Comme je vous l'avais annoncé hier, un diversification dans mes catégories...
Aujourd'hui la première partie d'une nouvelle écrite à quatre mains, un mélange masculin-féminin, ou inversement, une sorte de cadavre exquis...
Vous n'aurez la suite que dans un petit mois , mais en attendant je vous laisse découvrir le début de l'histoire.En espérant que ce petit exercice littéraire auquel je me livre avec plaisir et beaucoup d'amusement avec mon co -auteur vous séduira.
Mai 2005, par une belle après midi de printemps.
Les marronniers arboraient leurs parures florales printanières en des touches colorées rouges et roses, les parcs de la capitale regorgeaient déjà de parterres odorants et éclatants.
Après m’être longuement promenée sur les berges du quai Bourbon, recherchant la douceur des premiers rayons de soleil sur l’encore pâleur de mon visage, blafard reflet d’un hiver trop long et trop pluvieux, je rejoignais la rue de grenelle.
Fascinée par la peinture autrichienne, et particulièrement Gustav Klimt, j’étais toujours à la recherche d’une exposition consacrée au peintre. Cette soudaine passion était intervenue après que j’ai reçu en cadeau un merveilleux bouquin d’art : « L’apocalypse Joyeuse » édité à l’occasion de l’exposition « Vienne 1880-1938 » que le Centre Pompidou avait accueillie en 1986.
Le musée Maillol exposait en ce printemps cent vingt dessins érotiques de l’artiste. La conjugaison de l’art et de l’érotisme avait donc attiré mes pas vers cette exposition temporaire. La nudité artistique m’ayant toujours envoûtée, je m’étais moi-même essayée artistiquement dans cette catégorie, couchant sur le papier, au fusain, des courbes féminines, nues ou semi nues, souvent empreintes de désir, voluptueuses et caressantes. Cela m’avait amusé à une certaine période de ma vie, mais par manque de place et de temps, j’avais abandonné progressivement mes esquisses pour les oublier définitivement au fond d’un vieux carton à dessin.
Il était aux alentours de seize heures lorsque je pénétrais dans les locaux très peu fréquentés en cette aussi délicieuse journée. Une aubaine avait- je songé, je n’aime pas les musées ou autres galeries bondées de visiteurs plus ou moins disciplinés, j’allais pouvoir prendre le temps de la découverte dans les moindres détails.
J’entamais la visite avec la foi d’une véritable esthète, ou comme une experte en dessins érotiques. Je m’attardai un instant devant le « Nu recroquevillé », l’une des plus célèbres esquisses de l’artiste, puis poursuivant mon parcours initiatique, je m’extasiai sur un dessin en particulier. Il datait de 1906 et représentait, avec beaucoup de réalisme, une femme à demi-nue, la jambe droite relevée, en train de se caresser, ou peut être déjà en pleine jouissance solitaire, le reflet d’une femme dans sa totale disponibilité sexuelle.
C’est alors que je fus interpellée par la voix d’un homme aux résonances gutturales, mais auxquelles je n’aurais pu attribuer un pays scandinave en particulier.
Je me retournai, et étrangement guidée par le son de sa voix, je posai mon regard uniquement sur la partie inférieure de son visage, et plus particulièrement sa bouche, une bouche attirante, à embrasser dans cette atmosphère érotique dominée par la sensualité et la volupté des « Papiers érotiques » de Klimt.
Tout aussi étrangement, ça n'était pas à moi que l'homme s'adressait. Pourquoi l'aurait-il fait d'ailleurs ? Je n'avais aucune connaissance dans ce quartier, et je n'attendais personne. Pourtant, c'était bien moi qu'il fixait et non cette demi-blonde, trop jeune pour être sa fille et pas assez vieille pour être sa femme, à qui devait s'adresser ce qui ressemblait à une invective.
Alors que l'autre femme s'avançait vers lui, je vis son regard quitter mon visage pour glisser, lentement, trop lentement, le long de ma silhouette. Avait-il admiré avec autant de soin, de plaisir peut-être, les esquisses exposées autour de lui ? La question me traversa l'esprit, sans que j'en comprenne la raison. Une chose était sûre pourtant : l'intensité de ce regard insuffla en moi le sentiment flatteur et troublant que de l'exposition il découvrait le meilleur.
