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A l’aurore, réveillée par les premières lueurs matinales filtrantes au travers de la fenêtre de toit, Mathilde s’était levée, enrobée des frissons que l’on peut ressentir lorsqu’on s’extirpe sans conviction de la tiédeur d’un nid douillet.
Ses premières pensées étaient allées à Benjamin, ses souvenirs de la veille avaient resurgi en affluence, désordonnés, en un flux incessant presque obsédant.
Elle s’était laissé envahir d’une culpabilité exagérée quand à son comportement pour le moins licencieux à l’égard de Benjamin.
Mais pour autant, le jeune homme, c’était une évidence, avait aimé cette maturité sexuelle dont elle l’avait investi.
Pour preuve, il l’avait entourée de tendresse, lorsque, dans un moment de désespoir, elle avait sombré dans le pathétique. Il fallait absolument qu’il oublie cette femme pitoyable avachie dans le bac de douche.
Après une toilette rapide mais réparatrice d’une nuit trop courte, elle s’était mise à déambuler entièrement nue dans l’appartement, à la recherche de son reflet dans les miroirs accueillants.
Lorsque Benjamin, passerait le pas de la porte, les bras chargés de viennoiseries encore chaudes, elle l’accueillerait en nuisette, ou peut-être...
Elle s’était mise en quête de quelques dentelles qui n’avaient que trop dormi dans les tiroirs de son chiffonnier baroque .Il était si loin le temps où elle rivalisait d’imagination pour être toujours séduisante dans sa lingerie exquise qu’elle aimait acheter à profusion , accro d’érotisme à la limite du fétichisme .
Elle s’inventait des mises en scènes , des jeux de rôle dans lesquels elle vouait une méticulosité particulière à l’accord parfait de ses dessous et de ses escarpins .
Il était si loin le temps où elle était femme à part entière, les souvenirs lui revenaient en vague, ses tenues vestimentaires toujours délicieusement glamour, l’insolite de ses lieux de rencontre, un érotisme cadencé d’improvisation et de provocation...
Trois légers coups à la porte d’entrée l’avaient arrachée à ses pensées, et dans l’urgence de la situation, elle avait enfilé une nuisette de voile noir, qui dévoilait par transparence sa silhouette féminine.
« Voilà, voilà » Elle avait regardé l’heure, il était à peine huit heures Benjamin était-il donc si empressé pour venir à une heure aussi matinale .Elle avait ajusté ses cheveux en chignon improvisé, corroborer sa féminité d’une touche originale d’essence de parfum, enfilé ses mules de satin et s’était précipitée pour ouvrir la porte...
« Bonjour Mathilde chérie
-Bonjour Christopher, mais que fais-tu là ?
-As-tu oublié, je t’avais dit que je passerais pour récupérer le bouquin que je t’avais passé avant de prendre la route ?
-La route ? Je ne me rappelle pas du tout, mais où vas-tu ?
-Houlà, Mat Chérie, tu ne t’arranges pas avec l’âge !
-Merci, toujours aussi agréable !
-Je reconnais ces yeux, deux éclairs vert foudroyants, ils me font toujours autant d’effet...
-Arrête ton cinéma, veux-tu. Bon, tu pars où ?
- A la maison du lac, rappelle-toi, je t’ai même invitée à venir me rejoindre après les examens...La Creuse est bien agréable au mois de juin, et puis tu aimes tant jouer du violoncelle là –bas, au bord du lac...mais dis –moi, tu es vraiment délicieuse dans cette tenue, c’est pour moi, avoue, encore un de tes jeux, j’ai presque envie de te croquer.
-Ta mythomanie te joue encore des tours mon pauvre vieux »
Et vlan un retour de manivelle avait-il songé.
« Crois-tu que je passe ma vie à t’attendre ?
-Waouh, tigresse...
-Arrête tu m’exaspères
-Tu n’as pas toujours dit ça...Cette bonne odeur de café me dit que tu vas m’offrir une tasse
-Tu sais où sont les tasses, sers toi, récupère tes cd et file, tu as de la route à faire ...
