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« Amante talentueuse, me murmure-t-il à l’oreille, tout en parcourant de ses mains ma peau éprise de ses désirs camouflés derrière ses paupières. Je suis prêt à le parier, poursuit-il. Son regard est posé au feu de mes iris, éclaboussant de malice et de perversité.
L’ouverture de mes cuisses, en un angle érotique qu’il n’osait espérer, lui offre les prémices d’un monde à explorer, en ces lieux impudiques, avides d’être visités par ses démons lubriques. Le défaut de dentelles, sévices diaboliques pour un homme attiré par l’artistique d’un triangle érotique, donne une note indécente aux désirs raffinés de deux êtres en découverte. Il ne sait pas, il ne veut pas deviner, que mes envies de baise sont collées à ses souhaits de me voir dénudée, osée, cupide de baisers, de morsures envoûtantes et d’audacieux plaisirs.
Le hasard des rencontres, le poids de la duplicité d’une solitude navrante dans une société sans âme, ni foi, et ce désir intense de mélanger les craintes d’une existence sans amour, ont mélangé leurs pas et leurs regards prisonniers d’une vie sans destin commun ! »
Il posait un point d’exclamation purement littéraire à la fin de sa phrase. Curiosité et interrogations l’avaient guidé ce matin-là. Il cherchait une nouvelle muse, une jeune femme, ou moins jeune, capable de nourrir les pages blanches de folles agapes sensuelles et d’instruire sa sémantique érotique.
PA avait posé ses pas désabusés, pour une pause raffinée, dans l’ambiance feutrée du bar lounge de la gare de Lyon, « Le train Bleu », son carnet bien en place dans la poche de son vieux manteau gris usé…Il ne peut se défaire de cette vieille pelisse, garante de souvenirs à ne jamais oublier. Il est le refuge incontournable du calepin griffonné à l’encre d’un Montblanc hérité de son père. Mémoire d’enfant, mémoire tout simplement. L’enfant s’en est allé, emportant tous ses rêves, mais l’homme…La sensualité est son apanage. Une dot, un patrimoine Il ne sait pas. Tous ses sens veillent, épient, où qu’il aille, et surtout en matière de féminité. Un parfum, une silhouette, une cheville fluette, une nuque gracile. Alors les mots pour les décrire ouvrent un chemin à sa plume érotique sur le papier glacé de son Moleskine, témoin indiscret de ses désirs d’aimer.
En vérité, ce matin-là, sa journée ne débuta pas comme il l’aurait souhaité. Réveillé tôt par des pigeons roucoulant à ses fenêtres, il avait vainement tenté de se rendormir. Bravant les interdits des protections, ces satanés volatiles décidèrent de lui pourrir la vie. Fatigué par une nuit d’insomnie, il aurait aimé prolonger le sommeil, si léger soit-il. Il avait fini par clore ses paupières aux alentours de quatre heures du matin. Excédé par les ramiers, il envoya violemment son oreiller contre la fenêtre pour les faire fuir. Les bestioles s’envolèrent vers un ailleurs, mais la vieille lampe art déco de son bureau, aussi.
« Putain de piaf » pestait -il, avant de se lever pour ramasser les vestiges de ce qui avait été le luminaire complice de ses nuits d’écriture.
Un éclat de verre accueillit son pied nu. Putain de piaf, s’entendit-il répéter ! Un minuscule filet de sang s’écoula de son gros orteil. Il ignora sa blessure, porta ses pas vers la cuisine, et, instinctivement, brancha la bouilloire électrique avant de regarder l’heure.
Cinq heures du matin, les amoureux sont fatigués, Paris s’éveille. Je suis crevé, songea-t-il, mais pas d’amour. Il jeta un regard amusé sur la ville endormie, songeant à Dutronc et sa célèbre chanson. Il aime cette heure particulière si bien décrite par l’idole des sixties. Pour avoir arpenté cette ville, en noctambule impénitent, il apprécie les balbutiements sonores et parfumés de la capitale à son éveil.
Une pluie légère auréolait Paris. Les blafardes lumières citadines, dans la bruine automnale, portèrent loin son regard poétique. Dans cette mégapole, n’y avait-il donc pas, une muse prête à illustrer son inspiration et sa mémoire ?
La dernière n’avait fait qu’un bref passage entre ses bras, entre ses draps, entre ses lignes. Elle s’était avérée rapidement féministe, opportuniste, tout ce qu’il détestait chez une femme. Elle n’avait, au final, que noirci son âme, au lieu de son carnet. Il rêve d’être amoureux…mais elles ne restent jamais assez longtemps, maitresses de leurs libertés, avant que d’être amante, muse et confidente. Sur ces réflexions, funèbres constatations, il prêta sa sculpturale silhouette à la tiédeur énergisante d’une douche éphémère. Cette même silhouette passait par le crible des vérités du miroir, avant de s’emmitoufler brièvement dans un peignoir douillet. Fortement soucieux de son apparence, il se moquait bien des remarques désobligeantes de ses amis le traitant, à tort, de métrosexuel. A ses yeux, il était juste un homme de bon goût, qui refusait de finir adipeux et bedonnant. Metro ou ubersexuel, quelle importance ? C’est la terminologie qui le dérangeait le plus ! Sexuel est un mot qu’il n’aime pas. Trop brut, trop cash !
Ni trop, ni pas assez, il adopta une tenue délicatement déglinguée. Il l’argumenta d’une note parfumée, enfila son vieux pardessus pour affronter les premières fraicheurs matinales d’un automne déjà bien installé.
Et c’est ainsi que, tôt dans la matinée, il se retrouva dans le Bar du Train Bleu, en quête d’inspiration. Si le destin le lui accordait, une Muse pouvait, à chaque instant, bouleverser son ordinaire
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