Il est 21 heures lorsque je quitte mon appartement. Le ciel est rougeoyant et bruyant. Un ballet d’hélicoptères donne une note inquiétante à cette soirée, déjà si mystérieuse par l’inconnu qui gère mes pas. Au loin des nuages de fumée embrument le soleil encore haut dans le ciel. Les incendies d’été se sont installés.
Insouciante, en proie à mes désirs déjà bien présents, je file à toute allure vers mon rendez-vous secret. Je peste, je rage, les touristes sont arrivés en masse sur la côte, les routes sont encombrés, l’heure tourne, je vais finir par arriver en retard. Je ne peux même pas le joindre...et si, si il ne m’attendait pas, ou pire si il ne venait pas ....Une soudaine angoisse s’empare de moi, j’injurie les chauffards qui entravent mon escapade amoureuse.
Calme toi, pense à lui qui t’attend, pense à ses caresses et à celles que tu vas lui donner, pense à ses lèvre sur les tiennes, à sa langue qui force le passage de ta bouche, je m’en délecte déjà. Une envie presque cruelle m’envahit, une envie de baise, un désir d’interdits....
J’ai omis la lingerie intentionnellement...Va t-il aimer, va-t-il me le reprocher ?
Cette rencontre informelle exacerbe mes désirs, mon sexe est déjà humide et presque offert.
Si j’osais, si je pouvais, je glisserais mes doigts sous le tissu satiné de ma jupe...mais la promiscuité de mon voisin au volant de sa voiture m’interdit tout débordement et pourtant ,Dieu sait que mes doigts trépignent d’impatience.
Pourquoi me sourit-il, mon désir serait –il identifiable d’un seul regard ?
J’esquive ses œillades, remaquille mes lèvres de rouge et croise dans le miroir du rétroviseur les yeux du conducteur du véhicule qui me suit.
Mais qu’ont-ils donc tous à ainsi me dévisager ?
Me ressaisir, oublier un instant le mystère qui m’attend .....La musique de mon auto radio m’arrache à la sensualité naissante d’une femme qui vole vers un rendez-vous clandestin.
L’impatience me gagne, les parkings sont saturés, bondés et l’heure qui tourne, presque 22 heures et toujours pas garée.
En double file, c’est cela devant l’hôtel...
Bonjour Monsieur, je dois avoir une chambre réservée au nom de Mystérieuse
-Absolument, Madame
- Où puis-je me garer ?
-Laissez moi vos clés, je m’occuperais de votre véhicule, puis chuchotant, un sourire discret au bord des lèvres, il me murmure Monsieur est déjà arrivé
Soudain prise de panique, mon cœur bat la chamade, le réceptionniste peut lire mon émotion !
Un souci, Madame ? Voulez-vous un verre d’eau ?
-Non merci beaucoup ça ira, la chaleur sans doute
-Ou l’amour !
Le pauvre homme s’il savait, il serait surpris voir même offusquée
Je lui donne mes clés
Premier étage, chambre 6 !
Dans l’ascenseur, j essaie d’arranger mon apparence, mais quelle importance, j’ai un rendez-vous dans le noir. J’oublie....
La porte de la chambre est entrouverte suffisamment pour éclairer légèrement la pièce.
Je devine une silhouette, une stature imposante et très virile, entre dans la pièce, les yeux fermés, et d’un léger coup de pied referme la porte.
Une odeur de parfum, je ne le reconnais pas...j’avance à tâtons dans l’obscurité, heurte une table basse, pousse un cri...il rit !J'avais espéré un instant...mais ce n'est pas lui!
J’entends des bruits de verres qui s’entrechoquent, le bruit d’un bouchon de champagne...
Bonsoir mystérieuse, je savais que tu viendrais, il ne pouvait en être autrement, je te connais si bien !
Comment cela se peut-il, je ne connais même pas sa voix.
Bonsoir
-Trinquons !
Il me tend un verre que je devine, je frôle sa main. Premier contact, première émotion.
Je suis comme ensorcelée par la magie de l’instant. Je pourrais entendre jusqu’au liquide pétillant couler dans sa gorge, tant l’obscurité démultiplie tous mes sens.
Je sais que tu aimes le champagne...
Je ne pose même pas de questions .
Mes lèvres effleurent à peine le breuvage alcoolisé, je pose mon verre sur la table où je me suis heurtée.
Mes doigts entament une recherche, parcourent l’ovale de son visage, cherchent le pourtour de ses lèvres, l’angle de son nez, le bandeau qui entrave sa vision.
Il a les yeux bandés...à mon tour je bande les miens ! Il noue le tissu derrière ma tête et dépose un baiser mouillé à la base de ma nuque
Notre découverte peut commencer...
C’est bien tu es obéissante, mais cela aussi je le savais !
Je ne parle pas, ne réponds pas...
Parle-moi, je veux entendre ta voix
Timidement, je reprends ma flute et murmure « buvons à nous »
J’adooore, Mystérieuse, on va s’aimer jusqu’à la lie, le veux tu, fais m’en la promesse ! Quel est ton nom ?
-Dominique, mon prénom est Dominique et toi ?
Je n’ai pour réponse qu’un baiser appuyé entre mes lèvres et je succombe dans l’instant à la fougue enchanteresse de sa langue curieuse de découvrir la mienne. Je lui offre sans condition !
" sa langue curieuse de découvrir la mienne... "
Tout est langage...
Rédigé par : Laurent Morancé | 22 juillet 2007 à 17:32