Toute ressemblance avec des personnes ayant existées ou existantes ne sont pas forcément fortuites...
Noël était passé sans encombre, un Noël en famille, comme chaque année, une soirée qui avait perdu de sa magie depuis que les enfants étaient devenus des adultes. Devant la cheminée de la grande maison familiale, les chaussons s’étaient agrandis au fur et à mesure du temps, pour un jour disparaitre, suivis rapidement par la disparition du sapin.
Peu ou pas de signes évocateurs accueillaient à présent Marianne à chacune de ses visites annuelles, si ce n’est une effervescence inhabituelle dans la grande demeure où ses parents vieillissaient paisiblement.
L’ambiance cette année avait été encore moins festive, la santé de son père se dégradant de jour en jour. Marianne avait consacré toute son attention à ses parents vieillissants, en songeant qu’ils étaient l’illustration vivante des « Vieux » de Jacques Brel que son père aimait tant. Elle les avait enrobés de douceur, de tendresse, avait tenté de les faire rire .Elle les avait préservés des tenues coquettes qu’elle arborait d’habitude fièrement, évitant les réprimandes maternelles sur son excentricité et les compliments paternels pour l’audace de ses extravagances.
Ce noël était passé, puis elle avait quitté la maison dès le lendemain, prétextant un rendez-vous professionnel très important. Lorsque sa mère l’avait embrassée, de la tristesse dans le regard elle lui avait tendu une enveloppe, que Marianne avait glissée, intacte, dans son sac, puis elle avait fui.
Elle les avait abandonnés lâchement, confiant leur protection avec sagesse à son frère vivant toujours sur la région.
Des larmes bouleversantes, elle qui avait tant de mal à traduire ses émotions, une rivière de larmes avait embourbé ses yeux, au point qu’elle avait du faire une halte sur le bord de la route, incapable d’assumer la conduite de son véhicule sans se mettre en danger.
Quatre heures de route minimum l’attendaient dans la solitude de l’habitacle, avec pour seul compagnon de voyage, la musique en fond sonore.
Le temps était magnifique, elle décidait de prendre la route du bord de mer avant de rejoindre l’autoroute.
Voilà plus de quinze ans qu’elle s’était expatriée de son Roussillon natal et avait issu domicile sur la Côte d’Azur, dans un petit village, petit par la taille mais grand par son nom, Saint Paul de Vence. Elle s’y était fait son nid, mais pour autant, à chacun de ses retours sur sa région d’origine, elle s’émerveillait de la beauté des paysages.
Aux abords de Leucate, elle bifurquait, la tramontane soufflait en violentes rafales, l’air était pur et l’azur du ciel renversant de clarté.
Un spectacle panoramique s’offrait à elle, grandiose. Où qu’elle regarde tout n’était que merveille naturelle
Au loin la falaise du Cap Leucate se dessinait, arrogante, sur le bleu de la méditerranée, plus près l’étang où dormaient ici où là quelques barques de pêcheurs violemment malmenées par la Tramontane rageuse. Au loin, le Canigou émergeait, ses cimes d’un manteau blanc revêtues, semblable au Fuji-Yama, au printemps, quand il baigne dans l’océan des pétales roses des fleurs de pêchers.
Nombre de souvenirs revenaient en désordre dans son âme d’enfant devenue adulte par la force du temps. Le temps, elle en avait devant à elle à perdre, après tout elle n’était attendue qu’en fin de soirée, dans les environs de Marseille, à Aubagne plus exactement, pour y passer les quelques jours qui restaient jusqu’à la nouvelle année. Par principe elle exécrait, cette fête conventionnelle qu’est la nuit de la Saint Sylvestre, mais s’était laissé convaincre d’aborder la nouvelle décennie des années 2000 en compagnie d’une poignée d’amis, les même d’ailleurs que dix ans auparavant, bien que la plupart des couples ait subi un remaniement.
Elle-même n’était plus accompagnée, mais elle préférait la solitude à un mauvais compagnon.