J'aurais dû me retourner, signifier ma gêne, ou mon dédain, quelque chose enfin, mais je restai là, figée telle ces esquisses sous verre, flattée même de pouvoir, dans le regard profond et vrai de cet homme, être comparée à l'une d'elle. Et l'envie folle me prit — interdite aussitôt tant elle était ridicule — de suggérer moi aussi la posture lascive d'un de ces croquis qui m'avaient envoûtés.
Je restai malgré moi sous l'emprise magnétique de ce regard, un regard exempt de toute once de vulgarité, qui me faisait découvrir à mon insu, comme par enchantement, dans un temps arrêté, la sensation troublante, grisante, que pouvait ressentir le modèle nu devant l'artiste. Il était l'artiste et je désirais de tout mon corps devenir le modèle de son œuvre.
Il mit fin à cette hypnose insupportable et délicieuse en s'approchant de moi, en me tendant sa carte, que j'acceptais du bout des doigts, sans comprendre un seul des mots qu'il prononça dans un français pourtant sonore. Je balbutiai même quelque idiotie que je regrettai aussitôt, mais il avait déjà quitté la galerie, et le temps reprenait brutalement son cour
Je ne regardai pas la carte qu’il venait de me donner, la glissai dans la poche de ma veste, et poursuivrai la visite.
Mais le regard avec lequel il avait enveloppé ma silhouette m’avait détournée du profond intérêt que je portais aux esquisses de Klimt. Au fur et à mesure de mon évolution dans cet espace feutré qui est celui d’un musée ou d’une galerie, je juxtaposai sur chacun des modèles exposées, ma propre image, dans la pire des positions érotiques. Ma visite avait soudain pris une nouvelle résonance, des notes voluptueuses s’accrochaient à chacune de mes pensées tentant d’analyser la vision de l’artiste. Il s’était soudain concrétisé par le biais d’un inconnu qui m’avait mis le temps d’un instant la fièvre au ventre, qui avait éveillé en moi de bien troublants émois.
Je plongeai ma main dans la poche, tentée de découvrir le prénom du trublion qui avait empourpré mes joues par le biais de ses pensées que j’imaginais malsaines ou pour le moins empreintes d’une certaine gourmandise dont je ne vérifierai peut être jamais la teneur. Mais ma main restait aussi figée que les modèles par l’artiste croqués. Je ne savais si je devais attribuer cette soudaine inertie au refus de succomber à la tentation de l’appeler illico presto, ou bien à une soudaine émotion dont je n’avais pas ressenti les frissons depuis fort longtemps et qui me paralysait.
Un vent de panique m’avait envahie, j’avais décidé de laisser la carte dormir au fond de ma poche ...et avait poursuivi mon périple artistique.
Lorsque je quittais la galerie, le jour était en train de s’enrober de la magie du crépuscule, cette luminosité particulière qui fait qu’à tout moment, il vous semble qu’il peut vous arriver un événement exceptionnel qui changerait le cours de votre vie.
Des passants anonymes, certainement heureux de rentrer chez eux retrouver leur compagne ou le nid douillet de leur intérieur, après une lourde journée de labeur, pressaient leurs pas sur les trottoirs. Aucune attention, seul un empressement se dégageait de chacun des inconnus que je croisais. A la recherche d’un réconfort dans la solitude de ma vie, j’attendais inconsciemment un signe si minime et anodin soit-il, un sourire, un banal bonsoir, mais c’est bel et bien dans l’ignorance générale que je gagnais le premier bar qui croisait ma route.
L’air était doux, je laissais traîner mes pas, attentive au moindre bruit ou odeur qui titillait mes sens en alerte.
Enfin attablée dans un petit bar exigu et bruyant, je commandais un café puis appelais mon ami Christine, impatiente de lui raconter la rencontre que je venais de faire.
Il m’était impossible de ne pas partager le trouble provoqué par le simple regard appuyé d’un inconnu dont je gardais encore en image la bouche, cette bouche qui m’avait murmuré quelques mots sans que j’en aie compris la signification certainement banale.
