L'été est enfin là .Il réclame un peu plus de légéreté et de fraicheur .Alors entre deux escapades à droite et à gauche , une nouvelle à lire entre deux verres de thé glacé ou pour les moins sages , deux mojitos ...
La sensualité sera au rendez-vous au fil de mon imagination ...
Bel été à tous , je pars quelques jours sur l'Ile de Beauté
Dans
l’inventaire de ses plaisirs, le mot saveur est à l’honneur .Elle l’associe à
sa façon aux délicieux préliminaires.
Latine
jusqu’au bout des ongles, elle a le tempérament d’un hidalgo, le flamboyant
d’une Argentine, le pimenté d’une Andalouse.
Il
y a quelques jours, elle me convia à un dîner en tête à tête, avec
l’interdiction formelle de refuser. Comment aurais-je pu décliner une telle
invitation ?
Voilà
des mois que je la croise dans mon quartier, chez le boucher, le boulanger, le
volailler, le primeur et même le fleuriste. Elle est toujours à minauder avec
les commerçants qui l’accueillent, pour une poignée de cerises, un bouquet de
persil ou une viennoiserie en sus de ses achats, en prime de sa fidélité. Je me
suis longtemps posé la question, à savoir si elle était fine cuisinière
gourmande ou si elle appartenait à cette catégorie de femmes au service
d’autrui. Elle semble si généreuse. Tout dans son comportement n’est que complaisance
et sourire, charisme féminin doublé du tempérament bien trempé méditerranéen.
Le
fait est qu'’elle me convia, alors que je réglais mon ciapo aux olives vertes,
à prendre à café au bistrot du coin.
Ma
boulangère, d’un un clin d’œil peu anodin, me suggérait de ne pas refuser .Elle
est géniale ma boulangère, elle a pris la place de ma grand-mère depuis que
j’habite dans le quartier. Oh pas
physiquement , ma grand –mère est plutôt élancée , fantasque et élégante .Ma
boulangère , elle , a plutôt le charme de ses miches de pain dorées, de la
maternité, l’aura d’une « Grand Ma », brioches et pain beurré,
chocolat chaud et meringue , la rondeur paysanne des femmes d’autrefois sous le
bleu délavé d’un tablier usé.
Dans
ce quartier Bobo de la Capitale, elle a définitivement renoncé à perdre et son
accent, et sa culture provençale. Elle n’a plus d’âge, elle est intemporelle,
figée dans l’espace et le temps. Elle me fait songer aux personnages de Peter Mayle,
hauts en couleur et résonnance qu'’il décrit si bien dans « Un été en
Provence ».Ses pains et viennoiseries ont une saveur différente, celle du
soleil et de la voix qui chante
« Té,
Petit, je t’ai mis deux chouquettes, tu es trop maigrichon »
Elle
me retenait par le bras, le temps que la belle brunette rejoigne le
trottoir !
« C’est
une bonne petite, elle est faite pour toi »
Je
rejoignais le bar, sur le même trottoir, une lueur d’espoir dans ma démarche
sereine ! Elle m’attendait, une tasse à la main, dans l’odeur si tenace
d’un petit noir fumant.
« Je
me suis permise de vous commander un café en vous attendant
-merci »
Son
café consommé, sans autres tergiversations, elle se présenta à moi.
« Je
m’appelle Chiara ! Et vous ?
-Marcello,
ça vous irait ?
-Très
amusant, mais je m’appelle vraiment Chiara !
-Et
moi Marcello ! Ravi que cela vous amuse ! »
Elle accueillait cela avec enthousiasme et un
rire cristallin, à l’opposé du son rauque de sa voix !
« J’adore
votre voix !
-Oubliez,
elle est passagère, je suis juste enrouée ! Mais vous ne pouviez pas
deviner ! Seriez-vous de ces types coutumiers des maladresses, un Gaston
Lagaffe séduisant ?
-Marcello
Lagaffe, ça sonne plutôt bien non ? On peut le dire, je suis un peu
ballot ! Séduisant, je ne sais pas, je vous laisse juge !
-Et
il fait quoi dans la vie, le charmant maladroit ?
-Intermittent
du spectacle !
-C’est
vague, très vague !
-Oui
comme l’intermittence …Concepteur Lumières ou en moins pompeux, éclairagiste de
spectacles
-Waouh !
