Je m'envole quelques jours vers d'autres cieux
Mais avant de partir , je vous laisse le début de ma dernière nouvelle ...
Des baisers , à bientôt
Mysterieuse
Enfilant mon manteau sur mes frêles épaules, je courrais au devant du plaisir qui m’avait soudoyé sous l’apparence curieuse d’un homme étranger.
J'aime les étrangers, ils m'attirent irrésistiblement, qui pour leur accents, qui pour leur manière attendrissante de s'exprimer du regard ou des mains, sans parler des sourires qu'ils accordent avec complaisance par crainte d’importuner. Lui il était autre. Étranger dans ses gènes, étranger dans ses mots, jusque dans son regard qui me jouait la scène d’un incroyable mélo.
Une cigarette qui traine au bord d’un cendrier sur la table bancale d’une terrasse de café. Des larmes masculines , rien de plus émouvant ou de plus bandant .Elles appellent les fantasmes de scenarii troublants .Qui est donc la salope qui peut poser des perles lacrymales au bord de ces yeux si captivants .Mais qui est donc la garce qui fait que ce garçon charmant fume plusieurs cigarettes en même temps .Une qui crame doucement , locataire passagère d’un cendrier errant , une autre plus attachante , aux lèvres de son client. Un seul détail troublant, un type qui vient de se faire larguer ne boit pas un thé …à moins que les clichés cinématographiques n’aient, au fil du temps déformé ma vision de la vraie vie.
Je passais devant lui, emmitouflée dans un manteau de laine, cuissardée, mini-jupée sur des bas opaques, suffisamment épais pour ne pas grelotter, et ne pas passer aux yeux des passants pour une femme délurée. Chapeautée, façon 1920, le regard rasant le rebord de feutre de mon chapeau orangé, je le dévisageais. Une trentaine bien amochée, des boucles noires opulentes, un regard clair très clair, mais un regard particulier, fascinant malgré son voile larmoyant. Ses yeux vairons lui donnaient le mystère d’un Bowie version méditerranéenne, sans le underground, mais avec ce plus, renversant, d’un étudiant tardif. Il était si beau dans sa détresse, attirant et fragile, la boucle désordonnée et rebelle, une écharpe cachemire négligemment entortillée autour de son cou. Que camouflait-il sous le gris anthracite et le blanc mélangés de ce foulard frangé ? Que cachait-il sous ce duffle-coat déboutonné en vrac sur un jeans bleu usé ? A vrai dire, ma curiosité momentanée et ma spontanéité guidait mes pas en arrière. Pourtant je n’étais plus qu'à quelques 300 mètres de la bouche de métro me ramenant à mon hôtel. Aucune explication. Deux minutes plus tard je pénétrais dans le café à l’angle de la rue saint Lazare et de la chaussée d’Antin et m’asseyais en terrasse, tout proche de mon post étudiant attardé en déprime sentimentale. Au plus près de lui, aussi négligemment qu'’inconsciemment j’écrasais le mégot mal éteint enfumant son visage torturé, lui arrachais celui qui pendait lamentablement à ses lèvres .Ah Mon Dieu ses lèvres, elle méritait bien mieux qu'une cigarette grésillant. Une morsure amoureuse me paraissait nettement plus bénéfique et apte à la guérison qu’une tige empoisonnée.
Surpris de mon audace, il levait ses yeux mouillés sur moi, sans même signifier un quelconque agacement pour mon comportement pour le moins culotté. Il n’était pas au bout de ses surprises !
D’expérience, il n’existe pas meilleur amant qu’un homme abandonné. Un homme triste et récemment largué, rompt avec son âme d’homme au profit de celle plus câline de l’enfant qu’il fut. En vrai garce amoureuse je décelais dans l’inconnu attablé, cette défaillance passagère qui m’excitait autant qu’elle m’attendrissait et la mettait à profit de ma faiblesse accidentelle.
Sans même lui demander son avis, je prenais place à sa table et commandais un cognac, pour lui, et un café pour moi.
Cul sec, étaient les premiers mots que je lui adressais .Il accueillait ma réflexion d’un regard idiot avant de me murmurer « What ? »
Un homme étranger qui pleure …j’en venais à bénir celle qui l’avait lâchement mis en touche. Sure de mes intuitions féminines, je poursuivais …
« Elle s’appelle comment ?
-Elena !
-Partie ?
-Oui !
-Où ?
-Chez elle ! »
Va falloir être moins laconique garçon, pensais-je en lui souriant !
Il avalait son cognac d’un seul trait avant de s’ébrouer comme un chien mouillé !
« Je suis dehors, plus de toit »
Et bien voilà, il fallait commencer par là !
Je sortais mon calepin et mon crayon !
« Finalement tu parles fort bien le français !
-Oui ma copine, ex-copine est française !
-Bien j’adore ton accent, il me fait craquer ! Tu comprends ?
-Oui, très bien !
-Et ?
-Rien !
-Voilà ! Je suis très entière ! Tu suis toujours ?
-Oui !
-Et ?
-Rien !
-J’ai pour vocation d’effacer les vilaines larmes des beaux regards masculins ! »
Je prenais des notes sur son comportement, sa manière de hocher sa tête à droite ou à gauche suivant l’intonation de mes propos, ses larmes évaporées depuis mon intrusion, son bleu plus bleu de son œil gauche, plus vert brillant pour le droit. Je croquais son visage plus détendu sur mon carnet, ses boucles brunes, son écharpe et son sourire qui venait enfin d’éclairer son visage.
Il me posait enfin une question !
« Vous êtes parisienne ?
-Pour quelques jours seulement !
-Ah ! Shit !
-Pourquoi ce shit ? Suis moi, tu veux bien, allons chez moi ! »
Par abus de pragmatisme, je venais de lancer une invitation qui pouvait me péter à la gueule dans l’instant !
Ou j’étais dingue, ou, tout simplement, ce type m’inspirait confiance, compassion et désir au point que j’en oubliais toute rationalité.
A ma plus grande surprise, il se levait, payait l’addition, puis sourire aux lèvres, dans un duffle-coat emmitouflé, s’adressait à moi
« On y va ? »
Incroyable ! Je me recoiffais de mon chapeau, version années folles, et le suivais.
Il avait changé subitement, l’étranger s’était fait plus étrange, plus mystérieux et à l'inverse moins introverti.
A suivre...
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