Mady, en cet après-midi hivernal, plutôt que se confiner dans sa solitude et la lecture d’un bon roman, préfère arpenter les pavés glaciaux de la ville, après s’être réchauffée un moment à l’arôme d’un café dans l’enceinte d’une brasserie
Femme, élégante et pleine de mystère, elle s’arrête devant une boutique à la vitrine soigneusement agencée, « Le Boudoir ». Derrière le verre, des ensembles de lingerie fine aux dentelles délicates et aux teintes audacieuses attirent son regard. Le rouge vif d’un corset, l’éclat nacré d’un porte-jarretelles, et la transparence subtile d’une nuisette semblent murmurer des promesses secrètes.
Elle penche légèrement la tête, un sourire discret effleurant ses lèvres. Ce n’est pas seulement la beauté des pièces qui la captive, mais les histoires qu’elles pourraient raconter, les émotions qu’elles pourraient éveiller. Sous son trench-Coat, une chaleur particulière argumentée par ses pensées.
Son regard glisse sur les détails : une jarretière ornée de strass, un satin soyeux, un ruban délicatement noué. Elle s’imagine, un instant, enveloppée dans ces matières, dans un jeu de séduction intime et audacieux. L’ombre de son reflet dans la vitrine se superpose aux créations, comme si elle se projetait déjà dans ces instants rêvés.
Mais elle reste là, immobile, suspendue dans cet instant, laissant son esprit sensuel courir librement.
Alors qu’elle est encore plongée dans ses fantasmes, une voix masculine, profonde et légèrement rauque, la sort de sa rêverie :
— “Vous hésitez à entrer ?”
Elle sursaute légèrement, puis tourne la tête. Un homme se tient à ses côtés. Grand élégamment vêtu sportwear, avec un air nonchalant mais une intensité dans le regard. Il semble avoir surpris l’intimité de ses pensées sans y être invité, et pourtant, sa présence n’est pas dérangeante.
— “Ces vitrines ont le don d’attirer les âmes rêveuses,” ajoute-t-il en esquissant un sourire, un brin complice.
Elle hésite. Une part d’elle veut répondre quelque chose de léger, couper court à cet échange, mais une autre, plus audacieuse, décide de jouer le jeu.
— “Peut-être que je réfléchis à l’effet que cela pourrait avoir…” dit-elle en désignant la vitrine d’un geste discret.
L’homme arque un sourcil, amusé, mais ne répond pas tout de suite. Il semble mesurer ses mots, puis rétorque doucement :
— “Je suis sûr que l’effet serait… renversant.”
Elle rit doucement, mais elle sent son cœur battre un peu plus vite. L’inconnu semble ne pas être qu’un simple passant.
L’homme la fixe un instant, comme s’il hésitait à en dire plus, puis laisse échapper un léger soupir, mi- amusé, mi- coupable.
— “Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas arrivé ici par hasard.”
Elle fronce légèrement les sourcils, intriguée, mais reste silencieuse, l’encourageant à poursuivre.
— “Je vous ai vue tout à l’heure, à la brasserie. Vous étiez seule, assise près de la fenêtre, avec un café et un livre. Il y avait quelque chose… dans votre façon de feuilleter les pages, dans votre air pensif, qui m’a intrigué. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis retrouvé à vous suivre quand vous êtes sortie.”
Un mélange d’étonnement et de méfiance traverse son regard. Elle serre légèrement son sac contre elle, son sourire s’effaçant un peu.
— “Vous m’avez suivie ?” demande-t-elle, le ton neutre mais teinté d’un soupçon de défi.
Il lève les mains en signe d’innocence, son sourire désarmant.
— “Rien de sinistre, je vous assure. C’était… une impulsion. J’ai vu que vous vous arrêtiez ici, et je me suis dit que c’était peut-être une chance d’engager la conversation.”
Elle le jauge un instant, pesant ses mots, son attitude. Il ne semble pas menaçant, mais plutôt sincèrement désarçonné par sa propre audace.
— “Et qu’est-ce qui vous a donné envie de me suivre, exactement ? Mon café ou mon livre ?” demande-t-elle, une pointe d’ironie dans la voix.
Il rit doucement.
— “Peut-être l’idée que vous étiez plongée dans un monde que je ne pourrais jamais deviner. Et peut-être que maintenant, je voudrais le découvrir.”
Elle le regarde un instant, puis laisse échapper un léger rire, presque malgré elle. Cet homme, avec son étrange franchise et son sourire charmeur, commence à piquer sa curiosité.
Elle détourne un instant le regard, fixant à nouveau la vitrine, comme pour se rappeler de ses propres résolutions. Après des mois à garder ses distances, elle s’était jurée de ne plus céder à ces jeux de séduction, ces échanges pleins de promesses souvent éphémères. Mais il y avait, chez cet homme, une audace intrigante, une sincérité teintée de mystère qui la troublait plus qu’elle ne voulait l’admettre.
Elle joue avec la sangle de son sac, comme pour se donner une contenance.
— “Vous êtes vraiment sûr que ce n’était qu’une impulsion ?” demande-t-elle, un sourire au bord des lèvres, testant son honnêteté.
— “Sûr ? Non, je ne suis jamais sûr de rien,” répond-il, un éclat malicieux dans les yeux. “Mais je suis certain que je ne regrette pas d’avoir suivi cette impulsion.”
