j’essayais de m’en convaincre, au lieu de me vieillir, me conféraient un surcroit de distinction, tout comme mes rides encadrant ma bouche et mes yeux n’inspiraient que l’expérience.
Trois coups surs et appuyés à la porte de ma suite me faisaient sursauter…
A suivre
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