C'est alors qu'elle riait à l'autre bout du fil — bien que ces fils aient disparu depuis longtemps… —, me demandant ce que j'attendais pour l'appeler tout de suite, ce devait être un artiste, un génie peut-être ! que l'improbable se produisit. Dans un film, dans un roman, on aurait crié à l'invraisemblance, à la ficelle mal nouée : il entrait dans le bar, seul, vêtu d'une autre veste qui me laissa penser qu'il habitait le quartier. C'était lui, à nouveau, lui dont je me résolvais déjà à ne conserver le souvenir que dans un coin reclus de ma petite étagère intérieure, celle pliant sous le récit de mes fantasmes intimes.
Il était là, à la porte, et je sentis la violence de mon cœur sous mes seins, brutalement agité. Je n'en croyais pas mes yeux et, par un réflexe idiot, je me retournai dos à lui. « Allô ?… Tu es là ?… ». Je murmurai un « oui, je dois te laisser » à Christine et raccrochai aussitôt. Comment savais-je avec tant d'intuition qu'il était là pour moi ?
J'avais à peine rangé le portable dans mon sac qu'une main se posa sans lourdeur sur mon épaule. En levant les yeux, je le vis dans le miroir, juste derrière moi, attendant que je me retourne, comme une peinture figée dans les couleurs baroques de ce bar à l'ancienne, une scène de la vie quotidienne, mais riche de promesses et évocatrice : un homme dans le dos d'une femme, la main posée sur son épaule, attendant peut-être qu'elle ne se lève pour partir avec lui.
Il me sourit. Je me retournai en prenant une profonde et discrète respiration. Non, je n'étais plus la petite fille qui glissait une chaise sous la poignée de la porte pour empêcher mes frères et leurs copains de pénétrer dans la salle de bain pendant que je me douchais. Non, je n'étais plus la frêle étudiante rougissante qui se levait entre les tables pour réciter son cours, pétrifiée par les regards qu'elle sentait couvrir comme une robe d'épines sa silhouette à la sensualité naissante.
Non, j'étais une femme à présent, accomplie, et qui ne se troublait plus de ses armes, qui avait appris à les dompter, à les manier même savamment lorsque le désir m'inspirait. Aussi décidai-je de relever lentement les yeux vers lui, pas trop vite, comme un dompteur qui donne à ses tigres, par ses coups de fouet, la cadence du numéro.
A suivre…
vivement la suite ! Je suis hypnotisée par ton récit et par la suite que tu vas nous concocter. Tu es très douée pour l'écriture, il me semble, car j'ai l'impression d'être tout bonnement dans un roman que j'ai hâte de reprendre, là où je l'ai laissé. Je n'ai qu'une hâte, c'est de lire tes aventures parisiennes avec ce bel inconnu, d'origine du Nord de l'Europe. A dans un mois, donc ! Bises.
Rédigé par : floh | 22 décembre 2009 à 16:55
Faudra peut-être que je me mette à la peinture, autrichienne ou autre. L'écriture ne me suffit plus... :-)
Phil
Rédigé par : Berluck | 24 décembre 2009 à 14:14
A Berluck:Pourquoi l'écriture ne te suffit-elle plus?
Rédigé par : Mystérieuse | 28 décembre 2009 à 15:04
Pour te plaire, sans doute... :-) En fait, si, avec l'écriture, je peux aussi peindre, d'une certaine façon, et surtout sculpter. Sculpter les mots, les malaxer. Je me considère d'ailleurs moins écrivain que "façonneur de mots"...
Rédigé par : Berluck | 28 décembre 2009 à 18:37
Qu'il est grisant de voir cette visite de musée se transformer, grâce au regard d'un homme, en la naissance d'un émoi érotique.
Belles lignes.
Merci.
Rédigé par : Libertin_123 | 29 décembre 2009 à 11:54
A L :tout le mérite n'en revient pas qu'à moi...Ces papiers érotiques sont exquis, puisqu'écrits à quatre mains dans un jeu ludique et surprenant qu'est celui du cadavre exquis.Nous trempons chacun à notre tour la plume dans l'encrier, et j'aime la tournure que prend cette nouvelle improvisée.
A Berluck: s'il te plait à me plaire ,alors sculpte les mots avec humour et envie, car comme tu le sais à présent, je n'aime pas l'ordinaire, et ordinaire tu ne l'es pas!
Rédigé par : mysterieuse | 29 décembre 2009 à 16:30