Vous êtes –vous déjà posé la question, à savoir pourquoi une femme se met un jour à écrire de l’érotisme ?
Pour ma part j’y suis venue par hasard, mais pas que…
Très jeune, je lisais déjà de la littérature érotique, illicite découverte dans la solitude d’un pensionnat catholique…
L’interdit de la situation m’éclaira surement, mais ce n’est pourtant que quelques trente ans plus tard que je me décidais enfin à étancher ma soif d’écriture sensuelle….
J’ai recherché les livres qui m’avaient le plus marquée, et par le miracle du net je les ai retrouvés , tous deux écrits par des femmes.
Alors en cette période de fêtes, pourquoi ne pas offrir l’une ou l’autre de ces œuvres, pourquoi pas les deux à une amie, un ami, un amant, une amante, un amour secret, que sais-je, vous trouverez bien quelqu’un de votre entourage qui vous aime et que vous aimez et qui appréciera votre présent...
Les Mémoires d'une chanteuse allemande. Traduction de Guillaume Apollinaire et de Blaise Cendrars. Paris: Tchou, 1980 (1867, 1911 pour la traduction)
« Ferry se mit à genoux derrière moi, pénétrant de la langue par-derrière, puis par-devant, m’excitant au point que j’attendis d’un instant à l’autre que ma fontaine gicle. En baissant les yeux, je vis le splendide gland rouge de sa lance semblable à un rubis au sommet d’un sceptre royal. C’en était trop pour moi ! Vénus, secondée par une autre dame, me suçait les seins, une troisième m’embrassait, faufilant sa langue entre mes lèvres, qu’elle buvait et mordait. Léonie, accroupie entre mes jambes, chatouillait ma fente à m’en faire perdre les sens ; le souffle presque coupé, je me sentais parcourue de frissons, au diaphragme, dans les hanches, les cuisses, les bras et les fesses. Le moment critique approchait ; le suc laiteux jaillit, comme de la crème fouettée, de ma grotte et remplit la bouche de Ferry, que j’entendis l’aspirer jusqu’à la dernière goutte. »
En 1904, Guillaume Apollinaire flâne le long des rues de Strasbourg jusqu’à la boutique d'un libraire qui lui vend un exemplaire des Mémoires d'une Chanteuse allemande. L’ouvrage, qui ne mentionne ni nom d’auteur ni nom d’éditeur, l’enthousiasme à un point tel qu’il décide avec l’aide de Blaise Cendrars de le traduire et de le publier dans la Bibliothèque des Curieux, une collection qu’il dirigeait. Et c’est en effectuant des recherches sur Sade qu’il tombe sur une notice du docteur E. Duehren attribuant l’ouvrage à Wilhelmine Schroeder-Devrient, une cantatrice qui au défraya la chronique par ses mœurs dissolues et ses nombreux amants et maîtresses.
Même si cette attribution semble aujourd’hui hautement douteuse, il me plaît à croire qu’il s’agit bel et bien des confessions épistolaires d’une artiste lyrique du xixe siècle. Le ton y est à la fois franc, sincère et délicat, et la narratrice est des plus attachantes, surtout dans la première section de l’ouvrage, lorsqu'elle raconte ses premiers émois et son apprentissage de l’amour auprès de Marguerite, sa gouvernante. Les dernières lettres, qui constituent la seconde partie, narrent quant à elles la vie amoureuse de la soprano alors qu’elle parcourt les grandes capitales d’Europe en accumulant les expériences dans un crescendo déchaîné menant à tous les excès, à tous les débordements de la chair.
Les mémoires d'une chanteuse allemande ravissent le corps et l'esprit en offrant un témoignage touchant d’une femme
Louise Dormienne (Renée Dunan). Les Caprices du sexe, ou les Audaces érotiques de Mademoiselle Louise de B...Orléans: aux dépens des Amis de la galanterie (1928).
Après Joyce Mansour, voilà une autre femme fascinante aujourd'hui injustement oubliée. Née en 1892 d’une famille bourgeoise et élevée jusqu’à l’âge de seize ans dans un couvent, Renée Dunan débute sa carrière de critique littéraire en 1919 et tient des chroniques dans de nombreuses revues socialistes et anarchistes. Elle fut à la fois et à tour de rôle dadaïste, anarchiste individualiste, pacifiste, adepte du naturisme, féministe, écrivain de grand talent et critique littéraire redoutée. Elle fut aussi l'une des toutes premières femmes qui osa publier des romans érotiques sous une pléiade de noms d’emprunt, dont Renée Caméra, Marcelle La Pompe, Spaddy, A. de Sainte-Henriette, Georges Dunan, Ky C. et Louise Dormienne, le pseudonyme sous lequel elle publia Les caprices du sexe en 1928.
« Qu'est-ce qu'un homme? Une virilité... Mais combien faut-il de temps pour qu'une femme habile fasse de la plus fière des verges mâles...un chiffon? »
Le roman se termine avec les retrouvailles de l’héroïne avec le docteur de Laize, devenu entre temps gynécologue réputé. Toujours amoureux d'elle, il lui propose de l'épouser. Hésitante, Louise lui fait remarquer qu’elle a été « aimée par tous les bouts, ou plutôt par tous les orifices, et devant et derrière, et en haut et en bas. » Le bon docteur répond alors :
« Que m’importe. C’est l’âme que je veux en vous et le corps offert comme une âme en chair. Alors je vous aurai toute neuve… Les mains d’une femme ne sont pas déshonorées parce qu’elle aurait récuré des casseroles, ni sa bouche parce qu’elle aurait eu la nausée. »
Devant cette logique imparable, Louise accepte et se marie, devient mère et, comble de l’ironie, est nommée présidente de la « Ligue pour la chasteté avant le mariage » ! Roman au style habile et fort, rempli d’humour et d’irrévérence, Les caprices du sexe illustre parfaitement la devise de Renée Dunan : « Il faut oser, car la morale est ailleurs que là où on l'imagine. »
SOURCES http://archet.net/
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