Elle sent son cœur s’accélérer, bien malgré elle. Tout dans sa posture, son ton, semblait calculé pour la séduire, et pourtant, rien n’avait l’air forcé. Il avait ce talent rare de rendre l’instant léger et grave à la fois, comme si ce moment avait une importance qu’elle n’avait pas encore saisie.
— “Vous savez, j’avais décidé de me tenir à distance de ce genre de situation,” dit-elle doucement, presque pour elle-même.
— “Quel genre de situation ?” demande-t-il, s’approchant imperceptiblement, mais suffisamment pour qu’elle sente son parfum discret et épicé.
Elle tourne la tête vers lui, plantant son regard dans le sien.
— “Ce genre de rencontre qui commence par un regard, une conversation, et finit par un tourbillon auquel on ne s’attendait pas.”
Il ne répond pas tout de suite, laissant ses mots flotter dans l’air glacial. Puis, il sourit, cette fois avec une douceur qui lui donne l’impression qu’il la comprend mieux qu’elle ne l’aurait cru.
— “Peut-être que les tourbillons sont parfois nécessaires. Pas pour vous emporter, mais pour vous rappeler que vous êtes vivante.”
Elle reste sans voix, surprise par la justesse de ses paroles. Une part d’elle veut se détourner, couper court à cet échange avant qu’il ne devienne trop dangereux. Mais une autre, plus profonde, plus intime, lui murmure qu’il est peut-être temps d’abandonner ses défenses, juste un peu.
— “Et si je regrette d’être vivante dans ce tourbillon ?” murmure-t-elle, presque pour le défier.
Il sourit à nouveau, cette fois avec un sérieux qui la désarme totalement.
— “Alors je veillerai à ce que vous n’ayez aucun regret.”
Et contre toute attente, elle se surprend à y croire, ou à essayer de se persuader qu’il est temps d’effacer les blessures et de faillir aux promesses d’abstinence. Un silence s’installe, mais ce n’est pas un silence lourd. C’est comme une pause, un instant suspendu où chacun évalue ce qu’il veut dévoiler à l’autre. Finalement, c’est elle qui brise la glace, sa curiosité prenant le dessus.
— “Puisque vous m’avez suivie, j’imagine que vous savez déjà un peu de choses sur moi. Je prenais un café, je lisais un livre… Mais vous, qui êtes-vous ? Que faisiez-vous à cette brasserie ?”
Il croise les bras, un sourire énigmatique aux lèvres, avant de répondre.
— “Je m’appelle Arthur. Architecte… du moins, officiellement. Mais disons que je suis avant tout un observateur. J’aime regarder les gens, deviner leurs histoires. Comme vous, par exemple.”
— “Moi ?” demande-t-elle, sceptique.
— “Oui, vous. Cette femme élégante qui commande un café noir sans sucre, plonge dans un livre, mais dont les pensées semblent ailleurs. Comme si elle était en quête de quelque chose, sans vraiment savoir quoi. Ça m’a fasciné.”
Elle fronce légèrement les sourcils, troublée par l’exactitude de son observation—
“Vous êtes plutôt doué pour deviner les gens,” dit-elle doucement.
— “Et vous ? Qui êtes-vous ?” demande-t-il en retour, un brin de défi dans la voix.
Elle hésite un instant, mais décide de jouer le jeu.
— “Je m’appelle Mady. Traductrice… du moins, officiellement,” dit-elle en reprenant sa formule, un sourire malicieux au coin des lèvres. “Mais avant tout, une rêveuse, je suppose.”
— “Une rêveuse qui hésite à entrer dans une boutique de lingerie audacieuse. Voilà qui est intéressant,” répond-il, amusé.
Elle rit, un rire léger mais sincère.
— “Et vous, qu’auriez-vous deviné de moi si vous ne m’aviez pas suivie ?”
Il réfléchit un instant, le regard lointain, comme s’il cherchait à assembler les pièces d’un puzzle invisible.
— “Que vous êtes quelqu’un qui aime les plaisirs simples mais qui a peur de trop se laisser aller. Que vous aimez lire parce que les livres vous transportent loin d’une routine qui vous pèse parfois. Et que, peut-être, vous cherchez à retrouver quelque chose que vous avez perdu.”
Ses mots la frappent, comme s’il avait lu en elle avec une précision troublante. Elle détourne les yeux, le souffle un peu court.
— “C’est effrayant à quel point vous semblez savoir tout ça,” murmure-t-elle.
— “C’est une simple intuition,” dit-il doucement. “Mais si j’ai tort, vous pouvez me le dire.”
Elle secoue la tête, un sourire en coin, le regard toujours rivé à la vitrine.
— “Vous n’avez pas tort,” admet-elle enfin. “Et c’est peut-être pour ça que je suis encore là, à vous parler.”
Arthur s’appuie légèrement contre le mur, la fixant avec une intensité douce.
— “Alors peut-être qu’on pourrait continuer cette conversation ailleurs. Un endroit où on n’est pas seulement deux inconnus devant une vitrine.”
Elle hésite, mais cette fois, ce n’est pas par peur. C’est parce qu’elle sait que dire oui pourrait changer quelque chose, là, maintenant. Et pour la première fois depuis longtemps, elle se dit que ce n’est pas une si mauvaise chose.
— “D’accord,” finit-elle par dire. “Mais c’est moi qui choisis l’endroit.”
Il sourit, visiblement ravi de cette réponse.
— “Je vous suis, Mady
A suivre...
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