C’est magique ! Les concerts, les plateaux …
-Plutôt
les concerts !
-Mais
c’est génial !
-Oui
et sportif aussi !
-Vous
ne me demandez pas ce que je fais dans la vie ?
-Je
ne suis pas curieux. Vous me le direz si vous le désirez !
-Je
suis étudiante !
-Étudiante ?
-Oui
entre autres !
-Là
je deviens curieux !
-Je
suis juriste de formation, mais je suis depuis ma plus tendre enfance, fan de
mode et de créativité. Alors depuis peu je suis, le soir, des cours de stylisme.
J’aimerais créer une ligne de corset …oh dans l’absolu, bien sûr…Et puis je
suis aussi créatrice de goût, alors autorisez moi à vous inviter à diner un soir,
en tête à tête chez moi …tsss, tsss, aucun refus autorisé !
-Refuser,
il faudrait être fou. Et puis ces temps ci, j’ai pas mal de temps libre !
Des corsets ! Vous aimez donc la lingerie ?
-Oui
en particulier, et en général tout ce qui flatte la féminité …
-Êtes-vous
toujours aussi peu farouche, votre invitation n’est pas anodine ?
-Non,
pas toujours ! Mon choix est beaucoup moins anodin que vous ne le
pensez.je vous croise ici ou là chez les commerçants du quartier, je me suis
dis que vous deviez, comme moi faire la cuisine. Les saveurs ont une place
prépondérante dans ma vie et j’aime les faire partager. Vous me semblez être un
gouteur idéal .En plus vous n’êtes pas mal du tout, ce qui a mon avis donne une
touche supplémentaire à ce partage !
-partage ?
-Oui
partage de goût !
-Oui
bien sûr !
-Alors
disons, voyons voir, mardi en 7, cela vous va ?
-Parfait !
Je vous laisse mon numéro …Appelez moi lundi dans la journée !
-Ok,
ok ! Bye »
Elle prenait ma carte de visite et s’éloignait. C’était la juriste que je venais de rencontrer.
Elle était vêtue d’un tailleur strict, féminisé d’un corsage de voile transparent.
Durant notre entretien, mon regard oscilla ostensiblement de sa bouche pulpeuse
et volubile, à ses petits seins frissonnant au contact du tissu diaphane, sans qu’elle
ne m’adressât une quelconque remontrance pour mon comportement audacieux. J’y
voyais là une invitation à ne point m’en priver ou pire à continuer. Pure
provocation ou desinhibition ?
Je
suivais son sillage d’un regard attentif et séduit, avant de perdre l’élégance
de la silhouette à l’angle de la rue. Elle était différente de la latine croisée
ici ou là dans le voisinage, si ce n’était son étincelante chevelure noire
retenue en chignon bas et le carmin de ses lèvres …Elle y gagnait en prestance,
mais y perdait-en aura. Mais cette double personnalité n’était pas pour me
déplaire .L’ambigüité des genres rajoutait en mystère quand à cette délicieuse intrigante
capable de vous inviter à dîner sur une simple intuition. J’aime la complexité
des femmes, c’est la nature même de leur personnalité, cette capacité qu’’elles
ont à toujours garder une part de leur arcane, cette zone d’ombre, qu’intuitivement
elle préserve.
Je
resongeais à ses mots, «Les saveurs ont une place prépondérante dans ma vie et
j’aime les faire partager. Vous me semblez être un gouteur idéal » L’ambivalence
de ses propos suggérant la découverte, l’exploration, la dégustation m’offrait
soudain le privilège d’un sourire en ce début de journée. Nous rentrions, mon
petit pain aux olives et moi à la maison.
Je
n’oublie jamais une odeur, et celle de Chiara ne me quittait plus depuis l’instant
de notre rencontre, à tel point, que les fragrances de son parfum capiteux
semblaient avoir investi jusqu’à la cabine d’ascenseur. Sur le palier, les
effluves s’étaient volatilisés comme par enchantement. Mon imaginaire, une fois
la porte refermée derrière moi, me projetait une semaine plus tard.
Mon
impatience à son comble, dans le désœuvrement le plus total en cette période de
disette professionnelle, je ne vivais plus que pour ce coup de fil du lundi. Je
prenais le premier train pour le sud. L’attente est moins pénible au soleil
entouré de potes de galère.
A suivre ...
Les commentaires récents