Diablement excitée par la visite programmée des wagons de l’Orient express, Juliette ne songeait plus à rien, qu’à câliner, embrasser, caresser l’homme qui l’accompagnerait dans cette folle aventure de la redécouverte du plaisir. ..
Un très proche ami lui avait raconté qu’il avait effectué son voyage de noce sur la ligne prestigieuse, depuis Paris, jusqu’à Venise. De quoi atteindre des sommets, lui avait-il avoué, en matière de plaisir. Quand le luxe, complice des désirs les plus inavoués s’associe fièrement à l’amour en luxure, tout ne peut aboutir qu’à une apothéose charnelle .Depuis, le mariage divin et le miel de sa lune avait été consommés avec magnificence dans la démesure d’un Amour jamais inégalé, jusqu’à la rupture implacable . Mais il n’avait pas oublié la magie de ce voyage unique.
Pour sa première sortie, après des mois de convalescence et de souffrance, Juliette avait donc choisi de se rendre à l’exposition « Il était une fois, l’Orient Express » à l’institut du Monde Arabe. Ses douleurs lombaires n’étaient plus, à présent qu’un lointain souvenir, dont elle voulait, à tout jamais effacer, jusqu’à la moindre trace. La torture douloureuse l’avait trop longtemps éloignée de son imaginaire dont elle aimait, avant sa maladie, noircir les pages de ses carnets de voyage. De chacune des expositions parisiennes dont elle foulait le sol de ses escarpins, elle ramenait des cahiers , sur lesquels ,elle notait régulièrement ses impressions , ses émotions toujours plus sensuelles , les unes que les autres .Mises bout à bout , cela donnait naissance à des nouvelles érotiques dans lesquelles , elle se mettait en scène sans pudeur , assumant au travers de son héroïne, ses déviances sensuelles les plus coquines .
Partir à l’aventure, avouer sa luxure, entre l’intimité gourmande et généreuse, des lèvres et des doigts de l’amant amoureux, vibrant épicurien épris de volupté .Lui offrir sans tabous, son plaisir imagé, diffus et proclamé entre ses reins cambrés. Le joufflu de son cul, sa rue de lune conquise, les atouts superflus, dentelles et effluves, arboraient fièrement ses désirs entre les lignes, exposaient l’indécence plurielle et féminine.
Personne pour la lire, ni même pour traduire cette félinité d’encre et de rimes, qui ne demandait que la complicité d’un partenaire sensible pour donner corps à ses émotions.
A croire que le destin, en ce milieu d’après-midi printanier, l’avait prise pour cible pour déranger les pierres de sa vie ordinaire. Un incident, un bagage suspect sur sa ligne de métro, avait considérablement retardé son arrivée sur le parvis de l’institut du Monde Arabe. Une file raisonnable de visiteurs attendaient patiemment qu’une charmante hôtesse, les autorise par petit groupes à entamer la visite. Le guichet affichait complet. Pour un coup d’essai, ce n’était pas un coup de maître. Sa première sortie s’avérait un fiasco, mais pour autant, elle ne perdait pas espoir, et se renseignait auprès de la guichetière.
« C’est complet pour aujourd’hui, mais vous pouvez prendre vos billets pour demain. Deux, demain 11 heures !
-Deux ?
-Oui, vous et votre ami, derrière qui s’évertue en silence, à mimer deux de ses doigts … »
Juliette se retournait et se trouvait nez à nez avec la corpulence virile d’un buste parfumé. A en juger c’était un homme de grande taille. Elle levait son regard et croisait un sourire généreux sur une bouche pulpeuse aux promesses amoureuses. Promesses amoureuses, ces deux mots associés claquaient dans sa tête .Elle le notait spontanément sur un de ses carnets toujours présents dans le joyeux bordel de son grand sac, avant même de s’adresser à celui qui les lui inspirait…
Puis elle poussait plus avant ses investigations identitaires. Un regard brun cerclé de lunettes métalliques l’observait avec détermination et la force vive d’une séduction particulière .il y avait bien longtemps qu’elle n’avait croisé une telle intensité dans l’attention qu’un homme peut porter sur une femme lorsqu’il est séduit. Peut-être y était-elle réfractaire compte tenu de son état de santé. Ou, plus simplement naturellement peu séduisante pour les mêmes raisons, n’avait-elle plus attiré les regards masculins.
