Au train bleu, ne subsistaient plus que quelques fragrances évanescentes d’Ophélie. Maria et PA, interdits du surprenant comportement d’Ophélie, laissèrent planer un long moment de silence devant tant de muflerie. Avait-elle saisi la demande informelle de PA lui réclamant son numéro de portable dans le sillage de sa fuite ? L’avait-elle saisie ou bien l’avait-elle sciemment occultée pour tirer un trait sur le passé ? Elle n’avait affiché aucun temps d’arrêt au son de sa voix. Après tout, finalement avait-elle grandi sans pour autant perdre une dose de son surprenant mystère. Ophélie était une énigme pour tout le monde. Antoine ne saisissait rien de ses comportements.PA avait ce souvenir fugace de son ami, furieux des énigmes dont sa sœur accablait sans discernement son environnement familial. Mais simultanément il se souvint aussi d’un sourire qu’elle lui avait adressé. Ils furent si rares qu’ils demeuraient résistants. Celui que sa mémoire lui restitua à l’instant, était le dernier qu’elle lui décochât un jour d’intimité dans son appartement alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre son cher sud, comme elle aimait à le dire.
« Embrasse Antoine pour moi. A bientôt PA, furent ses derniers mots, argumentés de ce sourire indéchiffrable »
Rétrospectivement il y décelait une attirance dont il n’avait jamais eu conscience auparavant.
« On pourrait croire qu’elle vient de voir le diable » La réflexion de Maria arracha PA à ses réflexions.
« Si ce n’est le diable, peut-être un fantôme ! rétorquait PA, sans réflexion ! Mais elle a toujours été ainsi, étrange et mystérieuse. Rarement souriante. Une vraie héroïne du romantisme noir, un mélange subtil de sensibilité romantique et d’esthétisme noir. Cette fille est captivante et je viens à peine de le réaliser ! Merci Maria, sans toi, elle serait restée à jamais la petite sœur de son frère !
-Ben de rien, pfff, je ne sais pas quoi dire ! J’ai comme l’impression d’avoir foutu en l’air la naissance d’une idylle !
-Mais non ! Mais non ! Qu’est-ce que tu racontes ? C’est une fille d’encre et de sang, comme je les appelle, fascinante, mais avec qui on ne peut envisager une relation amoureuse. Elles ne sont que passion sombre et destructrice. C’est un Ange du bizarre ! J’ai vu une expo au printemps 2013 au Musée d’Orsay, une expo qui portait ce nom sur le romantisme noir ! D’où ma remarque ! Une muse tout au plus et cela tombe plutôt bien, j’en cherche une !
-Toujours aussi sombre PA, et aussi barré !
-Je ne suis pas barré, enfin un peu … »
Ils éclatèrent de rire tous les deux, tournant ainsi la page ténébreuse d’Ophélie !
« Mais toi, raconte-moi, qu’est-ce que tu fous à Paris, reine des neiges et des océans ?
-Waouh, tu es en forme aujourd’hui ! Merci pour l’élégance de l’allégorie ! L’entre deux, tu sais bien, ma période intello parisienne ! Presque une tradition !
-Mais oui évidemment …Use book café, merci ! Entre un thé et un cake à l’orange, tu m’as laissé une petite place …dans ce café très prisé de la communauté urbaine amoureuse de l’est parisien…
-Bien pompeux non !
-Putain, cool, je rigole ! Je suis parisien n’oublie pas ! Tu as trouvé où crécher ?
-En principe oui ! Une copine de surf …Une coloc …peut être un plan foireux ! Mais maintenant que je t’ai rencontré, tu es mon second plan !
-Houlà ! Oublie …J’ai déménagé depuis que mon coloc m’a planté. Parti sans laisser d’adresse et sans payer… le frère d’Ophélie, lui il était bordélique et fantasque, mais il est toujours resté correct. Il a toujours payé son loyer !
-Le frère d’Ophélie ?
-Ben oui, c’est ainsi que j’ai connu Ophélie. Son frère aîné était mon coloc. Bizarrement un jour, il a payé tout ce qu’il devait, il est parti et je ne l’ai jamais revu. Je n’ai jamais plus eu de nouvelles. Je suis con, j’aurais dû demander à sa sœur ! Il est si fantasque et imprévisible. J’adorais ce type. Je n’ai jamais su de quoi il vivait, je n’ai jamais voulu le savoir…mas il n’a jamais trahi ma confiance ! Je crois qu’il bossait dans l’évènementiel ou un truc dans le style. Il avait le profil ! Belle gueule, un regard à fendre les armures …Un sourire, à faire fondre la plus irascible des grenouilles de bénitiers …C’était une bouffée de lyrisme dans ma vie, tout le temps de notre cohabitation.
-A l’inverse de sa sœur, à en juger par son curieux comportement. Elle est mélancolie et lui son antidote, d’après ton analyse. Etrange les complémentarités fraternelles !
-Oh ! Ils étaient aussi étrangement complices, malgré leur différence d’âge ! Pour moi, elle était la petite …J’avoue que l’écart s’est dilué avec le temps. Je la trouve aujourd’hui terriblement séduisante et très féminine.
-Pas comme moi, tu veux dire ?
-Vous êtes totalement différentes, chacune avec un charme bien distinct ! Quoi qu’il en soit deux caractères bien trempés, deux jeunes femmes déterminées et libres. Deux jeunes femmes modernes, en somme !
-Bien, j’ai du temps devant moi. Que dirais-tu de passer un moment ensemble ?
-Du genre ?
-Impro totale !
-Allez ok pour une impro. »
Une bouffée de lyrisme impromptue vint soudain suspendre la discussion. Plus une parole, mais un échange de regards d’une intensité éclatante, de ceux qui nous émeuvent sur grand écran. Deux visages en gros plan, dans un silence lourd de complicité, traduisaient une exaltation sous-jacente, timidement camouflée.
PA, tenta de soulager Maria d’un de ses bagages, mais avec sa vivacité habituelle, celle-ci déclina la velléité du compagnon retrouvé.
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