Les années passent, mais les amis restent fidèles, il n’y a guère que les amants qui soient fugaces, et les amants ces derniers temps , ne faisaient qu’augmenter le nombre des espèces en voie de disparition, avait-elle songé en se garant sur le parking du centre ostréicole de Leucate. Parmi ses anciens amants, subsistaient quelques amis, mais les hommes ont tendance à fuir les amitiés un peu particulières, alors que les femmes les cultivent, adeptes qu’elles sont de complicité.
Elle avait tout à coup plus aucune envie de rallier le la garrigue de Marcel Pagnol. Marianne, anti conformiste par excellence, s’était un peu trop vite résignée à accepter une invitation qui ne lui convenait pas.
Elle s’était attablée à une petite table sans prétention dans un style salon de jardin ordinaire et avait commandé une douzaine d’huitres accompagnées d’un verre de vin blanc.
Le soleil pour complice de cette escapade impromptue, elle s’était doucement laissée réchauffer par les faibles mais rédempteurs rayons hivernaux.
Eblouie de lumière, elle plongeait sa main dans le fond de son sac à la recherche de ses lunettes solaires. Un véritable bordel que l’univers d’un sac féminin, mais celui de Marianne peut, sans complexe, être argumenté du qualificatif de joyeux. Donc dans ce joyeux bordel, elle retrouvait l’enveloppe de sa mère et, intriguée, elle la décachetait.
« Ma chère petite Marianne,
Voilà bientôt deux ans que nous ne sommes plus allés dans la maison de ta chère grand-mère. Te sachant très attachée à Manou, je te confie les clés de sa maison en espérant que tu prendras le temps de t’y arrêter, voir y séjourner quelques jours pour redonner une âme à cette résidence qui fut le berceau de moments heureux…
Tu trouveras dans l’enveloppe la gourmette en or que ta grand-mère porta jusqu’à sa dernière heure, je sais que tu la porteras avec élégance et respect…
Je t’embrasse
Maman »
Une faveur que lui faisait sa mère, une raison supplémentaire et définitive de ne pas honorer le rendez-vous fixé à Aubagne. Elle n’avait que peu de souvenirs de la maison de sa grand-mère, mais elle était prête à parier qu’une fois dans la demeure, sa mémoire ne lui ferait plus défaut.
Loin d’être isolée dans ce centre ostréicole des corbières maritimes, entourée d’une armée de visiteurs de la Catalogne du sud facilement reconnaissables à leur fort accent catalan inextricable pour Marianne, elle avait trainé longuement à la terrasse avant de reprendre la route en direction du Minervois, en plein cœur du pays cathare.
Lorsqu’elle abordait l’entrée du village, la nuit était déjà tombée lui interdisant toute reconnaissance des lieux. Mais, presque instinctivement, elle suivait un itinéraire intuitif qui la conduisait directement jusqu’à la maison de son aïeule où, enfant, elle avait si souvent résidé durant les vacances scolaires.
Voilà un réveillon qui ne ressemblerait à aucun autre vécu précédemment…
Avec un pincement au cœur, elle glissait la clef dans la serrure de la lourde porte d’entrée qui s’ouvrait sur son passé. Une odeur facilement identifiable l’accueillait, les parfums de son enfance.
A ce moment particulier, un seul être lui manquait, celui qui peuplait sa vie par ses silences, mais avec qui elle aurait tant aimé partager ces instants insolites, son cérébral amant de l’ombre…l’éternel absent pourtant si présent où qu’elle aille.
Voilà un texte bien émouvant et qu'il est doux de lire.
Une grande impression de respect s'en dégage.
Merci de nous accorder ces quelques lignes issues de tes pensées intimes.
Rédigé par : Libertin_123 | 06 janvier 2010 à 16:21
A L: c'est peut être cela qu'on appelle une âme d'enfant, en chacun de nous elle réside en de brefs instants...
Rédigé par : Mystérieuse | 08 janvier 2010 à 11:52