Depuis la mort d’Helmut Newton (1920 -2004), aucune rétrospective du photographe n’a eu lieu en France, pays où il a cependant créé une partie majeure de son œuvre, notamment en travaillant pour l’édition française de Vogue.
Sulfureux, parfois choquant, l’œuvre de Newton a cherché à restituer la beauté, l’érotisme, l’humour, parfois la violence que sa sensibilité lui permettait de relever dans les rapports sociaux des mondes qu’il fréquentait : la mode, le luxe, l’argent, le pouvoir.
L’exposition réunit plus de deux cents images, quasi exclusivement des tirages originaux ou « vintage » réalisés sous le contrôle d’Helmut Newton : polaroïds, tirages de travail de divers formats, œuvres monumentales. Elle sera enrichie d’un extrait du film réalisé par June Newton, épouse du photographe pendant soixante ans et elle-même photographe :Helmut by June.
Le propos s’inscrit dans un parcours rétrospectif et thématique. Présentant les grands thèmes newtoniens : mode, nus, portraits, sexe, humour, l’exposition entend montrer comment s’est constitué, bien au-delà de la photographie de mode, l’œuvre d’un grand artiste. Un œuvre qu’il n’a eu de cesse de libérer de toute contrainte imposée, alors qu’il travaillait le plus souvent dans un cadre de « photographie appliquée » à la mode et aux portraits. Un œuvre éminemment classique en ce sens qu’il s’inscrit dans une perspective artistique très large. Un œuvre qui fait l’expérience de la liberté, dans ses thèmes comme dans ses formats. Un œuvre qui donne à voir une vision nouvelle et unique du corps féminin contemporain.
On a dit d’Yves Saint Laurent qu’il a par ses créations donné le pouvoir à la Femme. On pourrait dire la même chose d’Helmut Newton, qui accompagna longtemps et intimement – ce n’est pas un hasard – la démarche du premier. Nues ou en smoking, les femmes de Newton sont puissantes, séductrices, dominantes, jamais glaciales mais toujours impressionnantes, voire intimidantes. Ce sont des femmes qui, fortes de leur révolution sexuelle, assument la pleine liberté de leur corps, sans heure ni cadre, ouverte à tous les fantasmes. Ce sont des femmes riches, qui ont conquis le monde et son argent, et vivent dans un raffinement extrême, de leurs robes à leur lit. Luxe, classe et volupté : tel pourrait être l’adage de la Femme newtonienne. Quand Newton publie un livre intitulé Un monde sans hommes, il formule l’expression visionnaire d’une société où les femmes ont conquis assez de pouvoir pour parvenir, le cas échéant, à se passer des hommes.
L’exposition ne s’attache pas à l’unique représentation de la Femme par Newton, mais restitue les divers champs, parfois plus secrets, de son travail. Conçue par June Newton et ponctuée de citations du photographe, elle est aussi, à double titre, « Newton par Newton ».
Retour sur son oeuvre subversive, qui ne sublime pas uniquement la femme...
Los Angeles, 1980. Un quarteron de culturistes en slip se fait allumer par deux top-modèles. Rien n'est plus rare chez Newton que cette érotisation du corps masculin.
Un faible pour le porno chic
Ce goût pour les dominatrices lui est venu de Berlin, sa ville natale: Helmut Neust ädter l'a fuie au début des persécutions pour s'établir en Australie sous un nouveau nom. Choisissant la photo de mode pour terrain d'expression, il en intègre avec joie les contraintes... et la fait exploser de l'intérieur. Là où la mode habille, il va déshabiller. Derrière l'art du chiffon, il démasque le théâtre des attitudes, vrai sujet de la mode moderne. Celui qui revendiquait le goût de déplaire et avouait un faible pour la vulgarité (il est l'inventeur du porno chic) pensait qu'une photo de mode devait ressembler à un cliché de paparazzi -même s'il calculait les siennes au micron près- et raconter une histoire.
En symbiose avec Yves Saint Laurent , le couturier qui "offrit le pouvoir aux femmes" (dixit Pierre Bergé), Helmut Newton allait léguer la superwoman aux années 1980. Sa popularité mondiale justifie cette rétrospective, pilotée par sa veuve, Alice Springs. Quel message ce dynamiteur, disparu il y a huit ans, offre-t-il à notre époque puritaine? Pour Jérôme Neutres, commissaire de l'exposition, celui-ci tient en un mot: la liberté.
Juste un mot, MAGNIFIQUE !
Rédigé par : Alain Godereaux | 04 avril 2012 à 16:43