-Pas des cd, ma belle, un roman, tiens le voilà
-C’est parfait, tu as ce que tu voulais donc
-Pas tout à fait, ce petit cul me fait défaut ...
-Tu deviens indécent ...
-Tu te souviens, c’est bien toi qui m’a conduit sur ces chemins scabreux...
-Scabreux, je ne vois rien de scabreux dans l’érotisme, sauf que toi tu as tout confondu...érotisme , libertinage dans ce qu’il a de plus raffiné avec débauche sexuelle.
-Peut –être m’as-tu mal initié, Trésor...et puis ce n’est qu’une question de vocabulaire
-Arrête, tu es un odieux personnage ...Voilà tu as bu ton café, la porte est ouverte ...
-Ok, ok ma belle quelle impétuosité »
Christopher n’avait manifesté aucune colère, mais avant de refermer la porte, il avait jeté un regard consenti sur la silhouette de Mathilde avant de rajouter
« Tu es toujours aussi bandante, si tu changes d’avis, tu sais où me trouver »
Alors que Christopher rejoignait le rez - de -chaussée dans le vieil ascenseur de l’immeuble bourgeois où résidait Mathilde, Benjamin gravissait les marches de la cage d’escalier quatre à quatre poursuivi des effluves gourmandes des brioches et autres pains au chocolat.
C’est essoufflé, le rouge aux joues qu’il avait frappé à la porte de Mathilde, qui, excédée par l’intrusion matinale de Christopher, l’avait accueilli de manière brutale.
Ouvrant grand la porte elle s’était écriée:
« Quoi, qu’as-tu oublié...Oh pardon, Benjamin, je croyais...
-Tu croyais ....Bonjour Mathilde, as-tu bien dormie ? »
Cette douceur dont il venait de l’enrober en quelques mots murmurés avait instantanément assagi son fougueux tempérament.
Délivrée de sa colère aussi fulgurante que passagère, elle avait débarrassé Benjamin de ses paquets, puis de sa veste.
« Où veux-tu petit déjeuner Benjamin, à table ou au bar ?
-Es- tu si affamée, moi je le suis, mais de toi ...tu es ...très excitante...
-Je vais passer un peignoir, je n’ai pas chaud
-Il y a bien un remède à cela ...
-Benjamin...
-Ok, ok, déjeunons »
Pendant le court laps de temps d’absence de Mathilde, partie couvrir ses épaules, on avait frappé à la porte et Benjamin, inconsciemment avait ouvert, bien campé derrière.
Un homme, la cinquantaine, bel homme du reste était entré comme une rafale de mistral
« Mat chérie, j’ai oublié mes clés »
La porte s’était refermée, les deux hommes s’étaient retrouvés dans un face à face inopportun avec, pour témoin de leur duel visuel improvisé, Mathilde, visiblement embarrassée, dans l’embrasure de l’ouverture de la chambre.
Elle ne s’était pourtant pas démontée et avait fait les présentations avec un naturel frisant l’indécence.
« Christopher, je te présente Benjamin, mon élève le plus doué du moment, Benjamin je te présente Christopher, mon ex- mari. Voilà les présentations sont faites, il n’est pas nécessaire que vous vous serriez la main. Chris tu peux partir, tu n’as plus rien oublié, c’est bon ? Ben et moi avons du pain sur la planche.
-Et dans le grille- pain, si je me fie aux apparences,je ne suis donc pas convié aux festivités ...Ravi de vous avoir croisé Ben, il avait insisté sur le côté diminutif du prénom.
Pour ma part il aura fallu bien des années pour qu’elle veuille bien me donner un sobriquet, Madame le professeur est un peu bourge, mais ...Vous êtes venu à la bonne heure, Mathilde adore baiser après le petit déjeuner »
Excédée par l’ignominie présomptueuse de son ex- mari, Mathilde, l’avait poussé violemment jusqu’à la sortie en le traitant de vieil hystérique lubrique refoulé sous le regard amusé de Benjamin spectateur involontaire de cette scène de vie pour le moins rocambolesque.
« Pas d’inquiétude Mathilde, il est juste jaloux, mais quelle géniale idée d’avoir divorcé »
A suivre...
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