
De
ses étreintes langoureuses, je suis déjà en manque .Elles ont une force
similaire aux poids des mots ou bien encore la profondeur de ses regards au
fond de mon âme .Dans ces échanges sentimentaux, à fleur de cœur, à fleur de
peau, le silence de nos « je t’aime » donne le tempo. Un cœur qui
geint, la soie qui glisse…les souvenirs s’immiscent. Un sourire incertain pour
nos jeux clandestins, et les balbutiements de ses mains qui m’effleurent,
temporisent mes ardeurs autant qu’ils les attisent...
L’été
propice aux amours bariolés a préféré le dramatique à la comédie romantique.
Elle
avance d’un pas maladroit dans cette ville sans éclat, longe des maisons
désertées pour un temps. Il lui semble soudain que le vent charrie quelques
gouttes pluvieuses. Il n’en est rien. Le crépuscule estival accueille juste ses
larmes de chagrin qui roulent et la désarment. Elle entend des rires lointains
dans le silence du jour qui tombe. Ils lui font penser à une chaleur lumineuse
qui apaiserait sa lassitude.
Dans
le square tout proche de son lieu de résidence, elle se pose un instant, à la
recherche de souvenirs. Si frêles et vétustes soient-ils, ils n’en demeurent
pas moins des trésors .Comme ce banc proche de la sortie où elle s’assied
inconsciemment. A quelques mètres d’elle, un groupe de Sans domicile fixe noie
son ennui en s’arrosant copieusement le gosier d’une immonde piquette dont elle
peut même sentir les effluves malgré la distance, un âcre relent de
décomposition ou de destruction.

L’averse
dans ses yeux gagne en force, son cœur se serre. C’est un étau, à présent, qui
étreint sa poitrine. Sa main fouille à
tâtons l’intérieur de son sac avant de resurgir, munie d’une photo, l’unique
photo qu’elle possède de lui. Il porte le chèche bleu qu’elle lui avait ramené
de son voyage en Afrique du Nord. Elle le contemple, le dévore de ses iris larmoyants.
Elle s’en imprègne, le couvre de baisers avant de la replonger avec amour dans
l’obscurité du fourreau de cuir négligemment posé sur le banc. Ses doigts
anormalement agités perçoivent sous leurs
empreintes les franges parfumées du foulard berbère, puis ils relâchent la
caresse du tissu dont elle sent les fragrances.
Elle
ferme les yeux .Personne ne peut la comprendre, elle est seule à présent avec
ce sentiment d’incomplétude.
« Il
n’a pas survécu à ses blessures, je suis désolée »
Cette
phrase résonne dans sa tête, avec
l’agressivité d’un larsen excessif. L’écho des mots prend l’allure d’un
sifflement puis éclate comme une bulle pleine d’eau derrière ses
paupières.
Dans
une impression d’urgence aggravée par la proximité alcoolisée des marginaux,
elle quitte précipitamment ce lieu de recueillement improvisé à l’intensité
dramatique.
L’affolement
de ses pas prend vite l’allure d’une
course.
Son
cœur trop gros pour sa cage thoracique, le gout du sang dans la bouche, en panique,
elle poursuit sa fuite effrénée, un des trois SDF haletant dans son sillage.
Elle
n’entend même pas ses « N’ayez pas peur, ma p’tite Dame,
attendez » dégoulinant de vinasse.
Elle
n’entend pas la suite, ces mots qui se perdent dans la nuit, étouffés par
l’angoisse d’être rattrapée…
« Votre
sac, M’dame »
Elle
fouille dans sa poche nerveusement, saisit son trousseau de clefs dont elle en
glisse une dans la serrure, pousse la lourde porte cochère avant de
s’engouffrer dans la cour résonnant des battements de son cœur.
Le
silence retombe, l’envahit, la paralyse, l’anéantit, avant de la libérer de son
angoisse.
Et
puis ce désir fou soudain de l’appeler, lui, pour qu'’il la rassure comme il
savait si bien le faire !
Elle
a besoin de lui, là de suite…sa voix n’est plus, il n’est plus…sa photo, son odeur,
sa voix sur la messagerie vocale !
La
photo ! Mon sac, vite mon sac. Mon sac ! Mais où est donc mon sac à
main ?
Mon
sac, il est toute ma vie, il est tout ce qui me reste de lui. Sa voix, son
odeur, son image, j’ai glissé toute sa
vie dans mon sac !
Le
banc, le square, le vagabond à sa poursuite …la trame d’un destin déchiré.

Une
main tiède et ferme caresse sa poitrine, se faufile anonyme sur son buste
haletant, se perd dans les broussailles de son pubis vibrant, en entrouvre les
lèvres humides et accueillantes.
Son
corps se cambre, ondule, se laisse amadouer par une bouche brulante qui
s’abreuve de sa liqueur.
Sa
peau n’est plus que fièvre lorsque les lèvres la quittent pour lui murmurer
« Ma
douce, tu es toute trempée. Ce n’est qu’un mauvais rêve ! Tu avais l’air
si agitée ! »
Dans
les rais de lumière par les stores,
filtrés, elle devine son sac négligemment jeté à même le parquet. Plus loin des
vêtements éparpillés, tout genre mélangés, témoignent de l’urgence du désir de
s’aimer. Le chèche bleu parade au milieu des effets.
Les
souvenirs abondent, son visage s’adoucit..
Des
ténèbres au paradis …Des cris fusent de la rue de cette ville endormie…des
bruits de verre brisé, résonnent à son oreille. Des SDF ivres dans le square
d’à côté, songe-t-elle !
Sur
son cou, l’effleurement d’une haleine prête à fondre sur ses lèvres, dans sa
paume l’affleurement d’une raideur prête
à la combler de son éloquence.
La
vie est là ! Brûlante, troublante, enivrante. Elle
va la chevaucher !
©
2013 Mysterieuse
Les commentaires récents