A croire que ce type avait un don. Je détaillai sa silhouette, un peu à la manière d’un étudiant des beaux arts qui tente de délimiter dans l’espace, les premiers contours de sa future œuvre. Mais pas que… Un je ne sais quoi de plus dérangeant avait volontairement teinté mon regard dans la poursuite de mon estimation. Ces quelques minutes de reconnaissance auraient pu paraître interminables à n’importe quel homme aussi impudiquement scruté par une femme. N’importe lequel, mais pas lui. J’envisageai sa stature, sa carrure, sa taille, le bombé de son cul musclé, jusqu’à son entre- jambe, n’avait plus de secret pour moi. À vrai dire, j’ai cette sale habitude, bien malgré moi, lorsque je rencontre un homme séduisant, de laisser trainer une œillade coquine juste en dessous de sa ceinture.
Par ailleurs, je fais toujours preuve de délicatesse et de discrétion dans ce genre de situation, mais plus audacieux que les autres, il avait fait en sorte que nos regards se croisent au moment crucial. L’inattendu de la collision optique m’avait arraché un sourire encanaillé auquel il me répondait par un soupçon d’amusement au bord de ses paupières. Tout ceci n’avait duré que quelques fractions de secondes, secondes épicées d’une complicité qu’il me renvoyait en plein visage comme une éclaboussure, sans un mot prononcé.
Un ange diabolique avait suspendu le temps, la durée de notre confrontation érotique.
– Je ne pensais jamais vous revoir. Nous avions prononcé la même phrase en même temps.
Il avait réglé mon café, s’était dirigé vers la sortie, je l’avais suivi. Son assurance m’avait désorientée et sa nouvelle tenue troublée.
Sous une veste fluide en daim fauve, il arborait avec panache un petit polo moulant au logo d’une grande ligne de vêtement sportif et un jeans noir, basique mais infaillible pour la femme que je suis.
– Et maintenant où allons-nous, me demandait-il avec innocence mais un regard insoutenable.
– Chez toi, qu’en penses-tu ?
Que m’avait-il pris de le tutoyer ainsi, de le circonscrire ainsi. Sur l’instant, je ne me posai pas la question, après tout n’était-il pas revenu vers moi ?…
Mais je songeai soudain que je ne connaissais même pas son prénom pour avoir négligé la carte de visite qu’il m’avait donné plus tôt.
À bien y songer à présent, j’allai où mes envies me portaient et mes envies, si audacieuses soient-elles, me poussaient à le suivre. Mes mains brûlaient déjà d’un désir illicite de se glisser sur son torse troublant, réclamaient d’être emprisonnées sous le tissu de coton noir.
Je détaillai alors son visage dont seule la bouche m’avait intriguée auparavant… Ce mec, je veux dire « ce bel inconnu » dont la virilité transpirait de chacun de ses pores, cette gueule harmonieusement dessinée malgré la pose géométrique de ses traits anguleux, m’inspirait désir et mystère. Le désir était entier, le mystère restait à élucider.
Je fouillai le fond de ma poche, en tirai la carte de visite, m’inquiétai précipitamment de son prénom et renouvelai ma question.
– Jørgen, je te disais donc, chez toi, à moins que…
Il ne répondit pas, mais interrompit brusquement sa marche et se retourna, un large sourire aux lèvres.
– Jørgen, répéta-t-il avec éblouissement, dans un accent certes plus prononcé que le mien. J'aime « Jørgen » dans votre bouche !
Il ne croyait pas si bien dire. Oh oui je le voulais dans ma bouche ! Et pas plus tard que tout de suite ! Oh ce sourire ! Ce trop large sourire qui venait de me harponner par surprise au beau milieu du trottoir ! Il avait sorti sans prévenir l'arme fatale, celle qu'il aurait dû garder sagement en réserve, pour les grands soirs de doute ou de suspicion.
Je m'approchai soudain de lui et le tirai en arrière, accroché à ce sourire, pour disparaitre derrière une porte cochère qui se refermait lentement, derrière un locataire qui avait depuis longtemps quitté les lieux.
Je l'avais plaqué contre le mur de pierre de taille quand la porte finit sa course, nous abandonnant dans une obscurité incertaine. Ma bouche mangeait déjà la sienne. Et ma main, glissée entre ses cuisses, frottait du plat de sa paume crispée, insistante, la bosse de son sexe qui ne mit pas longtemps à se roidir dans son jean.
