[...]Je lui ôtais son verre de la main et lui faisais gouter à la saveur de mes lèvres et de ma langue bien françaises, elles, dans un baiser sans équivoque de contrefaçon ![...]
Pourtant, il abrégeait, très, trop rapidement ma fougue, et, chose inimaginable, en totale incohérence avec mon tempérament audacieux, je me surprenais à m’excuser
« Je ne sais pas ce qu'’il m’a pris, je suis sincèrement désolée !
-Vous le pouvez ! »
Sa réplique aussi abrupte qu'’infondée, stoppait net mes élucubrations sensuelles !
Pourquoi cet homme si charmant et avenant, la fibre artistique à fleur de peau, à fleur de doigts se prenait-il soudainement à me mépriser ?
Avais-je mal agi ? Ma bousculade en séduction n’avait pas eu l’effet escompté, bien au contraire. La délicieuse embarcation sur laquelle il m’avait convié était en train de prendre sérieusement l’eau, avec le risque périlleux de finir en radeau de survie.
Mon salut je le trouvais dans le vin australien. Je reprenais mon verre, abandonné à moitié plein pour un baiser incolore et sans saveur, et le vidais d’un seul trait.
Inutile de me rhabiller avant de lancer « Bon ben je crois que je vais y aller », je n’avais même pas eu le temps d’ôter, ne serait ce que ma veste. J’aurais pu quitter la pièce de façon magistrale ou tirer ma révérence théâtralement dans un style scénique ampoulé, histoire de dévoiler mon caractère trempé. Mais l’acte que j’étais en train de jouer relevait plus d’une tragédie cornélienne que du registre de Feydeau.
Je me dirigeais vers la sortie, le plus discrètement possible, sous le regard amusé de mon hôte, qui, ironiquement ou peut être avec une intention moins perverse, me tendait son verre de vin à peine entamé
« Vous n’allez pas partir sans prendre un second verre …buvez le mien, je me sers une bière »
Je snobais sa tentative d’intrusion dans ma fuite inopinée et poursuivais mon intention de sortie.
Comme lors de notre première rencontre, il stoppait net mon évasion en me retenant par le poignet. Était-il homme à la provocation, ou bien faisait-il partie de cette minoritaire catégorie des amoureux échaudés par des chattes libertaires et libertines. Certains amoureux éconduits mettent un certain temps avant que de succomber à nouveau à la grâce féminine, question d’orgueil ou de fierté. D’autres font de la gente féminine une véritable orgie, bafouant toutes les règles de respectabilité. Et lui, qui était-il ?
Une seule façon de le savoir, le lui demandais. Je m’apprêtais avec la spontanéité qui me caractérise à lui poser la question, mais il anticipait mes intentions !
« Restez, s’il vous plait ! Vous êtes la première femme qui passe depuis des mois, le seuil fatidique de mes appartements ! »
Il ôtait ma veste, la jetait négligemment, dans un bruissement équivoque sur le premier meuble à proximité, m’entrainait vers le piano, récupérait le verre de vin, me le tendait, posait un doigt appuyé sur une touche du piano ! Un la, je reconnaissais un la, puis un autre et encore autre …
« La, la, la, c’est la vie, elle va, elle vient, elle est comme un refrain, elle revient comme un leitmotiv » murmurait-il avant de se décapsuler une bière !
Nous trinquions ! L’entrechoc de deux verres , des notes musicales sur un piano fatigué, des cœurs qui battent plus fort , autant de codes dressant le décor ambitieux d’une …amitié naissante …une amitié amoureuse , amoureusement délictueuse …
J’en aimais déjà le contour, le délictueux plus exactement, ce mélange harmonieux de liberté, complicité et concupiscence se profilant .
A suivre ...
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