Une journée de plus qui s’étire molissante, une journée éreintante à la recherche d’un gîte, un appartement douillet qui pourrait enfin accueillir l’itinérant qu’il est. Voilà plus d’un mois qu’il est rentré des Etas –unis, qu’il crèche indifféremment à droite, à gauche chez quelques amis complaisants et compatissants.
Ici rien n’a changé, il est toujours aussi difficile de se loger décemment. La capitale parisienne n’est accueillante que pour les touristes ou les plus riches...Mais pour les autres, arrivés trop tôt ou trop tard, il y a toujours une bonne raison pour que l’appartement si convoité vous passe sous le nez.
Aujourd’hui ne fut pas plus prolifique qu’hier. Pourtant il est 18 H 30, il lui reste un espoir, une petite annonce dégotée dans un bar, où il s’est abrité, le temps d’une averse, une de plus, le temps de prendre un verre, une énième pression, qui lui a donné l’occasion, une demi heure plus tard de consommer un café dans un bar plus loin, histoire de soulager sa vessie engorgée.
La pluie vient de reprendre du service .Putain de printemps parisien pense-t-il à haute voix.
Mais les passants pressées, stressés par une vie urbaine agitée, ne sont même pas surpris, ni interpellés par un jeune homme qui parle tout seul. Trop pressés de rentrer chez eux...
Chez eux, chez moi, cela le laisse rêveur. Accablé par ses infructueuses recherches, en dernier ressort, il sort de sa poche un papier chiffonné, et déchiffre l’adresse avec difficulté.
La pluie à joué son rôle érosif, diluant, mais tant bien que mal, il décode ce qui pourrait être, illusion tu nous tiens, la formule magique de la porte d’entrée dans son douillet demain.
Ah voilà, nous y sommes...instant magique, si ce n’est ce camion qui vient de l’asperger des pieds à la tête.
Connard, crie t-il furieux et l’écho de répondre connard toi-même, civilité française oblige
Cité Popincourt, j’y suis presque marmonne t-il entre ses dents, rue de la Folie Méricourt, ah c’est là...
Il passe sa main dans ses cheveux, essorant les restes graisseux du camion malveillant, frotte négligemment les traces noirâtres sur son pantalon, regarde son reflet dans une vitrine et puis d’un pas décidé pénètre à l’adresse indiquée.
L’endroit est accueillant, il connaît bien le quartier pour l’avoir arpenté en long en large et en travers durant sa vie étudiante. Rue du faubourg Saint Antoine, rue de la Roquette, autant d’émergeants souvenirs lui rappelant son insouciante jeunesse qui s’est évaporée dans les méandres de sa vie professionnelle. Cela devait arriver...
Cherche colocataire, urgent ....entre 18 et 19 heures sans rendez-vous !
Une colocation, il aurait préféré avoir un chez lui, juste pour lui, mais après tout pourquoi pas, la tendance est à la colocation, et puis il n’a pas vraiment le choix.
Ah c’est là ! Il racle sa gorge machinalement, puis très assurément appuie longuement son doigt sur la sonnette. Un carillon retentit suivi d’une jeune voix féminine qui lance aimablement
« Entrez c’est ouvert »
L’accueil est pour le moins surprenant, mais il entre discrètement dans l’appartement.
« J’arrive, j’en ai pour deux minutes », il entend la voix mais ne distingue personne dans le grand loft coquettement meublé qui l’accueille
« Bonjour, je suis désolé de vous déranger, j’arrive un peu tard, je viens pour la coloc.
-Ah oui la coloc, assieds toi, un instant, mais je n’ai pas beaucoup de temps. »
Soudain surgit de derrière un paravent très design une superbe créature à peine vêtue d’un shorty, d’un débardeur, et d’une longue paire de bas de laine façon cocooning !
« Excuse ma tenue, mais je viens de rentrer de la salle de gym, et je dois vite me changer pour me rendre à un vernissage dans le marais
-Mais tout le plaisir est pour moi
De délicieuses petites fesses pommées s’échappent de sa culotte de sport comme deux fruits de gourmandise.
« Mais je peux repasser
-Non ce n’est pas la peine, tiens ! »
Elle lui balance une serviette de toilette...
« Tu es tout trempé, essuie –toi, et sers toi une bière, il doit y avoir ce qu’il faut dans le frigo...
-Ok, merci, c’est sympa...
-Ça te feras patienter, je vais prendre mon bain »
Elle s’éclipse...L’appartement est merveilleux, aménagé de façon très structurée et fonctionnelle à la fois, spacieux, mais il ne voit pas en cet endroit la place pour deux.
Un grand lit trône, au milieu de la pièce, un lit immense juxtaposant un canapé de cuir, non moins immense jonché de coussins noirs et blancs assortis aux teintes de la cuisine américaine dont le bar de marbre noir contraste avec la laque blanche des éléments.