Un voile de douceur nimbait soudain l’instant .Il lui parlait, elle ne l’écoutait pas. Elle regardait seulement bouger ses belles lèvres sur l’ivoire de ses dents .Elle avait juste envie de l’embrasser, ou plutôt qu’il l’embrasse. Elle devinait un torse ferme, une attache solide des clavicules et cette rondeur dure des épaules caractéristique des sportifs.
Ce qu’elle ressentait en l’observant lui semblait précieux, comme si il était celui qu’elle attendait sans le savoir. Elle le regardait à présent avec son magnétisme retrouvé, celui d’avant les souffrances, ses lombalgies à répétitions .La douleur avait déprogrammé le naturel de sa séduction, jusqu’à le rendre hermétique ou imperceptible. Elle détourna un instant le regard et surprit son reflet dans la vitre fumée de la billetterie. Etrangement, elle se sourit et ne se reconnut pas dans cette émotion Quelque chose avait changé, en elle. Ce quelque chose c’était lui, providentiel, la prédiction sensuelle d’une nouvelle orientation existentielle.
Ses yeux se faisaient à présent insistants ; ils le visitaient de leur regard étrange. Le son de sa voix adhérait à nouveau à son écoute. Elle buvait ses paroles. Le son et l’image étaient à nouveau en totale coordination, trop violemment interrompu par l’impatience de la guichetière.
« Alors une ou deux entrées, vous n’êtes pas seuls au monde !
-Pardon, deux pour demain 11 heures trente ! »
Il avait décidé pour elle…Elle l’embrassait voluptueusement, d’un baiser long et profond.
« Je me présente, je m’appelle Juliette, et vous c’est ?
-Pierre, enfin pas tout à fait, mais nous verrons plus tard, un prénom composé à découvrir dans l’intimité »
Il prenait les billets, en réglait le montant, remerciait gentiment la caissière médusée par ce couple d’amoureux s’éloignant main dans la main alors qu’ils venaient à peine de se rencontrer. Elle suivit longtemps leur silhouette. Elle ne vit qu’un homme et une femme saisissants de beauté, tant la courbe féminine et la ligne masculine était en accord parfait.
Juliette eut un mouvement vers lui alors qu’il continuait à parler .Elle le serra fort, très fort dans ses bras, laissant sa tête se perdre dans le confort de ce torse inconnu qui ne demandait qu’à l’accueillir. Ses lèvres s’empourprèrent d’un afflux de sang. Elle sentit le désir les gonfler, la soulever, l’emporter vers lui. Elle posait ses lèvres sur les siennes, tendres et pulpeuses, ces fleurs du mâle qui ne demandaient qu’à être cueillies, mordillées, embrassées avec la force vive de la fraicheur perlée d’une eau torrentielle. Elle perdait tout contrôle du temps et de l’espace, déversait toute ses émotions dans un seul baiser profond. A la fois tendre et autoritaire, sauvage et sensuelle, elle lui offrait sa totale dévotion. Il s’écartait un instant, la regardait intensément. Elle s’attendait alors à ce qu’il diabolise son comportement, ou qu’il réprime son empressement. Mais la profondeur de son regard reflétait juste un bonheur instantané. Il avait l’air heureux.
L’audace l’emportait sur la rationalité. Aimantée à ce corps en découverte, elle glissait avec une fébrilité impulsive sa main, sur la virilité attentive de Pierre. Avec tout autant d’audace, Juliette lui saisissait sa main, et l’accompagnait avec douceur et fermeté jusqu’entre ses cuisses. La main de Pierre s’attardait en ces lieux tièdes et humides. Une fièvre évocatrice les emparait mutuellement.
Plus tard sa cuisse se poserait sur sa cuisse, songeait-elle, ses bras l’enlaceraient, il la couvrirait de baisers alors que leurs corps épuisés chercheraient encore à se combler. Ils jouiraient, puis ils riraient, puis ils jouiraient encore …pour en rire après et en jouir encore …
Elle l’entrainait. Il la suivait sans résistance…
{...}
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