Il avait décidé de se laisser faire, les mains appuyées en arrière contre le mur, comme s'il avait deviné très exactement ce que j'attendais de cette situation. Oui, je le voulais dans ma bouche, sans résistance, sans caresses dévoreuses de temps. Jørgen ! Jørgen ! Jørgen ! criai-je dans ma tête.
Je fis sauter les quatre boutons de son jean — il avait eu le bon goût de ne pas enfiler de ceinture —, plongeai aussitôt la main à l'intérieur de son slip et libérait sans attendre son sexe dur de sa cage de tissu.
Ma langue libéra la sienne, et je glissai le long de son torse, rapidement, la main masturbant déjà comme par réflexe l'objet de mon désir. Il gardait les mains appuyées derrière lui contre les pierres, et cela me rendait folle de puissance. Quand je fus à genoux, je le mis enfin dans ma bouche, profondément. Jørgen ! Jørgen ! Jørgen ! C'était tellement bon d'avoir ce Jørgen dans ma bouche ! Les veines de son pénis étaient gonflées, je les sentais vibrer sous ma langue. Et je m'accrochai, d'une main sûre, à ce sexe brandi, et je le fis coulisser trop vite, ce gland humide, que ma langue, que mes joues, que mes lèvres, découvraient avec une gourmandise insatiable.
Il commençait à gémir. Je voyais juste là ses mains écartées contre la pierre, qui n'en pouvaient peut-être plus d'attendre, qui bougeaient maintenant, qui se sentaient prêtes à décoller certainement, à se plonger avec fébrilité dans ma chevelure folle, à la tirer — comme un homme — pour imprimer à mon visage son rythme souverain ; mais je les sentais lutter, lutter contre cette envie, la retarder, la repousser, pour moi, pour me laisser une minute encore maitresse indétrônable de cette incartade. Et cela m'excitait au plus haut point.
Plus il me laissait maitresse, et plus grandissait en moi l'envie de m'offrir à lui sans aucune retenue. Je mouillai déjà tellement !
La tiède moiteur s’échappant de mon sexe en une source érotique envahissait mon esprit, dynamisait mon caprice de le voir et le sentir jouir entre mes lèvres. Imperceptiblement j’accélérai le rythme de ma gourmandise imprimant sur sa queue de longs va et vient entre mes lèvres humides d’un mélange savant de salive et d’un miellat impudique, véritable aphrodisiaque de mes envies de l’instant.
Mon regard planté dans le sien, je recherchai le moment où la jouissance de Jørgen enroberait d’une douceur décadente la clarté de ses iris glacés. Maîtresse de son plaisir et sensuelle philanthrope, j’emprisonnai sa raideur au fin fond de ma gorge pour en extraire le précieux nectar séminal. Je n’avais plus d’yeux que pour sa bouche, cette arme fatale avec laquelle il m’avait harponnée. Entrouverte, grimaçante, laissant échapper des gémissements soutenus, d’une façon déconcertante, elle exprimait la jouissance de Jørgen à l’instant très précis où je récoltais au fond de ma gorge le premier jet de son plaisir.
Incapable de contrôle, je le libérai du fourreau moite où je l’avais piégé pour exprimer la béatitude de l’orgasme qu’en moi il avait propagé en m’offrant sa semence. J’en accueillai le jaillissement suivant sur mon torse largement dénudé dans l’urgence. Dans la complicité de l'orgasme, nos plaintes sans retenue s’emmêlaient au même rythme que nos souffles haletants, avant de s’affaiblir puis de disparaître.
Ne subsistaient plus de notre folle attirance que son sexe débandé, ma poitrine maculée d’un liquide blanchâtre, son sourire béat et la lubricité de mon impudique regard malmené par l’illicite de la situation.
Je me relevai lentement, cherchai dans le fond de mon sac de quoi effacer les traces de nos débordements. Puis en silence, je m’appliquai à essuyer le fruit de sa jouissance largement étalé sur mes seins sous son regard encore empreint d’un panachage incertain de surprise et d’émerveillement.
Je songeai soudain qu’il ne connaissait même pas mon prénom, et je le balbutiai à peine, honteuse de mon manque de courtoisie. « Je m’appelle Sylvana », tout en lui tendant bêtement la main et en ponctuant ma présentation d’un « enchanté Jørgen ».
Mon comportement le fit éclater de rire, sa bouche, qui une minute auparavant se tordait de plaisir donnait maintenant la réplique à ma niaiserie passagère. J’étais prête à m’enfuir comme une voleuse, honteuse de mes agissements, mais il arrêtait net ma dérobade en m’attirant à lui, prolongeant son sourire d’un baiser si vorace qu’il réduisait à néant ma fugace confusion.
