Mais il me parle, n’arrête pas de s’adresser à moi, son profond regard, campé dans le mien, je ne le vois plus, je le bois, m’abreuve de la passion qu’il met à me traduire son pays, si beau, si riche de traditions et de culture.
Je le regarde à peine, frissonnant à chacun de ses regards posés sur ma personne, un émoi troublant que je n’ai jamais ressenti auparavant si spontanément.
Je ne sais à quoi je dois attribuer cette si soudaine attirance, l’exotisme de la situation ou bien plus objectivement un désir profond de combler un manque profond d’érotisme.
Mais le fait est là, cette homme étranger m’attire comme un aimant sans vraiment vouloir me séduire.
« Lou ? »
Je ne réagis et pour cause.
« Lou, c’est bien ainsi que l’on vous appelle ?
-Heu oui, pardon j’étais perdue dans mes pensées »
Pierre a fait dans le perfectionnisme, il n’y a que lui qui me prénomme ainsi, une façon très particulière qu’il a de me posséder. Mais pourquoi avoir trahi notre secret, une projection affective, une manière détournée de s’attribuer cette attraction charnelle ?
Pierre est mon ami et ne sera jamais mon amant, à son grand désespoir !
S’il y a une chose qu’il déteste particulièrement, dont il souffre en secret c’est de me sentir en détresse sentimentale qu’il tente souvent de combler en vain.
Mehdi me regarde avec insistance, cherchant à croiser mon regard, à deviner mes pensées sans pouvoir y parvenir.
« Lou, je craignais cette rencontre, deux inconnus de deux univers différents. Tu es encore plus belle que je n’osais l’espérer.
-C’est gentil, mais je ne suis qu’une intermédiaire chargée d’une mission ...
-Non pas que, j’ai envie de vivre ces quelques jours avec toi comme une rencontre inoubliable .Je t’ai rêvée !
-Est-ce que je mérite autant d’intérêt ?
-Accorde moi une faveur, laisse moi te faire vivre mon pays, laisse moi t’emmener où je veux, laisse moi t’offrir quelques jours de rêve, laisse toi guider, tu ne seras pas déçue »
Ai-je vraiment le choix ? Je me sens soudain légère, comme libérée d’un poids, d’une inquiétude.
Toute rationalité m’a abandonnée, la question récurrente à savoir si mon hôte allait me plaire ne se pose plus .Il est là devant moi, m’invitant insidieusement à passer quelques jours en sa compagnie, à moins que mes désirs dépassent ses intentions.
Il est là, je le connais à peine, je suis bien ...avec lui !
Mehdi me prend la main, caresse mes doigts, m’invite à me lever et à le suivre.
« Demain, nous irons découvrir le Riad de Pierre, mais ce soir, si tu le veux bien, je t’emmène dîner dans un palais pour t’imprégner de la magie de Marrakech
-Je te suis Mehdi ! Merci »
Je tente un baiser sur sa joue en guise de remerciement, mais il esquive mes élans et préfère m’entraîner vers la sortie
« Pas ici, plus tard ! »
Plus tard! Comment résister à son charme berbère, à son élégance naturelle, à la douceur de sa voix?
Nous nous frayons un chemin au milieu des badauds de plus en plus nombreux avant que de nous diriger au travers d’un labyrinthe de ruelles vers le restaurant où il a décidé de m’inviter pour la soirée.
Il me tient fermement la main, caressant mon pouls de son pouce de façon douce et fébrile à la fois.
« Voilà c’est ici, ferme les yeux quand je te le dis jusqu’à ce que je te dise de les rouvrir »
Une minuscule porte nous fait face.
« Vous aimez l’anonymat, rien ne laisse soupçonner ici une richesse intérieure !
-C’est cela, une intimité préservée du monde extérieur, ferme les yeux, je te guide ! »
J’obéis, perçois une présence derrière moi, toute proche, un souffle dans mon cou et l’humidité d’un baiser chaud qui me fait sursauter car inattendu.
J’avance doucement, calculant chacun de mes pas, délicatement guidée par le son de sa voix et la musique orientale qui se rapproche de moi.
« Voilà ouvre les yeux »
Un patio à ciel ouvert, véritable petit paradis terrestre m’accueille dans la douceur des couleurs et le murmure de l’eau d’une gigantesque fontaine murale.
Medhi m’entraîne vers le grand salon assez fier de mon émerveillement face au chef d’œuvre architectural dont il me commente, métier oblige ,chaque décoration ornementale qui fait la fierté des Marocains.
« Faisons –nous une visite guidée, où allons –nous dîner ? »
Mon humour too french n’a pas l’air de lui plaire.
« Tu n’aimes pas ?
-Si, si j’adore, c’est un endroit féérique, comment te remercier, je suis confuse, je ne sais que dire !
-Ne dis rien, embrasse moi !
-Ah je peux maintenant ? »
Voilà qu’il commence à comprendre mon humour, il éclate de rire et là, comment dire, inutile de résister, j’attrape sa bouche à pleines lèvres sous les regards fuyants du nombreux personnel au service des clients.