Des vases ici et là, laissent échapper des tulipes noires et blanches elle aussi, jusqu’à la chaîne arbore les mêmes couleurs, une B§O digitale. Il croit rêver tout éveillé.
Déambulant dans l’appartement, un Carlsberg à la main, à la recherche d’un détail qui pourrait bien l’aiguillonner sur la personnalité de son éventuelle future colocataire, il écoute presque enchanté, le bruit de l’eau ruisseler sur le corps de la jeune femme.
« Met un CD si tu veux, tiens mets Daho, j’adooooore !
-Ok, lequel, crie-t-il pour se faire entendre par-dessus le bruit de l’eau
-Réévolution !
-Ok !
-Puis il s’installe dans le canapé découvrant le mur recouvert de photos très professionnelles de la jeune femme. Elle est sublime...Comme pour se rassurer, il frotte ses yeux de peur de rêver tout éveillé !
Elle réapparait enveloppée d’un peignoir blanc, la tête enturbannée d’une serviette noire.
« N’aimes tu pas la couleur ?
-Si, si, pourquoi cette question ?
-Ben tout est noir et blanc !
-Oh ça, c’est le designer, après forcément j’ai adapté le linge au décor...
-Cet appartement est sublime !
-Je l’avoue, je m’y plais beaucoup, dommage que je n’y sois pas plus souvent...Je voyage beaucoup.
-Tiens sers moi un jus de carotte
-Un jus de carotte ?
-Oui pour le teint, je suis mannequin, oh petit mannequin, mais ....mannequin tout de même
-Je vois...
-Tu vois quoi ?
-Non rien !
Il ne voit rien, il entrevoit.Cette fille est sublime, sympa et l’appartement à l’image de sa locataire. Il lui faut le contrat à n’importe quel prix...
« Je n’ai pas beaucoup de temps à te consacrer, lui dit-elle en se faufilant derrière le paravent, mais as-tu une voiture ?
-Oui, pourquoi ?
-Tu pourrais m’accompagner au vernissage, ça te tente ?
-Oui, avec plaisir, tu es charmante et si sympathique !
-Tu n’es pas mal non plus, j’avoue que je suis ravie que tu sois là ! Ces soirées m’ennuient, toujours les mêmes personnes, toujours les mêmes hypocrisies. Tu vois du style, « tu es trop belle ma chérie » et puis dès que tu as tourné les talons c’est une avalanche de critiques acerbes, ou bien l’inverse « tu n’as pas mauvaise mine, toi ? », histoire de t’enfoncer
-Je serais là pour faire parade aux adversaires
-Oui, et puis cela les occupera un moment à m’inventer une nouvelle liaison »
Un bas, puis deux, deux étuis de soie noire chevauchent soudain le paravent, puis un soutien gorge et une robe noire.
La désinvolture de ses gestes, le sidère, il est sous le charme d’une impudique inconnue qui lui parle comme s’ils se connaissaient depuis longtemps.
« D’où es-tu ?
-De nulle part, ancien parisien, je suis rentré des Etats-Unis il y un mois, depuis je galère pour trouver un appart
-Tu vas voir tu vas te plaire ici, les locataires sont sympas »
Yes, pense-t-il intérieurement, j’ai gagné mon hébergement
« Veux-tu bien m’aider à remonter la fermeture de ma robe ? »
Elle lui tourne le dos, lui présentant une chute de rein des plus vertigineuses, aussi enivrante que le parfum qu’exhale sa peau embaumée.il ne peut réprimer une érection, qu’il dissimule en s’éloignant subrepticement
« Mais dis moi veux tu prendre une douche ? »
Cette fille est vraiment délicieuse, mais aussi très délictueuse et aventureuse. Elle ne le connaît même pas et par imprudence ou par provocation, elle pourrait soudain se voir confronter à un homme en proie à ses pulsions.
Mais après tout pense t-il, si elle m’a choisi comme son nouveau colocataire...
Ils n’avaient même pas parlé de l’appartement, ni même du montant du loyer, mais dans l’instant il se délectait du profil d’une soirée qu’il espérait des plus agréables et des plus sensuelles.
« C’est gentil, mais non, et puis tu es attendue
-Alors allons-y, mais ils ont l’habitude de m’attendre »
Elle claque la porte du loft et fait résonner de ses talons aiguilles le cliquetis dans toute la cage d’escalier.
Interpellé par le bruit familier, une des portes du deuxième étage s’entrouvre laissant apparaître une tête masculine aux cheveux hirsutes
« Bonne soirée Audrey Chéri
-By Stan...Il est adorable tu verras »
Inconsciemment elle venait de lui signer son contrat...enfin le pensait-il !
A SUIVRE....
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