Lorsqu’il relâchait la complicité de nos langues mélangées, il me murmurait à l’oreille « ce fut un délice ». Puis il poursuivait.
– À vrai dire, je suis photographe de mode, j’aime l’art de la photographie, et lorsque je t’ai vue dans ce musée, je t’ai imaginée sur papier glacé dans des poses lascives. Je voulais juste te proposer de poser pour moi.
– Je suis désolée !
– Désolée ? Pourquoi désolée ? Cela ne te tente pas ?
– Si, bien sûr, mais…
– Mon atelier est tout près d’ici !
Que devait-il penser de moi, à présent ? J'étais confuse.
– Ne sois pas confuse, j’adore les imprévus, et tu es un délicieux imprévu !
– Jørgen !
– Oui ! Décidément j’adore la manière dont tu prononces mon prénom…
– Jørgen, ne crois pas que…
– Que tu es une délicieuse petite garce ?
Et il éclata de rire en me prenant par la taille, entrouvrit la lourde porte cochère, m’invitant à rejoindre les bruits de la ville.
Son atelier n'était pas un loft immense, coiffé de baies vitrées, rutilant et puant le fric, non. C'était une petite chose mansardée, riche d'un fouillis inqualifiable, dont la chaleur visuelle devait certainement beaucoup à ces couvertures épaisses et ces tapis aux poils longs qui se dispersaient sans honte sur toutes les surfaces de l'endroit.
À peine un petit espace, au centre de la pièce principale, laissait entrevoir la profession du locataire : des projecteurs, un réflecteur en forme de parapluie et un pied sur lequel veillait un appareil photo numérique. Devant celui-ci, quelques cubes recouverts d'une peau épaisse qui semblait se souvenir encore de la forme du dernier mannequin.
Immédiatement après avoir franchi le seuil de l'appartement, je me sentis envahie d'une douce volupté. La chaleur sans doute. Et puis toutes ces peaux, tous ces poils. Ma veste avait disparu de mes épaules, comme par magie.
– Si tu veux te rafraichir, la salle de bain se trouve là.
Délicate intention. Et qui se présentait bien : un peu de sperme resté sur ma poitrine avait séché et tirait assez douloureusement sur la peau fine de mes seins.
– Votre français est incroyable !
– Merci, répondit-il avec modestie.
Dans la salle de bain, je me passai avec délectation un gant de toilette chaud et humide sur les tétons, pointés fièrement vers le miroir où je m'admirai. Narcissique, moi ?… Je devais certainement l'être un peu. J'aurais eu en tout cas l'envie de me faire jouir, là, devant ce haut miroir qui mangeait mon image des pieds à la tête, en me regardant, tout autant maitresse qu'esclave. Mon œil maitresse commandant mes mains esclaves. Me regardant avec lucidité m'abandonner à un plaisir indicible.
Mais déjà Jørgen me demandait si rien ne me manquait. Bien sûr que quelque chose me manquait, et pour lui faire savoir, je restai silencieuse…
Je souris à mon reflet en l'entendant insister, et restai aussi muette qu'espiègle, la chemise de soie largement ouverte. Je fis même jouer avec malice les boutons de ma jupe et la laissai glisser sur mes chevilles, en feignant l'étonnement candide. Ma petite culotte la suivit rapidement.
Jørgen finit par toquer à la porte de la salle de bain.
– Tout va bien ?
Sans réponse, il se permit de pousser la porte, inquiet.
– Tu es sûre que tout va bien ?
J'étais presque nue devant le miroir, plantée sur mes talons, les jambes légèrement écartées, les mains tenant mes seins relevés sous la serviette de toilette, dans une position un peu sauvage mais étudiée, que mon instinct jugeait propice à déclencher le désir de l'homme le plus réticent.
Nos regards se croisèrent dans le reflet, puis je vis le sien descendre le long de mon dos, jusqu'à mes fesses, dénudées, à peine entrouvertes, suffisamment en tout cas pour qu'il puisse se délecter de la vision de ma vulve déjà gonflée. Ce regard m'électrisait.
– Ce serait un plaisir immense pour moi de te prendre, lâcha-t-il.
Qu'attendait-il donc alors ?
– Je veux dire… de vous prendre en photo bien sûr.
Bien sûr… Mais je n'étais pas disposée, dans l'état où je me trouvais là, à faire autre chose que ce que mes envies me commandaient à grands cris au fond du ventre. Pas prête non plus à lui laisser la moindre chance de s'en sortir…
A suivre…
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