Je l’avais rencontrée au cours d’un dîner, ces soirées interminables, ennuyeuses en discussions inutiles destinées à changer le monde sans jamais y parvenir.
Attentive, voire presque trop sérieuse dans son comportement, elle m’avait immédiatement interpellé par sa capacité de résistance à tout emportement sur des sujets aussi épineux que la politique ou la religion, de ceux qui peuvent en un instant plomber l’ambiance d’une soirée.
Sa maturité féminine avait eu sur moi un effet séducteur qu’elle avait décelé dans mon insistant regard à son encontre.de toute évidence je ne lui étais pas indifférent non plus bien qu’elle n’ait rien laissé paraître tout le temps du repas.
Je l’avais détaillée dans les moindres détails pour m’arrêter bien malgré moi sur son regard.
Ce regard là en disait long sur la femme qu’elle était. Je l’avais pressentie extrêmement femme, vive, avec ce je ne sais quoi au bord de l’iris qui lui donnait un charme incontestable et une assurance hors du commun. Mais pour autant l’éclat vert de son iris laissait entrevoir outre sa personnalité affirmée une douceur particulière qui ne demandait qu’à être explorée.
Audacieusement, entre deux échanges, à plusieurs reprises, recherchant son attention, j’avais plongé mon regard dans le sien, tentant vainement de la déstabiliser, pour au final, me faire piéger par sa fausse indifférence.
Dans un premier temps cette situation m’avait copieusement énervé, mais à vrai dire son hermétique attitude avait par la suite exacerbé mon désir de la séduire, quitte à me faire évincer.
Mais il n’en fut rien, bien au contraire ...
Avec détermination et audace, dès la fin du repas, elle avait rejoint le petit groupe avec le quel je conversais, près de la cheminée, se mêlant enfin à la conversation.
Son attitude honteusement fallacieuse n’avait eu sur moi aucun effet rédhibitoire, peu ou pas dupe de son approche par des chemins détournés.
Mes premières pensées m’amenèrent à songer qu’elle n’était sûrement pas femme facile à détourner à moins qu’elle n’en fasse le choix autoritairement, et à vrai dire, vu la dizaine d’années qui nous séparaient je n’avais que peu d’illusion sur un éventuel futur rendez-vous.
Mais les convives se dispersant, une aubaine, nous nous étions retrouvés tout seul, un verre à la main.
Elle me surprit, elle fut délicieuse dans l’audace de sa question
« Vous me regardez depuis le début de la soirée, songeriez-vous à me faire la cour ? »
Son expression désuète m’avait fait sourire, ce qui immédiatement, avait entraîné une nouvelle réaction nettement moins charmante, à savoir une réplique acerbe du genre
« Sachez jeune homme que j’ai horreur qu’on se moque de moi »
Je n’avais pu réprimer un second sourire, elle en avait tourné les talons.
« Attendez, lui avais-je dit, en lui saisissant le bras, si vous parlez de drague, alors oui, c’est votre expression qui me fait sourire, la dernière fois que j’ai entendu cette expression...
-Donc vous vous moquez de moi, je ne me trompe pas !
-Vous vous trompez, je trouve votre expression plaisante, pour parler comme vous ! Et puis votre aplomb me plait.
-Mon aplomb, de quel aplomb parlez-vous.Vous n’arrêtez pas de me dévisager, alors soit mon rimmel a coulé et vous faites une fixation, soit je ne vous déplais pas ...et je veux savoir.
-Je vous ai répondu !
-Songez-vous que...
-Que je ne vous suis pas indifférent ? Oui je le pense !
-Non songez-vous que je sois une femme facile ?
-Je ne vous connais pas suffisamment pour cela
-Dons vous y songez.
-Mais non, écoutez échangeons nos coordonnées tout simplement, sait-on jamais »
A ma grande surprise elle m’avait tendu sa carte de visite en échange de quoi je lui avais griffonné mon numéro de portable sur morceau de papier minable trouvé dans la poche portefeuille de mon veston.
C’est elle, qui à son tour avait souri.
« Nous n’avons pas les mêmes valeurs Nicolas, avait-elle ajouté après avoir pris connaissance de mes ratures, mais j’attend votre appel »
Presque simultanément, elle avait enfilé son trench-coat et avait pris congé de l’assistance.
