Les femmes sont ainsi, pour peu qu’un matin chagrin les accueille au réveil, le reflet de leur miroir leur renvoie l’image d’une femme enlaidie, aux charmes enfouis.
Laura vient de se réveiller, encore toute engourdie d’une nuit orageuse, son corps et son esprit défigurés par des rêves outrageants, des visions cauchemardesques, un passé entêtant...
Sa nuisette l’entrave, incapable de supporter de ne serait-ce que quelques grammes de soie sur sa peau.....
Dans l’urgence et la lourdeur d’un matin moite sous un ciel orageux, elle met son corps à nu, découvre une silhouette dans le miroir brumeux, allume une cigarette avant même le café.
Les lunettes, une option, cet indice secret de son âge, reposent sur le bord de sa table de chevet, juste à proximité d’un roman feuilleté superficiellement en guise de somnifère pour ne pas succomber à la tentation de drogues artificielles.
Mais à quoi bon se voiler la face, il faut bien les chausser pour retrouver une vision normale, délimiter les formes de la silhouette qui la regarde avec insistance dans un miroir déformant.
Elle ne voit ce matin que des ombres bleuies masquant son regard, un regard languissant au bord duquel les rides existentielles d’une vie trop souvent brûlée par les deux bouts s’acharnent
Presque machinalement, elle tire sur ses tempes, recherchant inconsciemment des images du passé, quand elle se savait aimée, désirée, convoitée....
Les regards masculins l’ont presque abandonnée, ou du moins le ressent-elle ainsi....ils sont toujours là présents, mais elle ne les voit plus !
Et ces rondeurs discrètes qui s’installent avec élégance, sur le bord de ses hanches inexorablement... Elle les voudrait secrètes, mais elles lui renvoient l’image d’une femme d’un demi-siècle pesant, troublant, avilissant.
Ses seins si envoûtants dans leur décolleté pigeonnant ont pris de la lourdeur ...elle les touche doucement, une manière très personnelle d’encore les flatter...
Les enfants sont partis voler de leurs propres ailes et son mari aussi, séduire sous d’autres cieux, excédé qu’il était par une nouvelle tendance à la rébellion qu’elle lui imposait en toute dévotion.
Plus de but dans sa vie, que de penser, penser à longueur de journée.
Resurgissant d’un vieux monde englouti par des vagues destructrices, ses souvenirs revivent, s’harmonisent, donnent parfois à sa vie un ciel d’un arc en ciel teinté.
L’avenir, elle n’y songe jamais, elle n’y songe plus, sa vie s’est arrêtée, le jour où il est parti....
Il est pourtant des jours où elle se sent très belle, se réconciliant sans complexe avec sa silhouette. Alors durant ces journées fastes, Laura accorde son passé avec son présent attisant une dernière flammèche sur un avenir proche.
Sa verve et son éloquence la rende si séduisante qu’elle croquerait le monde, écraserait tout sur son passage.
Elle garde toujours en mémoire ce délicieux mot glissé par une amie très chère.
« Le temps sur toi est masqué par l’écho mystérieux de ton charme qui se dérobe sous tes allures coquines »
Quand la morosité et l’ennui la quittent laissant place à sa nature d’épicurienne, c’est tout son corps qui réagit.
Ses fines jambes fuselées lui accordent alors une allure plus fière, une silhouette altière, un port presque arrogant, séduisant dans l’instant les regards indiscrets des passants masculins qui croisent son chemin.
Son regard se fait plus scintillant, accroche des reflets, renvoyant ses pensées comme une invitation à plus de volupté.
Mais que sont donc ces larmes qui roulent sur son visage ?
Ses pensées malfaisantes d’une matinée tristesse questionnent son esprit, son âme chavirée oscille entre remords et regrets.
Tous ces actes manqués qu’elle n’a pas su géré, ses désirs occultés par un manque d’audace ont eu raison de sa féminité.
Ces hommes dans l’absence qu’en secret elle aimait sans même l’avouer....pourquoi avoir douté, ses rêves de bonheur balayé en mystère à jamais englouti.
Le téléphone sonne, l’arrache à ses pensées...
Bonjour Laura, c’est Frédéric
-Frédéric ?
-Oui Frédéric, je suis de passage sur ta région, j’aimerais tellement que nous dînions ensemble, qu’en penses tu, ce soir ?
-Ce soir ?
-Oui je passe te prendre, disons vingt heures chez toi
-Frédéric, oui avec plaisir, mais viens plutôt dîner à la maison
-Ok, en souvenir du passé
-Baisers, à ce soir
-A ce soir Laura, baisers !
Il est là le secret, un amant oublié plus audacieux qu’un autre qui saura l’espace d’une soirée lui redonnait l’aura de la femme qu’elle est.
Le passé resurgi lui redonne le goût de ce charnel divin qui fait qu’elle est si femme, si belle dans le plaisir par le désir porté.
Oubliées les rondeurs, les rides assassines sur son visage soudain serein.
Le désir d’être aimée, l’envie de douceurs masculines sur son corps agité effacent les cicatrices, dynamitent ses angoisses de femme abandonnée.
Le seul fait de songer que la bouche gourmande de Fred va l’embrasser, torturer ses lèvres en longs baisers salées lui procure des frissons qu’elle croyait oubliés.
Juste pour une nuit, oublier les tortures d’une cruelle vie, en plaisirs interdits, volages et savoureux, sans tabous, ni promesses, ni même un seul aveu
La femme, un vrai mystère, qui n’est jamais aussi séduisante que quand elle se sent désirée, et tellement plus belle après une nuit d’amour !
Une brèche insolente vient de s’ouvrir sur son avenir ....
Peut être, un signe du destin, l’annonce pour demain, peut être après demain, de cette homme inconnu qu’elle attend depuis si longtemps, en secret, dans le plus grand silence d’une idylle annoncée.
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