« Quoi ? Vous, vous avez l’architecture marocaine et nous le french kiss »
Il ébroue sa tête comme un chien mouillé, en me murmurant « troublant »
Une haie d’honneur nous accompagne jusqu’au salon vip dont il a fait la réservation !
« Difficile de passer incognito !
-Ici, nous serons à l’abri des regards, un peu d’intimité, et puis ce salon est une merveille, regarde le plafond.
Voilà Lou, c’est pour toi Princesse ! »
Princesse, je n’en demande pas tant, Princesse Lou, on dirait un conte pour enfants, sauf que c’est un conte pour adultes.
Il n’a rien laissé au hasard, une multitude de petits ramequins mauresques arrivent les uns après les autres accompagnés d’un vin local.
« Je me suis permis de commander sans ton avis, veux-tu du vin ?
-Oui bien sûr
-De quoi as-tu envie ?
-Là tout de suite, je ne sais si...
- Dis-moi !
-De toi, mais les coutumes locales sont différentes de toute évidence, vous aimez la patience et le mystère
-Et qui te dis que j’ai envie de toi ?
-Qui ? Personne, c’est plutôt que je l’ai senti !
-Senti ?
-Ton baiser dans mon cou, tu étais proche de moi, j’ai cru sentir une raideur un peu plus bas, tu vois
-Oui je vois très bien, je suis trahi, tu as aimé ?
-Plus que ça ! Mais j’adore ta timidité cachée derrière la force de ton regard !
-Si nous mangions ?
-Mangeons, buvons, vivons ! »
J’ai bien compris que les interdits ne sont pas ici très bien accueillis, je suis donc obligée de me résoudre à juste poser une main sur sa cuisse et à la faire courir discrètement sous les pans de la nappe .
Mon affront est fort bien accueilli sous la toile du pantalon, le résultat est immédiat !
Je lui dévoile délibérément mon impudique attirance à laquelle il ne me répond que part un éclat lumineux au fin fond de son regard noir berbère. Une façon timidement sensuelle d’accentuer mes émotions.
« Mangeons, la nuit sera belle, au pays des mille et une nuits
-Commençons par une, nous envisagerons plus tard, les mille restantes !
-Tchin Lou, c’est comme cela que vous dites
-Tchin Mehdi ! »
Nos verres s’entrechoquent sous les lumières vacillantes des bougies, complices de la réciprocité de nos émois jugulés par la décence que nous impose l’endroit.
Quelques spécialités culinaires plus tard, nous quittons le palais, et comme il m’y a invitée, je me laisse emmener vers l’inconnue.
Nouveau dédalle de rues, nouvelle rencontre avec la foule et les saltimbanques avant que de rejoindre une minuscule porte en bois travaillé qu’il ouvre avec empressement et de m’inviter à entrer.
« Voilà, bienvenue chez Mehdi »
La porte refermée, l’endroit est un véritable havre de paix après tous les lieux bruyants que j’ai découvert auparavant, un vrai cocon intime et protecteur complètement coupé du monde.
Un patio, une lumière douce érotise l’instant.
Dans les alcôves environnantes décorées d’une multitude de tentures et de petits canapés accueillants règne une atmosphère envoûtante.
« Choisis, lequel veux tu ?
-Celui-ci, j’aime la couleur qu’il y règne, il est plus intimiste que les autres ! »
Il m’indique la salle de bain à l’étage, m’invite à me rafraîchir.
Je monte, domine le patio arboré et la fontaine, je crois rêver
« Je vais faire du thé, mets toi à l’aise, tu as des djellabas dans la salle de bain »
Débarrassée de ma tenue européenne, je réapparais juste vêtue d’une djellaba blanche, entièrement nue sous les tissus.
Les fragrances de fleur d’oranger accompagnent mes pas jusqu’au plateau dressé proche du sofa, plateau sur lequel m’attendent une multitude de pâtisseries orientales et une théière fumante.
Tout n’est que douceur, des gâteaux orientaux, aux goûts tellement étranges et variés qui fondent dans ma bouche, aux loukoums qu’il glisse entre mes lèvres.
Ses doigts effleurent mes lèvres, je goûte ses phalanges, découvre une peau douce et des ongles soignés, je suce ses doigts, les aspire, les mords.
Je ne peux réprimer un frisson, furtif, mais révélateur de mon émotion.
Il caresse ma joue, me tend un verre de thé, et puis s’installe à mes pieds, relevant doucement la djellaba le long de mes jambes.
Entre mes cuisses c’est la confusion. Son seul regard posé sur mes cuisses, maintenant dénudées, enflamme mon ventre, humidifie mon sexe avide de ces secrets dont il veut m’honorer.
La malice derrière la plume m'a fait comme un vertige, à plusieurs reprises.
A la bouche, ce n'est pas l'eau qui me vient, mais le miel.
Savoureuse ensorceleuse !
Rédigé par : Ile | 21 mars 2009 à 10:23