« Moi, c'est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. Toute ma peau a une âme ».
Colette
Je m’appelle Louise, je viens de rentrer, de retrouver mes pénates et la solitude qui l’accompagne. Je suis épuisée par un été caniculaire et des vacances mouvementées qui ont eu raison de mes capacités physiques.
Un parcours érotique, ou plutôt intuitif, jalonné çà et là de rencontres solennelles ou à l’inverse beaucoup plus légères et certaines délurées marquera à jamais cet été si aride pour la planète, mais si peu pour mon univers sensuel.
Cette saison estivale avait pourtant bien mal commencé. Une rupture non programmée a eu raison de mon enthousiasme habituel, a réduit à néant mes rires et mes folies habituels. Le rire fait partie de ma vie. Et ma folie direz-vous ? Elle ne s’adresse pas à tout le monde, rares sont ceux qui ont eu ce pouvoir de perception de ma nature profonde. Je dis ceux car, depuis ma plus tendre enfance j’ai toujours été très attirée par les hommes. Mon gros coup de cœur fut mon père, cet homme exceptionnel à qui je voue encore aujourd’hui ,13 ans après sa mort, une admiration infaillible. Il me comprenait malgré ma folie et mes excès colériques. Il a toujours décelé en moi ce charnel, m’a mise en garde, m’a protégée …Et puis, une adolescence tourmentée, dans cette étape transitoire vers l’âge adulte, m’a éloignée de cet homme protecteur. Désir de liberté, envie de découverte, j’ai très jeune, à peine 17 ans, habité toute seule dans un appartement. J’ai d’ailleurs, à cette période une affection particulière pour la solitude que j’ai cultivé toute ma vie et que j’entretiens encore aujourd’hui
La sensualité s’est alors révélée à moi comme une seconde peau. Je n’étais ni trop belle, ni pas assez, juste dotée d’un pouvoir de séduction dont je n’avais jusqu’alors aucune conscience. Était-ce encore cette folie dont je suis habitée qui fut coupable de mon entrée en fracas dans la féminité charnelle, découvrant le plaisir entre les bras d’un homme qui vouait un vrai culte à l’érotisme du consentement et qui forcement m’ouvrit le monde des fantasmes et de la sexualité comme on ouvre un livre d’image. Mais il m’a aussi donné le gout de l’amour bien fait, qui ne m’a jamais plus quitté.
Il y a quelques années, j’ai rencontré un homme qui me donna le summum de mon plaisir. Les trop rares fois ont tatoué, à jamais ma peau de frissons éclectiques. A la seule pensée de son approche, je mouillais mes dentelles comme une jouvencelle, malgré mon âge avancé.
Louise, aujourd’hui, si elle est toujours femme, n’a plus cette aura. Quelques rides de trop, un sourire abimé, un regard moins brillant …je séduis tout autant surement mais l’envie n’y est plus, elle m’a quittée le jour où il est parti, le jour où il m’a dit c’est fini …
Passé le découragement, je me suis mise en quête d’explications. Pourquoi, pourquoi un homme qui vous aime, vous quitte justement à cause de cet amour. Introspection. Je me suis accablée. Je n’ai rien montré de mon désespoir, car on épargne les gens qu’on aime et lui je l’ai vraiment aimé et je l’aime à jamais. On ne détruit pas un tel bonheur et pourtant … Manque de courage, non ! Peur de l’inconnu, non. Il est vrai que nous nous connaissons peu, mais tout est si simple entre nous. Nous connaissons nos peaux, nos saveurs, nos senteurs. A bien y songer il me connait mieux que je ne le connais.
C’est la notion du temps qui passe, une notion anxiogène s’il en est, qui me questionne le plus depuis ces derniers temps. Alors je me suis échappée de mon antre solitaire, allégée dans ma tête de dix ans. Mon corps étrangement s’est adapté à cette métamorphose inversée.
Une silhouette plus fine, une allure à nouveau féline, un visage déserté de la pesanteur de l’anxiété, j’ai bouclé mes valises pour un itinéraire exempt de projets formatés…N’ai-je pas toujours détesté les projets. Une projection limite l’horizon, incarcère la notion de liberté. Comme une certitude fulgurante s’est imposée à moi. Je suis partie au feeling laissant la part belle à mes intuitions émotionnelles pour le moins désordonnées après le choc de la rupture.
