Chacun à leur manière, sans même se consulter, ils avaient organisé leur rencontre.
D. toujours femme audacieuse, friande de lingeries, fétichiste de talons aiguilles, avait consciencieusement fait ses bagages. Avec infiniment d’attention, elle avait harmonisé ses toilettes à venir, oubliant de façon définitive les pantalons, cette tenue si confortable, soit disant, adoptée de façon anarchique et totalement masculine dans les années seventies. Sa liberté d’être femme était ailleurs, dans sa capacité de pouvoir s’exprimer en tant que telle, dans ce qu’elle peut avoir de plus sensuel en opposition avec la virilité conceptuelle. Il n’était pas rare que D. se laisse emporter par l’extravagance de ses tenues, mais ne connaissant JM. qu’au travers de leur correspondance, elle y avait préféré un classicisme élégant mais non moins glamour. Son impertinence se dissimulait derrière des jupes moulantes ou bien encore des corsages affriolants, non dans la provocation, mais plutôt dans la suggestion, une harmonisation particulière entre le haut et le bas de la tenue. A la matière des tissus souvent diaphanes et dilués d’un corsage, elle associait le classicisme dépouillé d’une jupe noire, certes adaptée à la rondeur de ses formes, mais toujours sans une once de vulgarité. A un décolleté vertigineux elle préférait la fluidité d’un voile laissant deviner par transparence une lingerie raffinée et la naissance de sa poitrine. Les robes, elle les réservait aux soirées, favorisant les matières nobles comme le satin ou bien la soie, qui par le jeu de la mouvance renvoyaient des reflets lumineux dans l’ambiance tamisée d’une soirée intimiste.
Sa véritable impudeur était à découvrir sous ses tenues conventionnelles, pour peu que quelque admirateur ait su traduire les codes de son allure féminisée.
Point trop n’en faut, sa sélection, avait été rigoureuse, méthodique .Elle avait procédé par élimination, sacrifiant une après midi entière aux essayages. Si JM. était un homme de goût, comme elle le pressentait, il ne pourrait qu’apprécier la femme qu’elle lui destinait.
Au milieu de ses vêtements savamment choisis, elle n’avait omis de glisser son cher sachet de satin renfermant quelques objets érotiques du plus raffiné au plus impudique, son « sac à trésors » comme elle aimait à l’appeler .Pèle mêle, à la manière de l’inventaire à la Prévert, elle avait glissé ses préférés en les citant à voix haute :
Un lacet de satin noir, des menottes en satin et dentelles, des bijoux de corps, un bandeau de dentelle, un rosebud Swarosky, un collier de chien en strass, un vibromasseur de sac, discret mais si efficace, un délicieux fouet à lanières souples, sans oublier les boules de Geisha et du baume à massage.
Puisque la tendance était à l’accessoire érotique, pourquoi se priver des jeux auxquels ils étaient destinés… Songeant à la surprise que pourrait occasionner la découverte de ses secrets par JM., elle avait souri. Anticiper à ce point la mesure de leur rencontre laissait entrevoir qu’elle avait rapidement omis l’apéritif et le diner aux chandelles … ! La prédominance de ses écritures dans sa vie quotidienne l’avait-elle à ce point imprégnée, qu’elle était prête à vivre ce qu’elle écrivait. Rien n’était moins sur, et pourtant, elle s’y était préparée avec délectation.
De son côté JM, malmené par ses journées professionnelles, des journées trop courtes pour tout boucler, n’avait guère eu le temps d’accorder autant d’importance à la rencontre. Cependant songeant à elle, à l’audacieuse qu’elle laissait deviner au travers de ses écrits et de ses mails, il s’était accordé des instants pour griffonner des scenarios, les envies que lui inspirait D., sur des bouts de papiers. Tout comme D. souriant de son « sac à trésors », JM. avait touvé terriblement amusant et séduisant d’écrire des scènes érotiques torrides dans des cénacles où l’on était à cent lieux de ces préoccupations. Trop bousculé par son emploi du temps, de trains en avions, de séminaire en colloques et réunions, il n’avait eu, ne serait ce qu’un instant, le temps de lui faire parvenir ses fantasmes, pas plus que de lui donner signe de vie.
Troublée par son soudain silence, D. avait fini par lui écrire pour s’inquiéter du mystère de son absence derrière l’écran. Cet état de fait n’avait paradoxalement pas entamé son désir de lui, bien au contraire, il l’avait exacerbé, jusqu’à lui meurtrir le ventre de tant de privation.
Une réponse était tombée quelques jours avant leur rencontre.
« Bonjour chère D.
Ne vous inquiétez pas
Juste que mes journées professionnelles sont très longues et très agitées...
Je ne pense qu’à vous, je vous désire actrice de mes envies
Je vous pressens actrice dans votre plaisir, le lien est si évident, si naturel
Nous sommes de la même glaise, dans les mots nous voguons, dans le plaisir nous nous vautrons, dans les deux nous nous grandissons
C’est un chemin sérieux, il n’est pas question de comédie
Nous nous entrainons, nous nous provoquons, nous nous désirons
Derrière mes paupières closes, il n’y a que vous
Votre corps que je savoure par morceau, Puzzle qui se construit, Envies qui grandissent, jusqu’à l’insupportable créant le mal de ventre, le sexe bandé, qu’il faut que je libère d’une main énergique, pour m’étaler … sur votre corps, seul réceptacle digne du désir que vous me donniez à chacun de vos messages
Des baisers chère D
JM."
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