Lorsque quelques jours plus tard, je l’avais appelée, elle avait fait mine de ne pas me connaître, avant que de simuler un vague souvenir de ma personne
« Ah oui, Nicolas, le jeune impertinent, je ne pensais pas que vous oseriez.
-C’est mal me connaître ! Accepteriez-vous de prendre un verre ?
-Impossible, je suis débordée en ce moment, mais rappelez moi ultérieurement »
Elle était nettement plus impertinente que moi, et je décidais presque instantanément de laisser tomber l’illusion d’une nouvelle rencontre, non pour son refus, mais plutôt pour son assurance. Je jetais sa carte mettant un terme définitif à une quelconque entrevue.
Deux mois passèrent avant que je ne retrouve ses coordonnées sagement rangées dans le tiroir de mon bureau. Aucune explication plausible à cela, si ce n’était une mère exemplaire en matière de rangement, qui de temps à autre venait en catimini mettre de l’ordre dans mon joyeux bordel environnant.
L’occasion était trop belle. Je composais le numéro.
A l’autre bout sa voix charmante, presque trop gamine pour son âge dont en vérité je n’avais aucune idée, m’accueillit d’un bonjour Nicolas, ravivant d’un seul coup ma fierté de n’avoir pas été oublié.
« Comment allez-vous ?
-Bien, bien !
-Quand ?
-Quand quoi rétorquai-je, une forte interrogation dans la voix
-Avez-vous changé d’avis, quand prenons-nous un verre ? C’est bien pour cela que m’appelez n’est ce pas ?
-Enfin à vrai dire...Quand vous voulez ?
-Ce soir ?
-Ce soir, je passe vous prendre
- Donnons-nous rendez-vous à la sortie de l’autoroute à l’entrée de Nice, vers 19 heures, non 20 heures
-Entendu 20 heures devant le parc Phoenix.
-A tout à l’heure Nicolas »
Le rendez-vous en poche, je passais une après midi forte en émotion me demandant quelle attitude j’adopterai lorsque je la reverrai. Elle me semblait si différente que lors de notre premier entretien, son inconstance caractérielle m’avait pour le moins troublé.
J’anticipais sur l’heure de la rencontre afin de la voir arriver.
Avec une ponctualité étonnante pour une femme, elle s’était présentée à vingt heures sonnantes sur le lieu convenu, garant son cabriolet le long du parc.
L’élégance dont elle était dotée naturellement me frappa à nouveau, me faisant regretter d’avoir sursis mon invitation.
Elle était vêtue de son trench ceinturé d’où s’échappaient des jambes galbées de bas noirs gainées mettant en valeur de façon exquise ses chevilles fines et ses hauts escarpins noirs Elle avait élégamment assorti le tout d’une écharpe de soie à pois savamment disposé autour de son cou.
Elle avait entamé les cent pas dans l’expectative de m’apercevoir, mais j’avais interrompu instantanément son attente en sortant de mon véhicule pour aller à sa rencontre.
Ouvrant la portière passager, l’invitant à s’installer, je pris un bref instant, le soin au passage de détailler ses forts jolis jambes dévoilées par l’entremise d’un trench-coat compatissant .Soit sa jupe était très courte soit elle n’en portait pas auquel cas elle avait devancé mes désirs. Si tel était le cas, je n’étais pas peu fier de l’avoir estimée à sa juste valeur, à savoir une sacrée coquine assurément très très femme et d’une grande classe jusque dans ses fantasmes.
« Où allons- nous, avait-elle lancé, en défaisant son foulard et me dévoilant au passage dans l’échancrure de son manteau, la naissance d’une poitrine généreuse
-Au Before, nous pourrions grignoter sur place, la musique vous dérange-t-elle ?
-Pas le moins du monde, je ne peux m’en passer, je vous suis ! Je ne vous ai même pas dit bonjour »
Ce disant elle s’était rapproché de moi, me gratifiant au passage d’un mélange savant d’effluve de son parfum et de sa peau. J’en devinais presque la douceur sans même l’avoir touchée, en respirais l’érotisme avant que de succomber à la douceur de ses lèvres sur ma joue.
Je ressentis cette attention comme une promesse de complicité qui restait à certifier.
A suivre...
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