J’ai toujours eu une profonde affection, ou plutôt attirance, pour la Provence. Rien d’original à cela, si ce n’est que pour être née en terres catalanes, j’aurais dû me contenter de mes origines, me prélasser dans cette chance inouïe d’avoir grandi au milieu des vignobles, au pied des châteaux cathares. Mais finalement, à bien y songer, j’avais besoin de liberté d’évasion, de fuite vers un ailleurs. Sur ces pensées intérieures qu’involontairement j’éditai de vive voix, je quittai la Riviera, ma région d’adoption depuis 30 ans déjà, l’âme embaumée du parfum envoutant des champs de lavande. Instinctivement, une folle envie de me perdre dans la solitude éphémère d’une soirée, emprisonnée complaisamment entre les vagues ondulantes bleus et mauves et le ciel rosi à la tombée du jour par un mistral brulant me saisit. Le cœur en apnée, le corps en berne, mais l’esprit éthéré, je pris, mes intuitions en bandoulière, la direction de Valensole, en préférant un itinéraire touristique, et un passage par Sainte- Croix -du -Verdon et la plage de l’Amour. Le diable au corps de lui encore et encore, je me jetai, entièrement nue, dans les eaux encore fraiches du lac en ce début juillet. Apaiser ma fièvre, tuer mes désirs malgré son absence, malgré la distance et la déchirure néfaste d’un amour qui se lasse du manque de chair, du manque d’odeur et de toucher.
La nostalgie, quel mauvais trip. Plus envie de rêver. Ma peau tiédie à la seule pensée de ses doigts qui m’effleurent, je ne rêve plus que de baise et me perdre entre ses bras. Juste envie qu’il me prenne qu’il m’étreigne, qu’il m’éreinte et me comble de lui.
Ainsi tatouée de ses empreintes psychédéliques, isolée dans mon monde érotique, je ne pris pas attention à l’ombre furtive qui m’observait de loin, un peu plus loin sur la rive à présent plongée dans une semi obscurité.
Cette pénombre sensuelle et tiède m’enveloppait de sa douceur, laissant, l’espace d’un instant, ma conscience libre de toute pensée. Pour autant, mon esprit créateur n’est jamais très loin, ma plume alimentée à l’encre de mes désirs. A peine revêtue, encore humide et fraiche de ma baignade, je laissai mon imaginaire envahir la femme solitaire. Les douces sensations de mon immersion dans le lac noircissaient de ma plus belle écriture les pages blanches de mon carnet trop longtemps oublié. Il en est ainsi, l’écriture est ma thérapie et quoiqu’il advienne, elle s’inspire toujours de lui, si présent malgré son absence.
Je me relisais rapidement à la lueur de mon smartphone, avant de me rhabiller et de rejoindre mon véhicule.
"Entre douceur et luxure, entre deux eaux, elle flottait, comme une noyée avant l’immersion, cet instant merveilleux où votre corps vous quitte pour étouffer votre âme, la priver de raison avant que de succomber. Elle connaissait cette impression d’abandon, de vain combat contre nature, engouffrée qu’elle fut un jour vers le fond par une vague dévastatrice …Pour avoir failli perdre la vie, elle mettait depuis, toute sa passion et sa dévotion à la mordre à pleines dents, à en savourer les délices et les poisons avec la même véhémence et peu importe la morale et les conséquences.
Ainsi, empreinte d’une nouvelle sensualité dont elle ne connaissait pour l’instant pas les limites, elle se laissait glisser doucement dans cet étrange enrobement érotique, un mélange subtil de volupté et d’interdit.
Elle fermait les yeux, préférant à la douceur chromatique des bougies, le noir intense, ces ténèbres qui font que tous vos sens sont démultipliés. Le velouté des caresses qu’une bouche aimante sur ses seins imprimait, répondait à l’écho de lèvres plus animales lacérant son cou de morsures amoureuses. De ses seins affolés à sa nuque fébrile, un courant électrique, décharge érotique, lui transmettait les codes de sa féminité. Emportée par le fluide enivrant de cette vague aimante de cet hommes complice de son plaisir naissant, tout son corps grisé soudainement par tant de complaisance, se mettait à onduler d’une troublante mouvance. Son esprit endiablé, derrière ses paupières clauses, elle devinait le regard caressant que devait ordonner la concupiscence de ses de son nouvel amant sur cette femme charnelle se prêtant sans complexe à son excitation. Une débauche exhibitionniste irraisonnablement suggérée par son moi profond, la transformait irrémédiablement en une sirène exotique dont les gémissements envoûtants auraient pu entraîner n’importe quelle Ulysse à des égarements."
Sur le parking, un homme m’attendait, adossé à la portière de mon véhicule et m’accueillit d’un « Bonsoir belle sylphide, vous êtes-vous égarée ? »
Par politesse, mais aussi prudence, je répondis d’un Bonsoir laconique et n’engageai pas la discussion.je m’engouffrai dans la voiture, inquiète de l’insolite de cette présence masculine, et démarrai rapidement pour rejoindre la chambre d’hôte réservée en ligne
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