Je ne sais si j’étais plus impressionné par son initiative ou par sa nouvelle silhouette. De toute évidence, elle n’avait pas aimé ma sélection vestimentaire .Elle avait opté pour une robe, tout aussi glamour, mais plus seyante. A la sobriété séduisante de l’incontournable petite robe noire, elle avait préféré le vintage plus excentrique d’une robe rockabilly, largement serrée à la taille. Le bustier baleiné, le large jupon ondulant avait transformé ma gourmande en véritable pin up des années 50, prête à aller swinguer dans une boite de jazz. Cette surprenante métamorphose n’était pas pour me déplaire .Je resongeais à Mathilde, ce que je ne manquais pas de faire remarquer à Do, alias Diane.
« Comme Mathilde, tu as le goût du déguisement ! »
Elle me reprochait immédiatement ma maladresse quant à mon choix du mot déguisement, inapproprié en de telles circonstances. J’avais oublié sous le charme de la pin up, qu'’elle était aussi auteur et accordait par conséquent beaucoup d’importance aux choix des mots.
« Déguisement ! Ton manque de tact est vexant ! Tu me trouves déguisée ?
-Je me suis mal exprimé. Je me rappelle du passage de ton manuscrit où Mathilde avait revêtu le rôle de Tara King
-Quelle mémoire !
-J’ai adoré ce passage, il ressemble tant à l’instant …Attends ! »
Je récupérais le manuscrit et entamait la lecture de l’extrait. Elle s’asseyait confortablement, un verre de Chablis à la main …
« Choisis, Benjamin, choisis ma tenue »
De nombreux cintres alignés méthodiquement, des tenues plus glamours les unes que les autres, des escarpins, des cuissardes à hauts talons, accessoires en tout genre allant du chapeau en passant par des boas ou encore des perruques et même des loups...
« Mathilde, mais qu’est ce que c’est que tout çà. Où sont tes robes ? Je veux dire celles que tu portes, enfin tu vois celles de Mademoiselle Mathilde, la prof de violoncelle.
-Mademoiselle Mathilde n’existe pas, elle est juste un rôle de composition ...Mademoiselle Mathilde a disparu en l’espace d’une nuit, le rideau est tombé, fin du premier acte.
-C’est encore mieux que je ne l’imaginais, mais je me sens comme un con quand je pense aux bas que je t’ai offerts, tu dois en avoir à revendre.
-Dis- toi seulement que tu es plus perspicace que les hommes qui m’entourent, tu as su me faire sortir de ma tanière et ne serait-ce que pour cela, je ferai tout pour que tu le regrettes jamais. Fais moi plaisir, choisis ma tenue »
Etrangement il avait choisi une tenue un peu particulière, exempte de glamour .Il avait misé sur l’excentricité de l’association vestimentaire.
Son premier regard avait été attiré par une jupe courte, entièrement recousu de pastilles noires, une de ces jupes des années soixante, cette période particulière où Courrège, démocratisant la jupe, avait fait de la mini-jupe l’élément phare de ses collections.
Benjamin nostalgique et grand amateur de la célèbre série anglaise « Chapon melon et bottes de cuir », avait opté pour cette pièce insolite qu’il avait assorti à un col roulé marron et moulant, une paire de bas opaque et des cuissardes en daim noir. Il avait omis la lingerie ...un oubli imposé par sa lubricité sous-jacente et aussi, dans l’attente d’une réaction de Mathilde.
Mais, cette absence de dentelle ne l’avait en rien intriguée, du moins n’en avait-elle pas fait démonstration.
« Tiens Mathilde, voilà j’ai fait mon choix
-Ma parole Benjamin, tu veux me faire ressembler à Tara King...
-Tu ne crois pas si bien dire. Je garde un souvenir mémorable de son passage dans la série, saison six.
-Tu es incroyable...
-Non, tout simplement fan.
-Alors ok, j’endosse le rôle, n’en déplaise à mes détracteurs. Mais si tu joues au jeu des personnages, tu risques de t’y perdre avec moi
-Je suis prêt à relever le défit. Ajoute donc ça à ta tenue »
Il lui avait tendu une perruque brune parfaitement en accord avec la décennie de la tenue vestimentaire.
« Ils ne vont me reconnaître à l’académie...elle en avait souri
-Si cela te dérange, oublie...
-Pas le moins du monde, je suis aussi excitée qu’une jeune adolescente.
-Fais gaffe, si tu continues je vais devenir ton aîné...
- Ce serait trop drôle ! »
Elle était réapparue quelques instants plus tard, totalement méconnaissable et tellement séduisante hautement perchée sur ses talons, sa coupe mi- courte et ses yeux de biche que Benjamin avait assorti la brillance de son regard d’une insoupçonnable tension sous le coton de des caleçons.
« Tu me fais bander, Mathilde !
-Je vois, mais bon nous verrons cela plus tard, veux-tu, allons y, Dear Mister Steed»
Elle avait peaufiné sa tenue des années sixties d’un manteau vintage et d’une touche de son parfum avant que de sortir fière et rajeunie au bras de son jeune chaperon non peu moins fier qu’elle, compte tenu des regards inquisiteurs masculins des passants anonymes sur leur sillage.
La tenue de Mathilde, pour le moins inappropriée tant due à l’heure matinale, qu’à la saison avait intrigué plus d’un usager dans le métro, mais la légèreté de la situation lui avait ôté tout scrupule .Tout simplement elle se sentait bien et le jugement d’autrui ne l’avait même pas effleuré.
« J’ai l’impression d’être avec une autre femme, et pourtant à cet instant précis c’est de toi dont j’ai envi, la Mathilde qui m’a intrigué et séduit »
Elle m’arrêtait net dans ma lecture !
« En parlant de Métro, que dirais-tu si nous allions au Green Hill en métro ? On prend le Chicago L à Monroe jusqu’à Lawrence. Ligne rouge, c’est direct. Elle fonctionne en permanence, c’est génial non ?
- Une vraie Chicagoanne !Je crains que comme Mathilde, tu n’attires les regards
-Comme Mathilde, je m’en fous, et comme Mathilde je ne porte pas de petite culotte ! Seras-tu aussi audacieux que Benjamin ?
Devant mon étonnement, elle me subtilisait le manuscrit et poursuivait la lecture …
« Je parie que si je glissais mes doigts entre tes lèvres, ils seraient inondés de ton désir, je me trompe
-J’aime l’idée que tu puisses me caresser quand bon te semble, que tu puisses abuser de mon hospitalité intime...
-Arrête, ne bouge plus, où je vais me faire arrêter pour attentat à la pudeur »
Discrètement elle avait glissé sa main libre, sur le ventre de Benjamin, puis nettement plus bas qu’en dessous de la ceinture.
« Humm...j’adore cette protubérance ...j’aime te faire bander ! Ah c’est là...concentre toi, il va falloir sortir le plus discrètement possible du Wagon »
« Bien, ça suffit la lecture à présent …On les mange ces sushis, je crève de faim me lançait-elle en me conviant du regard à rapprocher la desserte. Ah au fait, mon déguisement vient de chez Cheap Jacks Vintage, un des plus grands magasins de vintage de New York »
Elle avait la rancœur tenace .Elle ne m’avait pas pardonné ma maladresse, et se jetait sur les sushis qu'’elle dégustait avec intempérance ce qui n’était pas sans me rappeler sa gourmandise charnelle dont nous n’étions, je le souhaitais, qu’à l’apéritif.
A Suivre ...
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