Satisfy My Soul - Bob Marley & the Wailers
Le café tabac brasserie s’était vidé petit à petit et pour ne pas paraître ridicule je m’étais, après une entrecôte frite vite avalée, rapproché du bar guettant chaque aller et venue de l’immeuble d’en face.
Il était 22 heures sonnantes lorsque la supposée Marylou avait claqué la lourde porte cochère sur le trottoir d’en face.
Comme à sa première apparition, elle avait traversé la rue de façon très altière, mais sa tenue avait changé.
Déjà très provocante, plus tôt dans la soirée, il faut vous avouer qu’en femme métamorphosée elle était plus que bandante.Une jupe froufroutante dans un tissus léger dévoilait le fuselage de ses cuisses anciennement camouflées sous le tissus épais de la toile de jean’s.Sa silhouette s’avérait encore plus fine et ses reins plus cambrés , la perle jamaïquaine était devenue diamant , bien que sa jupe taillée dans un morceau de tissus aussi petit qu’un mouchoir de poche ne ressemble en rien aux créations des grands couturiers. Elle était simplement divine parce qu’authentique dans sa simplicité et sa lubricité, sauvage et spontanée pour un regard averti à l’image du mien.
Peut être par habitude ou alors par défit, elle est venue s’asseoir au bar lançant un bonsoir anonyme à toute l’assemblée, très réduite autant vous l’avouer, puis se tournant vers moi, ses larges lunettes toujours posées sur son délicieux et minuscule nez, m’a honoré d’un bonsoir un peu plus personnalisé avant de plonger sa main dans son sac à main.
« Un café, mademoiselle, comme d’habitude ?
-Oui merci, bien corsé, la nuit sera longue »
J’ai hésité à lui adresser la parole, puis je me suis abstenu, car visiblement, ma présence lui était totalement indifférente. Elle dialoguait dans un anglais parfait avec un inconnu à l’autre bout du monde
Entre deux palabres « anglicanisées » , elle a absorbé son petit noir d’un seul trait , tenté d’allumer une cigarette , mais vite réprimandée par le garçon de café , la tige est vite retournée dans sa boite verte et dorée.
Puis elle a fermé le clapet de son cellulaire, a jeté la monnaie sur le zinc du bar, sauté légèrement du tabouret, m’émerveillant au passage de la naissance d’une croupe sauvage couleur café....
Défit ...elle s’est retournée m’accablant de surcroit d’un sourire narquois, s’excusant dans l’indécence de la vision sublime qu’elle venait de m’offrir.
Et puis elle s’est dirigée vers la sortie assortissant son départ d’un bonsoir général, puis comme un code secret m’a concédé un bonsoir plus particulier.
Dernier regard derrière ses lunettes fumées, dernier sort jeté à la volée, puis elle s’est éclipsée comme un rayon de lune derrière une nébuleuse des nuits chaudes étoilées.
Snobé par cette perle des nuits jamaïquaine, blessé par ’autant d’indifférence, j’ai décidé dans l’instant de suivre son périple dans la nuit parisienne.
L’addition fut payée en un tour de main, récompensant au passage le délateur au service de la Régie Française des tabacs.
Puis avec autant d’indélicatesse que lorsque j’avais détaillé sa silhouette dans les moindres détails, j’ai emboîté le cliquetis de ses hauts talons, conscient, que, à chaque instant, je pouvais me faire évincer avec perte et fracas pour mon audace calculée.
Elle m’a baladé un moment, tournant à chaque angle de rues, jusqu’à ce que je me rende compte, comme un con, qu’elle m’avait ramené au point de départ.
Une manière détournée de me faire comprendre qu’elle avait deviné ! Mais elle a continué d’une démarche plus chaloupée qu’un peu plus tôt dans la soirée, s’inquiétant au passage de ma fidélité dans sa filature. Le poisson était ferré !
Devant une boite de reggae, à l’enseigne bancale et mal éclairée, elle s’est arrêtée , a murmuré quelques mots au portier , puis s’est engouffrée dans les lieux comme une fidèle habituée , me narguant d’un dernier regard complice...puis elle a disparu derrière la lourde porte blindée.
Je me suis soudain senti évincé, mais encore sous emprise jamaïquaine, d’un pas décidé, je me suis présenté à l’entrée du club
« Bonsoir
-Bonsoir Monsieur !
-Puis je- entrer ?
- Etes –vous membre ou quelque chose comme ça
-Je suis venue avec Marylou !
-Bien, c’est vous, elle vient de me glisser un mot à ce sujet, je vous en prie ! »
Il a ouvert la porte comme si c’était celle de la caverne d’Ali Baba, c’est du moins l’impression que j’ai ressenti.
A suivre...
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