Il avait eu la soudaine envie de fuir cette situation par trop cruelle, avant qu’elle ne sorte de la salle de bain, avant qu’elle ne le surprenne.
Pourtant à l’instar d’un « flic » en faction, il s’était partiellement camouflé dans la semi obscurité de la pièce, confortablement installé dans le fauteuil constellé de vêtements féminins négligemment abandonnés. Il les avait presque instinctivement portées à ses narines, s’imprégnant bien malgré lui de relents rédhibitoires.
La lumière de la salle de bain s’était éteinte, il en avait frémi, elle allait lui apparaître juste vêtue de dentelles et d’une touche de parfum.
Avait-il encore le droit d’ainsi la regarder, un désir palpable au fond des yeux ?
Il le saurait bien assez tôt, elle n’était pas femme à se laisser malmener, surtout les derniers temps elle était devenue plus rebelle ...
Il l’avait entendu jurer quand elle s’était cognée l’orteil contre le pied du lit.
« Putain, toujours cette obscurité, il est temps que je quitte cet endroit, je ne le supporte plus »
Cette pensée exprimée à haute voix lui avait fait l’effet d’une blessure, lui confirmant malencontreusement ce qu’il redoutait le plus depuis leur séparation, à savoir son départ pour un ailleurs loin de lui.
A tâtons, elle s’était dirigée vers le dressing et avait appuyé sur l’interrupteur...
Il était encore temps de fuir, de là où elle se situait, elle ne pouvait deviner sa présence .Mais la silhouette de son ombre contre le mur blanc de la chambre lui avait renvoyé une bouffée de fébrilité qui avait définitivement annihilé toute lâche tentative de fuite.
Les notes de Chopin s’étaient diluées jusqu’à disparaître, laissant place, dans le silence de la nuit qui s’était installée, au bruit sourd et lointain des roulements de tonnerre.
L’orage semblait s’éloigner bien que la pluie ait redoublé de violence, une certaine quiétude bienveillante s’était emparée de Charles.
Il aimait tant faire l’amour les nuits d’orage, quand le sol fleure bon la terre mouillée et qu’un vent chaud lourd et humide caresse les corps enchevêtrés.
Ces images auraient du l’asphyxier parce que trop douloureuses et du passé, mais elles avaient eu l’effet contraire toujours empreint qu’il était d’espérance passagère, l’espoir de pouvoir encore étouffer sa femme de ses baisers.
Les lumières de sécurité du jardin venaient de s’allumer fusant en rais régulier au travers des lattes de bois exotiques du store vénitien. Cette clarté soudaine l’avait désorienté, avant qu’un éclair ne vienne zébrer violemment le ciel noir et encombré de gros nuages et ne plonge la pièce dans une obscurité totale.
La violence de l’orage avait sûrement endommagé le réseau électrique, les privant de tout éclairage.
« Merde, l’avait- il entendu crier, il ne manquait plus que ça , les bougies , où sont les bougies et le briquet »
Elle ne changerait donc jamais, cette tendance bordélique était un des traits les plus prononcés de son caractère. Ce désordre permanent dans lequel elle évoluait la plupart du temps et qui avait été souvent la source de discordes retentissantes entre eux, venait pourtant de l’émouvoir comme un souvenir merveilleux.
Elle était passée devant Charles sans lui prêter attention, laissant dans son sillage les effluves épicées de son parfum adoré.
A son retour, quelques minutes plus tard, il n’avait pas résisté lorsqu’elle lui était apparue un chandelier à la main, juste revêtue d’une nuisette rouge carmin, incandescente au milieu des lueurs vacillantes des bougies allumées.
« Bonsoir Ma Chérie »
Elle avait sursauté, surprise, apeurée, puis, comme il s’y attendait, elle l’avait injurié .Elle n’était jamais aussi belle que lorsqu’elle était en colère
En guise de « Bonsoir », elle lui avait jeté un visage
« Mais tu es un grand malade, qu’est ce qui te prends, tu es vraiment con par moment, qu’est ce que tu fous là ?
-Hum, toujours aussi douce ....Ma Furie !
-Je ne suis la chérie, ni la furie de personne, mais tu m’as fait peur ! Y a-t-il longtemps que tu es là ?
-Un petit quart d’heure tout au plus ... »
Elle avait éclaté de rire ...
« Donc tu étais là quand.....désolée
-Mais je t’en prie Ma Chérie, tout le plaisir était pour moi
-Non pas tout, mais arrête avec ce sobriquet ridicule, tu le sais, je ne veux plus que tu m’appelles ainsi
-Mais tu la resteras toujours pour moi
-Bon, bon. Ecoute, je finis de m’habiller, enfin j’enfile une tenue décente ...
-Pourquoi tu es très bien ainsi !
-Arrête de jouer les innocents .Va nous servir un verre tant que les boissons sont encore fraîches, la coupure risque de durer .Tu as des bougies un peu partout, tu vas bien retrouver ton chemin !
-As-tu du champagne ?
-Oui, bonne idée .Je suis à toi dans cinq minutes. »
Moins de cinq minutes plus tard, elle lui était apparue arborant fièrement un jeans agrémenté d’une chemise blanche refermés aux poignets de boutons de manchettes or et nacre.
Moins sexy, mais tout autant glamour, ses cheveux remontés sur sa nuque en larges boucles rousses, elle l’avait électrisé, tant sa démarche féline rehaussait son charme particulier qu’il aimait tant savourer.
Il lui avait tendu une coupe et leur regard fixé dans celui de l’autre, ils avaient trinqué à eux
« A nous Marie !
-A toi Charles »
Comme un couperet tranchant, la sentence venait de tomber. Alors qu’en extérieur un rideau de pluie ne cessait de s’abattre, elle avait en une seule réplique incisive, creusé un plus profondément et cruellement le fossé qui les séparait.
Comme pour l’attendrir, la connaissant si friande de compliments, il l’avait largement gratifiée pour sa séduisante tenue .Un sourire avait illuminé son visage !
Rebelle , mais pas invincible avait-il songé intérieurement .
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