Elle était assise là, immobile, dans un coin oublié du bâtiment. Le balcon, avec ses barres de métal noirci, offrait une vue sur rien de particulier ,un mur de briques fatigué, une échelle de secours rouillée. Et pourtant, elle semblait y trouver un étrange réconfort.
Son chemisier blanc dont l’échancrure glissait sur son épaule, dévoilait l’intimité de sa sensualité féminine naturelle.
La
chaleur de l’après-midi avait fait fondre toute prétention de tenue stricte. Le livre, abandonné sur ses genoux, n’était qu’un prétexte. Elle ne lisait pas, elle attendait.
Attendre quoi, ou qui ? Personne ne le savait. Peut-être pas même elle.
Le soleil déclinait lentement, et sa lumière rasante caressait son visage. Ses yeux mi-clos, se perdaient dans une pensée qu’elle ne partagerait jamais. Elle se sentait légère et vulnérable à la fois, une femme en équilibre sur le bord d’un souvenir.
Dans un moment, elle se lèverait, refermerait le livre, et retournerait au monde. Mais pour l’instant, elle savourait l’oubli, dans ce coin où personne ne la cherchait et où elle n’avait besoin d’être personne.
Elle entendit un bruit. Presque imperceptible, un craquement de bois dans l’appartement derrière elle. Elle se figea. Le livre glissa doucement de ses genoux et tomba sur le sol du balcon.
Une silhouette se dessina dans l’encadrement de la porte vitrée. L’homme n’était qu’une ombre contre la lumière tamisée de l’intérieur, mais elle n’eut pas besoin de voir son visage pour deviner qui il était
« Je te cherchais. » Sa voix était basse, presque un murmure, mais elle fendit le silence comme une lame.
Elle ne se retourna pas immédiatement. Une étrange tension flottait dans l’air, quelque chose entre le familier et l’inquiétant. Elle prit le temps de ramasser le livre, ses doigts glissant sur la couverture pour occuper ses mains.
« Et maintenant, tu m’as trouvée, » répondit-elle enfin, sa voix calme mais dépourvue d’émotion.
Il s’approcha. Le grincement du balcon sous son poids fit écho dans le silence. Elle sentait sa présence derrière elle, oppressante, magnétique.
« Pourquoi ici ? » demanda-t-il, comme si le lieu avait une importance particulière.
Elle haussa les épaules, un geste léger mais lourd de signification. « Parce que personne ne regarde. »
Il resta silencieux un instant.Elle pouvait presque entendre les rouages de ses pensées. Finalement, il s’accroupit à côté d’elle, posant une main sur le sol rugueux du balcon, près de son genou, mais pas assez pour la toucher.
« Tu sais qu’il te cherche n’est-ce pas ? »
Elle tourna enfin la tête vers lui, ses yeux vert brillant dans l’ombre. Une lueur de défi traversa son regard.
« Peut-être. Mais ils ne me trouvera
pas. Pas tant que je ne l’aurai décidé. »
Un sourire, infime, effleura ses lèvres, et elle se leva brusquement. Le livre toujours dans la main, elle se dirigea vers l’échelle de secours, ses talons claquant contre le métal. L’homme ne bougea pas, la suivant seulement du regard.
Quand elle atteignit le premier barreau, elle se retourna et lança, presque moqueuse :
« Tu ferais mieux de ne pas me suivre. »
Puis elle disparut, avalée par les ombres, le livre serré contre elle comme un secret
Elle courait dans la ruelle, le livre toujours serré contre sa poitrine. Le souffle court, le cœur battant à un rythme effréné, elle jetait de brefs regards derrière elle. Il n’était pas encore là, mais elle savait qu’il viendrait. Il venait toujours.
Ce balcon où elle s’était réfugiée plus tôt, cet espace d’ombre et de chaleur, avait été son dernier rempart. Mais même là, il l’avait trouvée, avec son regard brûlant et sa voix qui semblait toujours murmurer directement à son âme.
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« Tu ne peux pas m’éviter, » avait-il dit un jour, un sourire dans les yeux. Et il avait raison. Pas parce qu’il était plus fort, mais parce qu’elle se trahissait elle-même.
Elle tourna dans une rue étroite, s’appuyant un instant contre un mur pour reprendre son souffle. L’air de la nuit était encore chaud, saturé de l’odeur des pierres chauffées au soleil. Elle ferma les yeux, essayant d’étouffer cette fièvre qui l’embrasait de l’intérieur.
Ce n’était pas la peur qui la poursuivait, mais le désir. Un désir qui la terrifiait autant qu’il l’attirait. Lorsqu’il était là, tout son être vacillait. Il la regardait comme si elle était la seule chose qui comptait, comme si rien d’autre n’existait. Et c’était insupportable.
Elle avait pris le livre sur un coup de tête, un prétexte pour mettre de la distance entre eux. Elle savait qu’il le remarquerait, qu’il comprendrait ce qu’elle tentait de faire. Ce livre qu’ils avaient écrit ensemble, qu'ils avaient lu ensemble, devenait maintenant son talisman, son moyen de mettre un mur entre eux.
Mais elle n’était pas assez rapide.
Un bruit de pas résonna derrière elle. Lents, mesurés, comme s’il savait qu’elle n’avait nulle part où aller.
Sa voix la transperça, et elle se retourna, le livre toujours pressé contre elle comme une armure inutile.
Il était là, debout sous une lumière vacillante, ses cheveux en désordre, sa chemise entrouverte. ( ça c’est pour le fun )Ses yeux sombres brillaient d’une intensité presque insoutenable.
« Pourquoi tu fais ça ? » demanda-t-il, sa voix calme, mais chargée d’une tension qu’il ne parvenait pas à dissimuler.
Elle détourna le regard. Comment expliquer qu’elle fuyait ce qu’elle désirait le plus ? Qu’elle craignait de se perdre entièrement si elle cédait ?
« Je ne peux pas, » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui.
Il s’approcha, et elle recula instinctivement, jusqu’à heurter le mur derrière elle. Il tendit la main, mais ne la toucha pas. Sa voix se fit plus douce, presque implorante.
« Tu crois que tu peux échapper à ça ? À nous?»
Elle secoua la tête, les larmes montant malgré elle. Ce n’était pas lui qu’elle fuyait, mais ce qu’il éveillait en elle. Une brûlure, une perte de contrôle, une vérité qu’elle n’était pas prête à affronter.
« Alors pars, » murmura-t-il finalement, sa main retombant le long de son corps. « Mais ne reviens pas. Si tu t’en vas, c’est pour toujours. »
Elle le fixa, le souffle coupé. Il venait de lui offrir ce qu’elle croyait vouloir ,’une issue. Mais à quel prix ?
Elle s’éloigna lentement, ses jambes tremblantes, et disparut dans l’ombre de la ruelle. Le livre contre son cœur ne pesait plus rien.
Mais au fond d’elle, elle savait qu’elle ne s’échappait pas. Le désir de lui la suivrait, où qu’elle aille.
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