
Il l’aimait d’un amour brut, minéral, comme une roche exposée aux vents, patinée par les marées du temps. Mais elle, elle était une vague insaisissable, un souffle, un frisson sur la pierre, sans jamais s’y fixer.
Elle avait cette manière d’être là sans l’être, d’offrir ses lèvres sans jamais abandonner son âme. Lui, il attendait, espérant fissurer ce cœur de pierre qu’il croyait endormi sous la glace. Il y avait des nuits où elle se laissait aller, où sa chaleur
contre lui semblait réelle, où ses soupirs murmuraient autre chose qu’un simple passage. Mais au matin, toujours, elle redevenait marbre.
Il l’aimait d’un amour qui consume et dévore, un amour qui se heurte et s’obstine. Elle l’aimait peut-être aussi, mais d’une tendresse distante, d’un amour qui ne voulait pas plier, qui refusait de s’éroder sous la caresse.
Un soir, il n’a plus tendu la main vers elle. Il a laissé le vide s’installer, cette absence qu’elle n’avait jamais craint. Mais quand elle s’est retournée, quand elle a compris qu’il ne l’attendrait plus, quelque chose s’est fêlé en elle.
Elle a porté sa main à son cœur.
Et pour la première fois, la pierre lui a semblé lourde.
Les jours ont passé, puis les semaines. Elle s’est convaincue que rien n’avait changé, qu’il ne suffisait pas d’un silence pour ébranler une pierre. Pourtant, chaque nuit, quelque chose la rongeait. Ce n’était pas l’absence, non. Plutôt une ombre, un vide mal taillé dans ses entrailles.
Un soir, alors que la pluie battait contre les vitres, elle a cédé. Elle est retournée là où il vivait, où il l’avait tant attendue. Mais la porte qu’elle a poussée ne lui a offert qu’un écho creux. L’appartement était vide. Pas un livre, pas un vêtement oublié, pas même une trace de son parfum. Il était parti.
Elle a voulu croire qu’il reviendrait. Que son absence n’était qu’un jeu de miroir, un silence de plus qu’il lui imposait. Mais les jours ont filé, et il n’y avait plus rien. Ni un mot, ni un signe. Comme s’il n’avait jamais existé.
Alors, elle s’est assise sur le lit défait, le seul vestige de son passage. Et dans ce vide, dans cette absence qu’elle avait crue impossible, elle a senti son cœur se fissurer pour de bon. Pas une brisure nette, pas un éclat brutal. Non, une fêlure profonde, insidieuse, une douleur qui s’infiltrait dans chaque souffle, dans chaque battement.
Elle l’avait toujours cru plus fragile qu’elle. Mais au fond, c’était lui qui était libre. Lui qui avait su partir.
Et elle, elle n’était plus qu’un bloc de pierre, figé dans l’attente d’un fantôme.
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