Etrange nouveauté dans sa vie sensuelle, elle se baigne souvent dans une mémoire factuelle qu'’elle colorie d’émotions, faisant de ses souvenirs une nouvelle projection.
Dans les rafales de vent à flanc de falaise, elle s’émerveille comme une enfant, des eaux étrangement calmes de l’entrée du port, alors que plus au loin, au large des calanques, la mer blanche d’écume se montre rugissante.
Les souvenirs affluent au rythme des bourrasques et du balancement des voiliers de plaisance venus chercher abris, dans la crique rocheuse, juste le temps d’une nuit, le temps de savourer une impression de calme au cœur de la tempête.
Elle aime quand le mistral déchire le silence des nuits de pleine lune, elle aime, car il est des nuits qu'’on ne peu oublier, qu’on ne veut oublier, des nuits de pleine lune qui se conjuguent au singulier.
14 juillet 2008 Porquerolles
Une mer écumante les avait propulsés aux abords de cette ile, la plus grande des trois îles d’or. Pas une place sur les pontons et le mistral gagnant qui portait bien son nom … deux hommes et une femme, deux amants pour une seule et même maitresse, ou plutôt un amant consenti, perverti par un mari conquis par les plaisirs du triolisme. Elle revoit la scène, ses larmes, sa colère …Le cockpit d’un bateau, est bien trop étroit pour assumer une telle ambiance sans jalousie. Qui de son époux ou de son amant était le plus jaloux, elle n’en avait plus souvenir .Une seule image revenait en leitmotiv. Elle se revoyait jeter ses bagages dans le zodiac, délier le bout qui l’amarrait au voilier et filer en trombe sans aucune explication. Qui des embruns ou de ses larmes barraient le plus son regard lointain, elle ne saurait le dire à présent que les bourrasques de vent lui rappelaient l’épisode suivant bien plus érotique. Elle avait filé sans se retourner, tentant d’occulter les hurlements de son mari, soudainement affolé par sa fuite dans la nuit, au milieu du clapot …
La lune complice de son évasion, avait ouvert une brèche lumineuse dans cette masse liquide, un chemin étincelant, un chenal brillant identique à ceux merveilleux du Mékong, lorsque l’astre de nuit se faire luminaire.
Au bout de l’embarcadère, une voix masculine l’accueillait, une voix sereine, apaisante !
« Lancez votre bout, je vous amarre »
Elle levait un regard débonnaire vers cette main tendue , avant de débrayer le petit moteur à deux temps de l’annexe et de lancer le cordage. Puis elle balançait ses bagages sur le ponton de bois, s’extirpait du Zodiac, gentiment invitée par ce bras inconnu qui l’attendait déjà…
C’est un corps bien bâti qui accueillait son corps frêle, et une gueule d’amour, de celles qu'’elle affectionne, de celles de ces hommes qui ne sont ni trop beaux, ni pas assez, juste séduisant, juste attirants parce qu’imparfaits. Elle le reconnaissait… Plus tôt dans la soirée, lorsque ses deux acolytes et elle-même cherchaient une place à quai, elle l’avait aperçu émerger d’un voilier d’une cinquantaine de pieds, et comme souvent, attirée par cette allure de plaisancier mondain, elle n’avait résisté au plaisir de le dévisager et …la dispute avait éclaté !
C’était bien luI, une petite cinquantaine, plutôt grand, légèrement vouté au niveau des épaules, des yeux clairs, gris, une barbe naissante de loup de mer, qui architecturait son visage plutôt rond, camouflait élégamment ses rides d’expérience de vie ! Ses cheveux hirsutes, malmenés par le mistral tenace, ondoyaient en mèches grisonnantes et bouclées. Cet homme était une aubaine, il lui inspirait réconfort et confiance. Il récupérait les bagages, un sac fourreau et un sac à dos et puis se retournait vers elle
« Alors on vous martyrise à bord, vous fuyez ! La vie en voilier n’est pas facile !
-Oh j’ai l’habitude, mais là ! Pensez-vous que je trouve un hôtel ?
-Un 14 juillet, ici, aucune chance ! Mais je me présente, je m’appelle Julien !
-Enchanté, Julien, Manon !
-Bien Manon, avez-vous dîné ?
-Non pas encore !
-Voulez-vous venir partager mon modeste repas ?
-Pourquoi pas ?
- Alors suivez-moi ! »
Difficile de résister, avait-elle songé en scrutant la partie la plus charnue de son hôte. Il avait un cul à tomber par terre. Elle priait une fraction de seconde pour qu'’il n’ait pas, en plus, de jolies mains de musiciens. Ces deux critères réunis pouvaient la faire chavirer à chaque instant. A peine venait-elle de quitter les bras de deux gourmands libertins que déjà elle songeait à les remplacer. Dans des moments comme celui, elle ne pouvait s’empêcher de songer à son attirance naturelle pour la gente masculine et le peu de sagesse que cela lui évoquait .Mais après tout qui pouvait l’en blâmer, surement pas son diable de mari, disciple invétéré de Candaule.
Lorsqu’ils s’éloignaient du port, elle ne pouvait réprimer une question, avant de s’apercevoir de sa stupidité.
« N’allons-nous pas au bateau ?
-Au Bateau ?
-Non j’ai cru que ?
-Que j’avais un bateau ! Oui j’en ai un, mais nous serons mieux sous les toits cette nuit, la météo marine annonce un force 8 pour cette nuit »
Elle songeait en souriant intérieurement, qu'’elle pourrait sans aucun effort faire concurrence à la tempête, mais sous les draps.
« Vous y voyez un inconvénient Manon ?
-Oh non, que des avantages !
-Vos amis ne vont pas s’inquiéter !
-Oh ! Eux, ce ne sont que des égoïstes ! »
Il lui était impossible d’avouer à Julien, que c’était son mari, qu'’elle avait abandonné sur le voilier, elle en aurait perdu toute la bienveillance de son logeur ilien d’une nuit ! Pas un seul instant, elle n’avait ressenti frôler l’imprudence en suivant un inconnu de charmes armé, sur une île complaisante !
Elle regardait au loin, un voilier tanguer sous les rafales, un Bavaria 37,aucun regret ne l’effleurait , ses émotions étaient ailleurs , vers l’inconnue d’une nuit et ses secrets .
A SUIVRE...
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