"J’aime expier mes péchés au feu de son enfer, quitte à y perdre mon âme ou pire à la damner."
Mysterieuse
ACTE I
Amoureuse câline des plaisirs de la chair, j’ai croisé, Messaline, dans le jeu d’un miroir, le regard alliciant d’un Don Juan pervers.
Amoureux qu'il est de la gente féminine, il ne sait résister à l’ris captivant d’une séduisante brune, d’une adorable rousse, éclaboussant sa vue d’un reflet émeraude.
Ce jour là, le destin, entremetteur coquin, avait jeté son sort sur mes gemmes vert jade, me condamnant sans sursis à succomber à ce galant passant à l’allure légère.
Passager clandestin aussi bien que fugace, dans ma vie libertaire jalonnée de menaces, j’aurais pu détourner de lui mon attention, rompre le charme envoûtant qu'’il tentait de semer dans le troublant reflet du miroir concupiscent d’une librairie.
De prime abord je songeais à un dragueur invétéré, habitué des lieux, multipliant ses conquêtes dans les allées étroites du rayon « Littérature érotique »
Un œil sur l’ouvrage, l’autre sur mon corsage de voile semi-opaque, il feuilletait de façon trop distraite les pages d’un recueil de nouvelles.
Je ne suis pas moi-même un parangon de vertu et au danger de l’aventure j’aime bien me frotter.
Je simulais de même une recherche d’œuvre, me saisissant ici de « Sensualités » de Martin Laliberté ou encore plus loin, « Vers les hommes » un roman de Françoise Rey, un de mes auteurs préférés en matière d’érotisme contemporain.
« J’ai reçu votre commande, me murmurait le libraire en passant près de moi, je vous l’ai déposée sur le comptoir, j’espère qu'’il vous aidera dans votre quête »
Je le remerciais et poursuivais ma recherche et mon enquête …le temps de l’échange avec le libraire, le Casanova m’avait faussé compagnie…
Pas pour très longtemps …je le retrouvais compulsant ma commande posée sur le pupitre d’accueil du magasin…Il déposait l’ouvrage dès mon approche sans pour autant s’excuser, ni s’éloigner. Au jeu du chat et de la souris il excellait, mais avait oublié de toute évidence le b.a.-ba des convenances les plus élémentaires. Il m’apparaissait à présent comme un goujat doublé d’un outrecuidant coureur de jupons. Le reflet de son regard avait perdu de sa superbe, son attitude ambivalente aurait du clore mes émotions. Mais j’adoptais inconsciemment une certaine retenue face aux apparences, nous autorisant une deuxième chance au-delà des illusions. Je décidais de lui accordais ma confiance.
Je m’apprêtais à régler mon achat ! La présence imprévue du mystérieux client m’en avait fait oublié le but de ma visite.
« J’oubliais ! Auriez –vous « Théorie du corps amoureux » de Michel Onfray
- Uniquement En Livre de Poche ?
-Cela ira, merci
-Pour une érotique solaire. »
Ainsi donc il n’était pas dépourvu de parole ,plus encore , il avait un timbre de voix à tomber à la renverse dont il devait à mon humble avis user et abuser auprès de la gent féminine . L’accroche était fatale, et je ne dérogeais pas à la règle.
« Pardon ?
-Je disais, « Théorie du corps amoureux », pour une érotique solaire !
-Ah oui, je ne sais pas …heu ! J’en ai besoin pour mes recherches ?
-Sexologue, psy ?
-Oh non, quelle idée, ni l’un ni l’autre !
-Ecrivain ?
-Non plus ! Auteur à mes heures perdues …mais… !
-Mais ?
-Dites moi, seriez-vous chargé d’une enquête ou d’une filature sur ma personne ?
-Vous sentez-vous coupable ? Un mari trompé, un amant jaloux, les deux peut être ? »
Son approche ne manquait pas de me faire éclater de rire …
« Serait-ce donc l’image que je vous renvoie, une femme volage ?
-Volage, non, mais libre, dans sa tête, dans son corps. Cela fait un moment que je vous observe !
-Merci, cela j’avais remarqué ! Mais vous m’intéressez, et que voyez-vous d’autre Grand Mage ?
-Que vous allez payer vos achats et m’accompagner pour prendre un verre, jusqu’au café du coin…et aussi que sous le fluide de votre jupe noire se cache un délicieux porte-jarretelles maintenant des bas -couture Cervin !
-Je me suis trompée, je vous prenais pour un homme sans éducation, mais vous êtes bien pire, vous êtes la réincarnation de Machiavel !
-Et donc, c’est non ?
-Et donc, c’est oui ! »
Le libraire nous saluait avec un petit sourire en coin, puis à l’intention de mon hôte, il levait une main plus amicale en lançant
« A bientôt Gaspard »
Gaspard, un prénom bien "catho", pour un homme si pointu en lingerie féminine, capable de différencier un bas d’un vulgaire collant au premier coup d’œil, pire d’en reconnaitre la marque ! Mais peu étonnant en soi, j’en aurais parié les quelques grammes de dentelles qui me servaient de culotte, qu'’il avait du goûter au pensionnat chez les frères jésuites.
Quels mystérieux traits de son caractère allait-il encore me dévoiler ?
Sacrément séduisant le Gaspard ! Un quinqua débutant, une élégante allure sous des cheveux grisonnants, poivre et sel serait plus judicieux ! Des mains de maitre orfèvre, de chirurgien, ou de musicien et ce regard étrange qui en disait si long sur sa sagacité !
« Le livre érotique » pourquoi ?
-Pardon ?
-Vous venez d’acheter le livre érotique, pourquoi ?
-Pour m’éclairer sur l’édition de la littérature érotique de nos jours. Je regrette la littérature galante de la grande époque du libertinage, tous ces romans libertins du XVIII ème siècle. Je déplore les écritures plus contemporaines, plus pornographes …J’aime l’érotisme, pour ce qu'’il a de poétique et de fantasmagorique …
-Vous venez de mettre un pied à l’étrier !
-Expliquez-vous !
-Je peux me vanter de posséder une belle bibliothèque de littérature érotique, et j’aimerais vous la faire découvrir…mais vous n’avez pas répondu à ma question ! Pourquoi ?
-Je bosse, avec et pour la fille d’une amie, sur l’évolution des mœurs. Rien d’officiel, mais le sujet m’intéresse.
-Et c’est tout ?
-Quoi encore ?
-Ne m’avez-vous pas dit que vous écriviez ?
-Oui, mais …
-Donnant, donnant, vous me montrez vos écrits et je vous ouvre ma bibliothèque ! J’ai aussi une belle collection d’affiches publicitaires sur la lingerie »
Je n’aurais jamais du accepter …
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